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Facebook a menti : 110 millions d’euros d’amende

Publié le par - 1783 vues

Facebook avait affirmé lors du rachat de WhatsApp, qu’il ne lui était techniquement pas possible d’associer automatiquement les identifiants des utilisateurs de Facebook aux identifiants des utilisateurs de WhatsApp. Pourtant, en 2016 elle a modifié ses conditions générales pour autoriser expressément cette association. La Commission a pu établir que Facebook lui avait menti sur ce point.

Lorsqu’elle dépasse certains seuils, une opération de concentration doit être notifiée aux autorités de la concurrence qui doivent alors se prononcer sur les effets de ce rapprochement du point de vue de la concurrence, et délivrer une autorisation assortie le cas échéant de conditions (cessions, engagements, etc.). La réalisation effective de la concentration ne peut intervenir qu’après l’accord de l’Autorité.

Le règlement de l’UE sur les concentrations oblige les entreprises soumises à une enquête en matière de concentration à fournir des renseignements exacts et non dénaturés, ce qui est indispensable pour que la Commission puisse examiner les concentrations et les acquisitions en temps utile et de manière efficace. Cette obligation s’applique indépendamment de la question de savoir si les informations ont une incidence sur le résultat final de l’évaluation de l’opération de concentration.

Il y a donc une obligation de sincérité dans les informations communiquées aux autorités.

Le rachat de WhatsApp par Facebook

Vu la taille des intervenants, le rachat en 2014 de WhatsApp par Facebook a dû être soumis aux autorités européennes de la concurrence.

En l’espèce, la Commission a autorisé le rachat après avoir vérifié trois grands marchés  :

  • En ce qui concerne les services de communications grand public, la Commission a constaté que Facebook Messenger et WhatsApp n’étaient pas des concurrents proches et que les consommateurs continueraient d’avoir accès, après la concentration, à un vaste choix d’autres applications pour les communications grand public. Bien que les applications mobiles grand public se caractérisent par des effets de réseau, l’enquête a montré que plusieurs facteurs avaient atténué les effets de réseau dans ce cas précis.
  • En ce qui concerne les services de réseaux sociaux, la Commission a conclu que quelles que soient les limites précises du marché des services de réseau social et indépendamment de la question de savoir si WhatsApp est considérée ou non comme un réseau social, les entreprises sont, en tout état de cause, des concurrents éloignés.
  • En ce qui concerne la publicité en ligne, la Commission a conclu que, indépendamment de la question de savoir si Facebook introduirait ou non de la publicité sur WhatsApp et/ou commencerait ou non à collecter les données des utilisateurs de WhatsApp à des fins publicitaires, l’opération ne soulevait aucun problème de concurrence. En effet, outre Facebook, plusieurs autres fournisseurs continueraient à proposer de la publicité ciblée à l’issue de l’opération, et il demeurerait un grand nombre de données d’utilisateurs d’internet utiles pour la publicité mais qui n’étaient pas sous le contrôle exclusif de Facebook.

La Commission trompée ?

Lorsque Facebook a notifié l’acquisition de WhatsApp en 2014, la société a informé la Commission qu’elle ne serait pas en mesure d’établir d’une manière fiable la mise en correspondance automatisée entre les comptes d’utilisateurs de Facebook et ceux de WhatsApp. Elle l’a indiqué à la fois dans le formulaire de notification et dans une réponse à une demande de renseignements de la Commission.

Or, en août 2016, WhatsApp a annoncé des mises à jour de ses conditions générales d’utilisation et de sa politique de confidentialité, y compris la possibilité d’associer les numéros de téléphone des utilisateurs de WhatsApp aux profils d’utilisateur de Facebook. L’objectif était « d’améliorer le service fourni, en permettant, par exemple, à Facebook de faire de meilleures propositions d’amis ou d’afficher des publicités plus pertinentes sur les comptes Facebook des utilisateurs de WhatsApp. »

Comment ce qui n’était pas possible en 2014 est-il soudain devenu réalité en 2016 ?

Voilà en gros la question centrale que se posent la commission européenne.

L’ouverture d’une procédure

Le 20 décembre 2016, la Commission a adressé une communication des griefs à Facebook, dans laquelle elle expose ses préoccupations.

