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Le marché unique des dispositifs médicaux se met en place

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Le Conseil d’Etat français annule un décret relatif au résumé des caractéristiques du dispositif médical, qui impose une formalité non prévue par le droit européen, au motif que cette obligation supplémentaire méconnaît l’objectif des directives européennes visant une harmonisation complète.

Le décret en cause

L’article L. 5211-4-1 du code de santé publique, issu de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dispose que : « Lors de la mise en service sur le territoire national de dispositifs médicaux dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les fabricants ou leurs mandataires transmettent à l’agence un résumé des caractéristiques de leur dispositif. Le contenu et les modalités de transmission du résumé des caractéristiques du dispositif sont déterminés par un décret en Conseil d’État ». La méconnaissance de cette obligation est punie, en vertu de l’article L. 5461-6-1 du même code, de 150 000 euros d’amende et peut faire l’objet, en vertu de son article L. 5461-9, d’une sanction financière.

Le décret attaqué (n° 2016-1716 du 13 décembre 2016) pris en exécution de l’article L. 5211-4-1, insère un article R. 5211-66-1 dans le code de la santé publique.

Le I de cet article prévoit :

  • que les dispositifs médicaux soumis à l’obligation mentionnée ci-dessus sont, hors les dispositifs sur mesure, les dispositifs médicaux implantables et les dispositifs médicaux de classe III,
  • que le résumé des caractéristiques est adressé par voie électronique au directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) lors de la mise en service du dispositif médical sur le territoire national et
  • que la transmission est effectuée pour chaque dénomination commerciale par les fabricants, leurs mandataires et les distributeurs qui délivrent directement les dispositifs médicaux à l’utilisateur.

Le II de cet article détermine les éléments qui doivent figurer dans le résumé des caractéristiques du dispositif médical.

L’harmonisation

Les directives 90/385/CEE et 93/42/CEE régissant, pour la première, les dispositifs médicaux implantables actifs et, pour la seconde, les autres dispositifs médicaux, ne prévoient pas qu’un résumé des caractéristiques d’un dispositif médical soit communiqué à une autorité compétente préalablement à sa mise sur le marché national ou à sa mise en service.

Ces directives posent, en revanche, un principe d’harmonisation fort en leur article 4 : les dispositifs médicaux portant le marquage CE doivent pouvoir circuler librement au sein de l’Union européenne. Cela implique que les Etats membres ne doivent pas faire « obstacle, sur leur territoire, à la mise sur le marché et à la mise en service des dispositifs portant le marquage CE ». Ce marquage indique que les dispositifs en question ont été soumis à une évaluation de leur conformité, conformément à ces directives.

Ce corpus juridique européen, comme le rappelle le Conseil d’Etat, vient d’être remplacé par le nouveau Règlement 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux, adopté le 5 avril 2017. Ce nouveau règlement est entré en vigueur le 25 mai 2017. Toutefois, il ne s’appliquera, dans toutes ses dispositions, et abrogera les deux directives précitées, qu’à la date du 26 mai 2020. Entre temps, les deux directives 90/385/CEE et 93/42/CEE sont encore d’application.

Ce nouveau règlement prévoit, en son article 32, s’agissant des dispositifs implantables et des dispositifs de classe III, la production par le fabricant d’un résumé des caractéristiques de sécurité et des performances cliniques, et la fourniture de ce document à l’organisme d’évaluation de la conformité du produit aux exigences générales en matière de sécurité et de performances prévues par ce règlement (l’ « organisme notifié »).

Il semblerait donc que le décret français en cause anticipe l’application du règlement. C’est en tout cas la thèse soutenue, devant le Conseil d’Etat, par le Ministre des solidarités et de la santé auteur du décret.

