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Quelle loi appliquer à la diffamation sur internet ? Bras de fer entre le parlement et le conseil européens

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Rome est réputée ne pas avoir été bâtie en un jour ; il semble que le règlement Rome II emprunte les mêmes circonvolutions. En effet, le règlement qui déterminera la loi applicable aux obligations non-contractuelles est encore en longue gestation. C’est donc une partie très importante du renforcement de l’espace juridique européen qui est urgemment…

Rome est réputée ne pas avoir été bâtie en un jour ; il semble que le règlement Rome II emprunte les mêmes circonvolutions. En effet, le règlement qui déterminera la loi applicable aux obligations non-contractuelles est encore en longue gestation. C’est donc une partie très importante du renforcement de l’espace juridique européen qui est urgemment concerné.

Depuis 2003, année de la première proposition (voir notre article du 11/10/2003), Parlement et Conseil européens se chamaillent tant concernant les domaines que le règlement couvrira, que concernant la solution au conflit de loi à préconiser.

Les divergences entre les organes et la lenteur qui en découle sont à l’image de la construction européenne. Autant le Parlement peut plus relativement œuvrer librement à l’uniformisation juridique nécessaire pour bâtir une Union pérenne, autant le Conseil laisse transparaître les enjeux nationaux (certes légitimes, parfois).

Le dernier épisode en date de la saga Rome II est un bras de fer concernant, entre autres, la violation de la vie privée par la presse ou diffamation.

Bien que le texte de 2003 (nous le regrettions alors) n’utilisait que des termes faisant référence à la presse écrite et audiovisuelle (avec le risque de voir une juridiction exclure la presse multimédia), l’esprit du texte était bien d’englober toutes les formes de presse. Or, avec les développements de l’internet, c’est précisément à des litiges en matière de presse multimédia que les juridictions seront de plus en plus confrontées. Et le nombre de pays acteurs dans ces litiges ne fera lui aussi que croître. Il est donc d’autant plus urgent de clarifier les règles déterminant la loi applicable dans les hypothèses de violation de la vie privée ou de diffamation.

Position antérieure du Parlement

Il est aujourd’hui extrêmement simple pour une personne malintentionnée de se réfugier derrière une législation exotique. Conscient de ce fait indéniable, la position du Parlement en l’article 6 de proposition de règlement est de soutenir que l’élément déterminant quant à la loi applicable est celui de la loi du pays vers lequel la publication ou la diffusion est orienté.

Il est important d’avoir à l’esprit que cette réponse à une question de droit international privé déroge au principe général développé dans Rome II (l’article 3 du projet pose en règle que c’est la loi du pays du lieu où le dommage est survenu qui s’appliquera).

Il est plus important encore de remarquer que la position défendue par le Parlement est en droite ligne avec la jurisprudence de la Cour de Justice de Luxembourg.
Dans un affaire Fiona Shevill (C-68/93 disponible via le lien suivant : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:61993J0068:FR:HTML), la Cour a retenu le lieu de diffusion comme critère en cas de diffamation par voie de presse en précisant que son choix est guidé par le fait que c’est là où est diffusée l’information au tiers que la réputation d’une personne risque d’être atteinte.

Cette position, qui fait référence à la théorie de la focalisation retenue en droit français, est une position de bon sens. Le principe de la loi la plus proche, principe que le droit international privé préconise, doit certainement être dans le cas de la diffamation la loi du lieu ers lequel la publication ou la diffusion est orienté.

Le texte du Parlement est donc tout à fait en adéquation avec la réalité observable habituellement ; les juges de Luxembourg ne s’y sont pas trompés non plus.

Reste cependant qu’avec l’internet, le lieu de diffusion a tendance à voir son étendue grandir très rapidement. C’est même son essence d’être plurinational. Le Parlement réserve alors à la Cour le soin de se prononcer. Tout au plus, la dernière version du texte de Rome II propose-t-elle qu’en cas de loi non-identifiable, c’est la loi du pays dans lequel est exercé le contrôle éditorial qui doit être retenue.

C’est, d’un point de vue théorique, regrettable. En effet, cette position risque singulièrement de renforcer les diffamateurs dans leur volonté de se cacher en des lieux à l’autre bout du monde. De plus cette absence de définition du pays de diffusion présente le défaut de ne pouvoir déterminer la loi applicable que trop rarement.
Mais Rome II doit-il être la solution unique et ultime aux conflits pour diffamation sur internet ?

Position du Conseil

Pour un motif obscur (est-ce un choix juridiquement délibéré, ou des motifs d’ultra-sensibilité des Etats ?), le Conseil propose purement et simplement de supprimer l’article 6 du projet de Rome II.

Et donc de s’en remettre à la règle générale ? Rien n’est moins sûr.

Les motifs exprimés dans l’amendement 57 du Conseil proposé le 21 février 2006 précisent que le Conseil ne peut accepter l’article 6 parce qu’il favorise l’éditeur au détriment de la victime et parce qu’il s’éloigne de la solution préconisée par la majorité des droits internes des états membres. Aussi, le Conseil préfère ne pas inclure cette question trop controversée dans un texte régulateur, ou à tout le moins, d’en rester au recours au principe général pour résoudre les conflits de loi.

Réponse du Parlement et texte plus consistant

Récemment, le 18 janvier 2007, le Parlement est revenu à la charge, votant comme nouvelle proposition de texte un retour au régime décrit précédemment.

Par bonheur, le Parlement prend la peine de renforcer son texte. Au moins par deux points.

  • Le Parlement ajoute explicitement à la portée de son texte les publications via l’internet et via d’autres réseaux électroniques, avec une heureuse exhaustivité donc.

  • Plus encore, le Parlement aide à définir le pays de diffusion en précisant les règles de détermination de celui-ci : « Le pays auquel une publication ou une émission s’adresse est déterminé notamment en fonction de la langue de publication ou d’émission ou en fonction du volume de vente ou de l’indice d’écoute dans un pays déterminé par rapport au total des ventes ou des indices d’écoute ou en fonction d’une combinaison de ces éléments. »

Avenir du règlement Rome II

Si les hésitations du Parlement et du Conseil sont compréhensibles et même salutaires tant les implications de la diffamation via l’internet croissent, il n’en reste pas moins qu’un accord quant au texte de Rome II est nécessaire en urgence.

A cette fin, une procédure de Conciliation est ouverte et devrait être bouclée durant la présidence allemande du Conseil. Pour rappel, la procédure de Conciliation suppose autour de la table autant de représentants du Conseil que du Parlement…

Souhaitons avec l’Allemagne la réalisation de ce vœu pieux mais restons attentifs à la déclaration de Monsieur Franco Frattini, Vice-président de la Commission, déclaration selon laquelle il n’y a aucun moyen d’obtenir du Conseil l’inclusion dans Rome II de règles relatives à la diffamation ( voir le lien).

La partie n’est dès lors pas terminée…

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