En résumé : « La Commission estime, à titre préliminaire, que, contrairement aux affirmations de Facebook et à la réponse qu’elle a fournie lors de l’examen de l’opération de concentration, la possibilité technique d’associer automatiquement les identifiants d’utilisateur de Facebook aux identifiants d’utilisateurs de WhatsApp existait déjà en 2014. À ce stade, la Commission craint donc que Facebook ait fourni, délibérément ou par négligence, des informations inexactes ou trompeuses à la Commission, en violation des obligations qui lui incombent en vertu du règlement de l’UE sur les concentrations. »

L’enjeu déclaré est donc le principe même de la sincérité de l’information communiquée.

Ce premier enjeu, facial, ne doit pas faire oublier le second : si la commission avait su, en 2014, que contrairement à ce que Facebook et WhatsApp affirmaient, il était possible de lier les comptes de l’un avec les numéros de téléphone de l’autre, les conclusions que la Commission aurait tirées au niveau des 3 grands marchés analysés ci-dessus, aurait-elle été les mêmes ?

L’amende

L’enquête menée suite à la communication des griefs a confirmé la désinformation.

En vertu du règlement sur les concentrations, la Commission peut infliger des amendes allant jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires total des entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, fournissent un renseignement inexact ou dénaturé à la Commission.

Pour fixer le montant d’une amende, la Commission tient compte de la nature, de la gravité et de la durée de l’infraction, ainsi que des circonstances atténuantes et aggravantes.

Facebook a commis deux infractions distinctes en fournissant un renseignement inexact et dénaturé :

  • d’une part, dans le formulaire de notification de la concentration et
  • d’autre part, dans la réponse à une demande de renseignements de la Commission.

La Commission considère que ces infractions sont graves puisqu’elles l’ont empêchée de disposer de toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de sa tâche liée à l’appréciation de l’opération.

En outre, la Commission considère que les employés de Facebook étaient informés de la possibilité de mise en correspondance des utilisateurs et que Facebook avait conscience de l’importance de cet aspect pour l’évaluation effectuée par la Commission, ainsi que des obligations lui incombant en vertu du règlement sur les concentrations. Par conséquent, Facebook a fait preuve tout au moins de négligence dans la violation de ses obligations procédurales.

La Commission a également tenu compte de la présence de circonstances atténuantes, notamment du fait que Facebook a coopéré avec la Commission au cours de la procédure d’infraction procédurale. En particulier, dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, Facebook a reconnu la violation des règles et a renoncé à ses droits procéduraux de demander l’accès au dossier ainsi qu’une audition, ce qui a permis à la Commission de mener l’instruction de manière plus efficace. La Commission a pris en compte la coopération de Facebook pour fixer le niveau de l’amende.

Sur la base de ces facteurs, la Commission a conclu que l’amende totale de 110 millions d’euros était à la fois proportionnée et dissuasive.

Le rachat de WhatsApp remis en cause ?

La décision de la Commission n’a aucune incidence sur celle d’octobre 2014 d’autoriser l’opération en vertu du règlement de l’UE sur les concentrations.

La Commission explique que « la décision d’autorisation était fondée sur un certain nombre d’éléments allant au-delà de la mise en correspondance automatisée des utilisateurs. La Commission a également effectué à ce moment-là une évaluation de type «même au cas où» fondée sur l’hypothèse d’une possibilité de mise en correspondance automatisée. La Commission considère dès lors que bien qu’ils aient leur importance, les renseignements inexacts ou dénaturés fournis par Facebook n’ont pas eu d’incidence sur le résultat de la décision d’autorisation.

En outre, la décision d’aujourd’hui n’est pas liée à des procédures nationales antitrust en cours ni à des problèmes de respect de la vie privée, de la protection des données ou de la protection des consommateurs, qui risquent de se poser à la suite de la mise à jour, prévue en août 2016, des conditions générales d’utilisation et de la politique de confidentialité de WhatsApp. »

Voilà pour l’explication officielle : en résumé « la Commission a été trompée mais c’est sans incidence sur la décision finale, et les autorités de protection feront le boulot qu’elles croient devoir faire suite à ce rapprochement des comptes Facebook/WhatsApp qui n’était pas possible mais qui est quand même devenu possible ».

Certains observateurs soulignent avec un brin d’ironie que la Commission n’a aucun intérêt à remettre le deal en cause ou à admettre que ce mensonge engendre des conséquences sur le plan de la protection des données personnelles. Ce serait en quelque sorte admettre qu’elle a été roulée dans la farine au point d’avoir pris une mauvaise décision. En quelque sorte, le gendarme a dans ce cas intérêt à minimiser le manquement de celui qu’il vient de prendre en flagrant délit de mensonge. Politiquement dangereux…

Droit & Technologies

Annexes

Autorisation en 2014 du rachat de WhatsApp par Facebook

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Communication des griefs de 2016

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