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Les stars du foot battues par les sites de paris en ligne.

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Le jugement du 24 novembre 2006 du tribunal de commerce de Liège est l’un des six jugements rendus le même jour par ce tribunal, dans une série d’affaires portant sur l’utilisation des noms et images de joueurs et de clubs de football sur des sites de paris en ligne. Dans le jugement publié ici, le…

Le jugement du 24 novembre 2006 du tribunal de commerce de Liège est l’un des six jugements rendus le même jour par ce tribunal, dans une série d’affaires portant sur l’utilisation des noms et images de joueurs et de clubs de football sur des sites de paris en ligne. Dans le jugement publié ici, le tribunal rejette les demandes d’interdiction d’utilisation de noms de clubs de football ainsi que de noms et d’images de joueurs sur le site de paris en ligne exploité par la société Unibet.

Soulignons d’emblée le caractère très motivé du jugement, dont l’analyse complète demanderait des développements dépassant le cadre de cette présentation.

Que retenir en résumé ? Plusieurs choses, tant sur le plan procédural qu’au fond.

Sur le plan procédural

Le jugement tranche les problèmes de compétence dus à la multiplicité des chefs de demandes invoqués par les parties demanderesses (marques communautaires, marques Benelux, droits à la personnalité, droit à l’image, droit d’auteur).

Unibet avait en effet invoqué l’incompétence du tribunal de commerce de Liège pour connaître des demandes introduites sur base des marques communautaires, des droits de la personnalité (qui englobent le droit à l’image) et du droit d’auteur.

En ce qui concerne les marques communautaires, le tribunal constate que les demandes en cette matière sont de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Bruxelles (articles 574,11° et 627, 14° du Code Judiciaire) et rejette l’argument selon lequel il serait néanmoins compétent sur base des articles concernant la connexité (articles 30, 701, 565 et 566 du Code judiciaire): le mécanisme de jonction par connexité est tenu en échec par une compétence exclusive. L’affaire est donc pour partie renvoyée au tribunal de commerce de Bruxelles.

Quant aux droits de la personnalité et au droit d’auteur, Unibet demandait un renvoi devant le tribunal de première instance, celui-ci étant compétent pour connaître des demandes relatives à l’état des personnes, dont le nom fait partie (article 569, 1° Code Judiciaire), ainsi que des demandes fondées sur le droit d’auteur (article 569, 7° Code Judiciaire). Le tribunal juge cependant que même s’il n’est pas contestable que le droit au nom ressort de l’état des personnes, le litige n’a pas trait à l’état des personnes au sens que cette notion a en droit judiciaire, dès lors qu’il ne s’agit pas de faire reconnaître et constater un état, mais de donner effet à l’attribut de la personnalité en cause (le nom). En ce qui concerne le droit à l’image, protégé par l’article 10 de la loi sur le droit d’auteur, le tribunal juge que bien que celui-ci soit reconnu dans la loi sur le droit d’auteur, il n’a rien à voir avec ce dernier et que l’article 569, 7° du Code judiciaire ne s’applique pas.

Toujours sur le plan procédural, le tribunal déclare également irrecevables les demandes que les clubs de football ont introduit au nom de leurs joueurs de football, mis à part le Real de Madrid, ces clubs ne produisant pas la preuve que les joueurs leur ont cédés les droits d’exploitation sur leur image.

Quant au droit applicable, question souvent délicate lorsque le litige concerne une activité sur internet, le tribunal refuse d’appliquer le droit Maltais, comme demandé par Unibet sur base de la clause de marché intérieur (article 5 de la directive 2000/31). Cette directive n’est en effet pas applicable aux activités de paris en ligne et l’article 6, 3° de la loi belge du 11 mars 2003 transposant la directive 200/31 (loi dite « loi commerce électronique ») ne s’applique pas en matière de propriété intellectuelle (hors les clubs invoquent certains droits de marque). Par application du Code Belge de Droit International Privé (articles 93 et 99), c’est le droit belge qui s’applique.

Au fond

En ce qui concerne le fond du dossier, le jugement distingue fort logiquement selon les chefs de demande.

  1. Droit patronymique, droit à l’image et droit à l’honneur

    Le tribunal rappelle d’abord que toute personne peut faire défense à une autre personne d’user de son nom ou de son image, même sans avoir à prouver un préjudice matériel. Il s’empresse cependant de mentionner comme contrepoint l’existence de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (liberté d’expression) et des limites à ce droit, limites qui peuvent être basées sur la protection des droits d’autrui.