L’arrêt rendu

L’arrêt rappelle, à juste titre, que les articles 4 des directives 90/385/CEE et 93/42/CEE, posent le principe de libre circulation des dispositifs médicaux portant le marquage CE et prévoient, à ce titre, que les États membres ne peuvent faire obstacle à la mise sur le marché ou à la mise en service, sur leur territoire, des dispositifs portant un tel marquage CE.

Pour le Conseil d’Etat, « Il ressort clairement de ces dispositions et de l’économie générale des directives que celles-ci visent à assurer une harmonisation complète des dispositions nationales relatives à la mise sur le marché et à la mise en service des dispositifs médicaux implantables actifs et des autres dispositifs médicaux, afin de garantir, dans le respect des règles qu’elles fixent, la libre circulation de ces dispositifs. »

Par suite, l’arrêt conclut qu’un « Etat membre ne pouvait, sans méconnaître les objectifs de ces directives, instituer une obligation supplémentaire relative à la mise sur le marché ou à la mise en service de ces dispositifs assortie de sanctions, notamment pénales, en cas de méconnaissance de cette obligation. »

L’arrêt insiste encore sur la différence qu’il y a entre le système mis en place par le décret, et les mesures d’urgence prévues par les directives. Alors que le décret s’applique, sauf exception, à tous les dispositifs, en créant une obligation supplémentaire, l’article relatif aux mesures d’urgence dites « mesures particulières de veille sanitaire » permet seulement à un Etat membre, qui estimerait devoir, pour assurer la protection de la santé et de la sécurité ou pour assurer le respect des impératifs de santé publique, interdire ou soumettre à des exigences particulières la mise sur le marché et la mise en service d’un produit ou d’un groupe de produits donné, de prendre toutes les mesures transitoires nécessaires et justifiées, dans l’attente que la Commission émette son avis sur le caractère justifié des mesures nationales. Pour le Conseil d’Etat, l’obligation supplémentaire que crée le décret litigieux ne peut constituer une telle mesure particulière de veille sanitaire.

Enfin, le ministre a cherché à justifier l’exigence supplémentaire posée par le décret litigieux par la volonté d’anticiper l’article 32 du nouveau Règlement sur les dispositifs médicaux. Cette thèse a été rejetée par le Conseil d’Etat, pour la bonne et simple raison que les dispositions du Règlement ne seront applicables qu’à compter du 26 mai 2020 et qu’entre temps, les directives 90/385/CEE et 93/42/CEE continuent de s’appliquer. Les dispositions transitoires prévues par le Règlement n’autorisent en aucun cas les Etats membres à déroger à ces directives pour imposer l’application anticipée, sur leur territoire, de dispositions du règlement, en ce compris son article 32.

C’est donc logiquement que le Conseil d’Etat a annulé le décret litigieux, en raison de sa non-conformité aux directives applicables et au principe de libre circulation qu’elles posent.

Commentaire

Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne des développements actuels, qui visent à assurer la libre circulation des dispositifs médicaux dans l’Union européenne.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la règlementation française applicable en matière de dispositifs médicaux est sur la sellette pour avoir tenté de créer des exigences allant au-delà de celles posées par les directives d’harmonisation. On se rappellera que, le 7 décembre 2017, la Cour de Justice a vu d’un très mauvais œil le décret français n° 2014-1359, qui impose aux fabricants de logiciels d’aide à la prescription médicale, qualifiés de dispositifs médicaux, une certification supplémentaire franco-française, pour pouvoir commercialiser ledit logiciel en France (à ce sujet voir notre article). Le même principe de libre circulation des dispositifs portant du marquage CE avait alors également été rappelé haut et fort par la Cour.

Alors que les Etats ont encore une large marge de manœuvre par rapport aux médicaments, les dispositifs médicaux obéissent à une logique différente d’harmonisation maximale et de libre circulation, à laquelle il est de moins en moins admis de déroger.

Plus d’infos ?

En lisant l’arrêt du Conseil d’Etat, disponible en annexe.

Droit & Technologies

Annexes

Arrêt du Conseil d’Etat

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