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Actualité récente en droit des brevets

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Le droit des brevets est en droit en pleine mutation. Nous faisons le point sur quelques événements récents en matière : de la brevetabilité du logiciel à la protection des séquences ADN, en passant par la création d’un brevet européen, passage en revue de quelques thèmes « chauds ».

1. En Europe

Pour rappel, le brevet européen ne doit pas se confondre avec le brevet de l’Union Européenne, nouvelle appellation du brevet communautaire depuis le Traité de Lisbonne.

Le brevet européen existe depuis plus de trente ans : il est examiné par l’Office Européen des brevets, mais il se scinde ensuite en autant de brevets nationaux que de pays désignés.

Le brevet de l’Union Européenne est quant à lui en projet depuis plus de trente ans. Les espoirs de le voir aboutir à bref délai sont réalistes, comme le sont hélas les craintes de le voir à nouveau reporté.

1.1. Brevet européen : la brevetabilité des programmes d’ordinateurs sous la loupe de la Grande Chambre de Recours (G3/08)

Bien que la Convention sur le brevet européen exclut du champ de la brevetabilité les programmes d’ordinateurs, considérés en tant que tels, l’Office du Brevet européen en a délivré de dizaines de milliers de brevets de logiciels depuis plus de 30 ans.

Divers fondements ont été retenus au fil du temps pour reconnaître le caractère technique de certaines inventions de logiciels, permettant leur brevetabilité :

• le logiciel est embarqué sur un support matériel ou un ordinateur (entendu au sens large) ;
• le logiciel est l’accessoire d’une invention complexe dont le caractère technique est apporté par des éléments ayant un caractère technique, et non par le programme d’ordinateur (l’approche dite de la contribution technique) ;
• le logiciel est brevetable si « une fois mis en oeuvre ou chargé sur un ordinateur, [il] produit ou est capable de produire un effet technique allant au-delà des interactions physiques "normales" existant entre le [logiciel] et l’ordinateur […] sur lequel il fonctionne » (Décision T-1173/97 de la Chambre de recours technique du 1er juillet 1998, point 13, §2) ;
• l’analyse de la brevetabilité du logiciel mis en œuvre dans un système informatique se situe au niveau de l’activité inventive (T-258/03 et T-424/03).

Les chambres de recours de l’OEB ont toutefois connu certains errements relativement à ces fondements de contournement. Relevant plusieurs décisions qu’elle estimait divergentes et sources d’insécurité juridique, la Présidente de l’OEB a saisi la Grande Chambre de Recours (Grande Chambre) en octobre 2008 en vue de clarifier et unifier la jurisprudence.

A titre d’exemple, la Présidente pointait la divergence entre la décision T-1173/97 du 1er juillet 1998 avec les décisions T-258/03 du 21 avril 2004 et T-424/03 du 23 février 2006.

La décision T-1173/97 estimait que la distinction entre un programme en lui-même ou un programme embarqué dans un système informatique était sans pertinence, et qu’il fallait démontrer un effet technique supplémentaire, même si le logiciel était revendiqué avec son support de données.

Dans la décision T-258/03, la même Chambre de recours, autrement composée, a estimé que tout dispositif comprenant des caractéristiques techniques et toute revendication impliquant des moyens techniques avaient un caractère technique étaient des inventions.

Développant ce raisonnement, la décision T-424/03, a disposé que la revendication d’une méthode mise en œuvre dans un système informatique avait un caractère technique, et qu’elle ne relevait pas comme telles de la catégorie « programmes d’ordinateurs ».

Les décisions T-258/03 et T-424/03 considéraient donc qu’un logiciel mis en œuvre dans un système informatique présente toujours des caractéristiques techniques qui en font une invention au sens de 52 CBE. Ces décisions déplacent la question de la brevetabilité au niveau de l’activité inventive pour l’analyse de laquelle seules les caractéristiques techniques contribuant à la solution technique du problème technique sont prises en comptes.

Attendue avec impatience par de nombreux acteurs du secteur informatique, la décision de la Grande Chambre a finalement été rendue ce 12 mai 2010 (G3/08). Ceux qui espéraient une prise de position sur la brevetabilité des logiciels ont été déçus, nous semble-t-il à tort.

La Grande Chambre a rappelé que si son rôle consistait bien à examiner la conformité des décisions des chambres de recours aux règles de la Convention, elle n’avait pas interférer avec le développement de la jurisprudence, développement d’autant plus normal que cette jurisprudence se développe dans un champ technologique relativement nouveau.

La Grande Chambre a ensuite examiné les décisions pointées par la Présidente et a estimé soit qu’il n’y avait en réalité pas de divergences, soit que les divergences relevaient de l’évolution normale de la jurisprudence et n’appelaient pas d’intervention pour rétablir la sécurité juridique.

Pour reprendre la divergence entre les décisions T-1172/97, T-258/03 et T-424/03, la Grande Chambre a estimé – pour des motifs qu’il serait trop long de développer – qu’elle constituait un développement légal normal.

Un coup dans l’eau (trouble) de la brevetabilité des logiciels ? Cette conclusion serait trop hâtive.

Par sa décision, la Grande Chambre semble bien valider la jurisprudence la plus récente des chambres de recours. En effet, cette décision G3/08 ne remet pas en question les évolutions apportées par les décisions T-258/03 et T-424/03 qui constituent donc l’état – actuel – de la jurisprudence de l’OEB.