    A cet égard, le tribunal juge fort à propos qu’en l’espèce le droit à la vie privée n’est pas en cause, les photos des joueurs étant des images les représentant dans leurs activités publiques.

    Après avoir rappelé que l’article 10 ne distingue en principe pas selon la nature lucrative ou non du but recherché, le tribunal souligne qu’en matière commerciale il est néanmoins admis que l’utilisation du nom ou de l’image d’un sportif à des fins promotionnelles ou publicitaires viole le droit au nom et à l’image et que l’interdiction d’une telle utilisation est proportionnée par rapport au but poursuivi. Pour le tribunal, le cas d’espèce est cependant essentiellement différent, « en ce que le nom des joueurs ou leur image n’est pas utilisée à de telles fins, mais en tant qu’élément d’information quant à l’objet du produit commercial en cause, à savoir le pari » .

    Plus particulièrement, le tribunal constate sur base d’une analyse factuelle du site incriminé, que l’utilisation des images des joueurs est faite uniquement en tant qu’illustration d’un prochain évènement sportif mettant en cause les joueurs concerné et que le nom des joueurs est uniquement utilisé en tant qu’élément d’information relativement à l’objet du pari organisé au vu d’une actualité sportive. A cet égard, le tribunal relève que les images litigieuses et les noms de joueurs sont retirés immédiatement une fois que l’évènement sportif permettant le pari a eu lieu.

    Le tribunal reprend alors à son compte l’argument d’Unibet selon lequel il convient de faire une différence entre le fait de communiquer, dans un but informatif, une information à propos d’une personne connue et le fait de se placer dans son sillage (c’est-à-dire le fait de laisser entendre que par leur image elle promotionnent/recommandent le service ou le produit vendu). Le tribunal constate que les images des joueurs sont à chaque fois insérées au regard d‘une actualité sur laquelle est organisée un pari, à titre d’illustration de l’objet du pari visé et non en tant qu’instrument publicitaire à l’appui d’un produit distinct.

    L’action, en tant que fondée sur le droit au nom et à l’image, est donc déclarée non-fondée.

    Il en va de même des demandes fondées sur le droit à l’honneur et à la réputation, dès lors qu’il est clair pour l’utilisateur que les joueurs ne sont que l’occasion directe ou indirecte du pari.

  2. droit des marques et nom commercial

    En ce qui concerne le droit des marques (Benelux), le tribunal observe que les marques déposées (les noms des clubs, et un maillot) ne sont pas utilisés pour distinguer des produits ou des services, soit en l’espèce des paris, mais uniquement comme objet de ces paris. C’est donc l’article 2.20.1 d) de la Convention Benelux qui s’applique. Cet article dispose que: “le droit exclusif à la marque permet au titulaire d’interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement (…). de faire usage d’un signe à des fins autres que celles de distinguer les produits ou services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice”.

    Le tribunal juge à ce propos que même si l’usage fait par Unibet tire profit du caractère distinctif et de la renommée des clubs (et de leur marque), Unibet peut se prévaloir d’un « juste motif » au sens de l’article 2.20.1 d) : dans la mesure où les marques litigieuses s’identifient au nom des clubs de football, il n’est pas possible d’organiser des paris sur ces clubs sans les citer et donc toute l’activité économique d’Unibet est tributaire de l’usage de ces marques.

    Le tribunal rappelle également l’article 2.23 de la Convention Benelux qui stipule que : « Le droit exclusif n’implique pas le droit de s’opposer à l’usage par un tiers dans la vie des affaires (…) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci (…) pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale » et constate que l’utilisation du nom des clubs de football est nécessaire pour indiquer l’une des caractéristiques du service, à savoir quel est l’objet du pari.

    L’action, en tant que fondée sur le droit des marques, est rejetée. Le tribunal rejette également l’action fondée sur les droits tirés du nom commercial des clubs, les clubs et les joueurs ne démontrant aucun agissement parasitaire ni risque de confusion.

Conclusion

La décision tranche clairement les problèmes soulevés, et ce de manière plutôt convaincante. Cependant, la décision sur l’un des points cruciaux (l’utilisation de l’image et du nom des joueurs) est le résultat d’une appréciation en fait concernant la distinction entre utilisation aux fins de publicité pour des produits ou services d’une part, et l’utilisation pour informer sur ces produits et services d’autre part. Cette appréciation est susceptible de ne pas être partagée en cas d’appel. Reste par ailleurs à attendre la décision du tribunal de commerce de Bruxelles concernant l’usage des marques communautaires.

A la mi-temps, c’est en tout cas 1-0 pour les sites de paris sportifs.

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