Il faudra sans doute attendre la finalisation du projet de brevet de l’Union Européenne (voir ci-dessous) pour que de nouveaux projets de règlements et/ou directives en matière de brevetabilité de logiciels voient le jour. Les conditions de validité du brevet de l’Union Européenne seront en effet également examinées par l’OEB et seront donc soumis à sa jurisprudence. Celle-ci sera d’autant plus l’objet des critiques et des attentions qu’elle concernera potentiellement un brevet logiciel unique pour tout le territoire de l’Union.

1.2. Le brevet de l’Union Européenne fait long feu

Le projet de brevet de l’Union européenne reste difficilement hors du tiroir d’où il sort et où il retourne depuis 35 ans. La dernière tentative initiée par le Conseil de l’Union en 2000 est toujours en cours, et a été sérieusement réactivée en 2009.

Rappelons toutefois les dernières embûches rencontrées récemment.

La présidence belge de l’Union qui a fait de la mise sur pied du brevet de l’Union européenne l’un de ses principaux objectifs achoppe hélas encore sur le problème des langues. Le compromis qu’elle propose limiterait dans un premier temps la traduction des revendications uniquement vers l’anglais, jusqu’à ce que les performances de machines de traduction permette la traduction à partir d’une des trois langues officielles de l’OEB (EN, FR, DE) vers toutes les langues de l’Union. L’Espagne propose quant à elle un système dans lequel les déposants pourraient choisir n’importe quelle autre langue de l’Union pour déposer leur brevet, l’anglais devenant la seule langue officielle de traduction.

Pour les défenseurs d’un brevet unique pour tout le territoire de l’Union, ces questions linguistiques évoquent le fameux débat de linguistes entre les tenants du schtroumpfe-bouchon et ceux du tire-bouschrtompf – or, tout le monde sait que l’un et l’autre désignent la même invention, depuis longtemps tombée dans le domaine publique, et dont on se sert communément pour la joie de toutes les langues.

La présidence belge pousse également le projet d’accord sur la création d’une juridiction du brevet européen et du brevet de l’Union Européenne. La Commission a soumis le projet d’Accord à la Cour de Justice, dont l’avocat général a rendu le 2 juillet 2010 un avis préliminaire concluant à la non-conformité du projet avec les Traité de l’Union. La décision de la Cour est attendue dans les prochains mois.

1.3. Brevetabilité des séquences ADN : l’arrêt Monsanto du 6 juillet 2010

Rappelons aussi brièvement l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne (C-428/08) dans l’affaire qui opposait Monsanto à des importateurs européens de farine de soja argentine, laquelle farine comportait des résidus de soja génétiquement modifié par Monsanto.

La Cour y précise que la protection conférée aux brevets européens est exclue lorsque l’information génétique a cessé d’exercer la fonction qui était la sienne dans la plante initiale dont elle est issue.

Cette décision a fait l’objet d’une actualité sur le présent site, à laquelle nous renvoyons : https://www.droit-technologie.org/actuality-1345/brevet-et-biotechnologies-seule-la-fonction-effective-de-l-adn-breve.html

2. Aux Etats-Unis

Beaucoup attendaient de la Cour Suprême qu’elle rende, dans l’affaire Bilski, une décision qui fixerait la jurisprudence américaine en matière de brevetabilité des logiciels et des business methods.

Sa décision a été rendue ce 28 juin 2010.

Pour l’essentiel, la Cour a estimé que le test dit machine-or-transformation test consacré le 30 octobre 2008 par la Cour d’appel pour le Circuit Fédéral (CAFC) des Etats-Unis dans cette même affaire Bilski, et destiné à apprécier la brevetabilité de procédés, n’était pas le seul test pour déterminer cette brevetabilité, mais un outil d’investigation utile et important à cette fin.

Rappelons que ce test était plus sévère que l’exigence prévalant jusqu’alors (l’invention de procédé devait produire un résultat « utile, concret et tangible »). Le test dit machine-or-transformation test implique quant en lui, en résumé, que le procédé revendiqué est brevetable s’il est lié à une machine particulière ou un appareil particulier, ou s’il transforme un élément d’un état à un état différent ou en un autre élément.

En indiquant que ce test n’est pas le seul de nature à permettre de vérifier la brevetabilité, la Cour procède à un relatif assouplissement de la position adoptée par la CAFC.

Néanmoins, s’agissant de l’invention de M. Bilski et consors, la Cour a estimé que la stratégie d’investissement revendiquée n’était pas brevetable dans la mesure où elle n’était qu’une idée abstraite et donc exclue comme telle de champ de la brevetabilité – un brevet ne pouvant être concédé pour une idée en tant que telle.

Si pour certains commentateurs, telle la Free Software Foundation ou l’APRIL, cette décision est une étape vers l’abolition des brevets logiciels ou à tout le moins un raffermissement des critères de brevetabilité des logiciels et des business methods, pour d’autres, la Cour Suprême n’apporte aucun changement véritable à la jurisprudence, se contentant de nuancer la portée de la décision Bilski de la CAFC, mais sans tracer une ligne claire en matière de brevetabilité des logiciels et des business methods.

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