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Quelle fiscalité pour les cinémas et les nouveaux services de vidéo à la demande ?

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La justice a parfois l’occasion de se prononcer sur des affaires plus cocasses que d’autres. Par exemple lorsqu’il lui est demandé si un service de vidéo à la demande (VOD) diffusé dans un peep-show bénéficie du taux réduit de TVA accordé aux cinémas.

La règlementation

Le principe

L’article 12, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive énonce que « Le taux normal de la [TVA] est fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de service. […] »

L’exception

Les États membres peuvent également appliquer soit un, soit deux taux réduits. Ces taux réduits ne peuvent être inférieur à 5 % et ils s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de service des catégories visées à l’annexe H de la directive intitulée « Liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet de taux réduits de TVA ».

Ladite annexe énumère diverses catégories dont la septième est libellée comme suit :

« Le droit d’admission aux spectacles, théâtres, cirques, foires, parcs d’attraction, concerts, musées, zoos, cinémas, expositions et manifestations et établissements culturels similaires.

Réception de services de radiodiffusion et de télévision.»

En accord avec ce qui précède, l’article 1er, paragraphe 1, de l’arrêté royal n° 20, du 20 juillet 1970, fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux (ci-après l’arrêté royal n° 20), prévoit que la TVA est perçue au taux réduit de 6 % pour les biens et les services désignés au tableau A de l’annexe dudit arrêté.

Ce tableau comprend lui-même diverses rubriques dont la XXVIII qui mentionne les services suivants:

« L’octroi du droit d’accéder à des installations culturelles, sportives et de divertissement, et l’octroi du droit de les utiliser à l’exception:

a)      du droit d’utiliser des appareils automatiques de divertissement;

b)      de la mise à disposition de biens meubles. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

Dans le cadre d’un contrôle TVA, un peep-show se voir infliger un redressement fiscal au motif que la société exploitante aurait, à tort, appliqué le taux réduit de TVA de 6 %, au lieu du taux général de 21 %, aux recettes perçues à l’occasion de mises à disposition de cabines de visionnage.

L’affaire finit en justice et le contribuable soutient que les cabines de visionnage en cause relèvent de la catégorie des « installations culturelles, sportives ou de divertissement » dès lors, notamment, que de telles cabines doivent être qualifiées de « cinéma » au sens de la septième catégorie de l’annexe H de la sixième directive, ainsi qu’en auraient d’ailleurs déjà décidé les juridictions néerlandaises.

Selon l’exploitant, le nombre de places assises, la nature du film projeté ou la technique de projection utilisée seraient, en particulier, dépourvus de pertinence aux fins d’une telle qualification.

Pour sa part, le gouvernement belge est d’avis que les services fournis dans lesdites cabines répondent à la notion d’« appareil automatique de divertissement » au sens de ladite rubrique XXVIII, dès lors que la projection de films y est déclenchée par l’introduction de pièces de monnaie dans un appareil avec possibilité de passer d’un film à l’autre. D’après le gouvernement belge, de telles cabines ne sauraient par ailleurs être qualifiées de « cinéma » puisqu’elles ne constituent pas des espaces dans lesquels un groupe de personnes peut collectivement voir un seul et même film dont la projection est déclenchée sans intervention des spectateurs qui ont par ailleurs acquis à l’avance un droit d’admission à celle-ci.

La juridiction belge de renvoi analyse la loi applicable pour conclure que si les cabines en cause sont considérées comme des cinémas au sens de ladite directive, elles ne pourront être qualifiées d’appareils automatiques de divertissement au sens de ladite rubrique XXVIII et le taux réduit de 6 % devra leur être appliqué. C’est donc la notion même de cinéma qui est au centre des débats.

Elle pose donc la question préjudicielle suivante : « Une cabine constituée d’un espace pouvant être fermé dans lequel une seule personne peut prendre place et où elle peut visionner des films sur un écran de télévision contre paiement, cette personne déclenchant elle même la projection du film au moyen d’une pièce de monnaie qu’elle introduit dans un monnayeur et disposant du choix entre plusieurs films qu’elle peut alterner à loisir pendant la durée pour laquelle elle a payé, doit‑elle être considérée comme un ‘cinéma’ au sens de la [septième catégorie] de l’annexe H de la [sixième directive] » ?

La réponse de la cour de l’UE (affaire C-3/09)

La cour rappelle que le but de l’annexe H de la sixième est d’énoncer les hypothèses dans lesquelles les Etats peuvent appliquer un taux réduit. Parmi ces hypothèses figure le « droit d’admission » à divers manifestations et établissements culturels et de divertissement dont, notamment, les « cinémas ».

En l’absence de définition de la notion de droit d’admission à un cinéma, la cour est d’avis qu’il convient d’interpréter cette notion à la lumière du contexte (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2001, Commission/Espagne, C‑83/99, Rec. p. I‑445, point 17).

À cet égard, la juridiction européenne rappelle que le taux réduit est une dérogation au principe selon lequel le taux normal est applicable et qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les dispositions qui ont le caractère de dérogation à un principe doivent être interprétées de manière stricte (voir, notamment, arrêt Commission/Espagne, précité, points 18 et 19 ainsi que jurisprudence citée).

Il s’ensuit notamment que la notion de droit d’admission à un cinéma doit être interprétée conformément au sens habituel de ces termes (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Espagne, point 20, et Commission/Allemagne, point 23).

Or, la cour relève que les situations visées dans l’annexe H, septième catégorie, premier alinéa, ont notamment en commun d’être accessibles au public moyennant le paiement préalable d’un droit d’admission qui confère à l’ensemble des personnes qui s’en acquittent le droit de profiter collectivement des prestations culturelles et de divertissement caractéristiques de ces manifestations ou établissements.

Il en découle que « la notion de droit d’admission à un cinéma au sens de l’annexe H, septième catégorie, premier alinéa, de la sixième directive ne saurait, eu égard au sens habituel que revêtent ces termes et au contexte propre à la disposition dans laquelle ils s’inscrivent, être interprétée en ce sens qu’elle couvre le paiement effectué par un consommateur aux fins de pouvoir bénéficier du visionnage individualisé d’un ou de plusieurs films ou encore d’extraits de films dans un espace privatif, tel que les cabines en cause au principal. »

Brefs commentaires

Si l’on veut bien dépasser le cadre des faits propres à cette affaire, l’on peut s’interroger sur les conséquences de cet arrêt pour tout ce que l’on appelle les services à la demande ou quasi à la demande.

•­          Les peep-shows se rapprochent du cinéma en ce sens qu’il y a un déplacement du téléspectateur vers le lieu de visionnage, des heures d’ouverture, et un catalogue délimité ;

•­          Ils se rapprochent de la VOD en ce sens que le catalogue, bien que délimité, est le plus large possible pour permettre à l’utilisateur d’effectuer un choix qu’il peut modifier à son gré.

•­          Ils se rapprochent de la quasi-VOD en ce sens qu’ils permettent rarement de débuter le film au moment voulu : le film est en cours de diffusion quand l’utilisateur passe d’une sélection à l’autre.

Dans sa finalité, le peep-show partage avec la VOD le souci d’être « utilisateur-centrique » : permettre à l’utilisateur de contrôler, avec un degré qui varie d’un service à l’autre, l’expérience qu’il vit.

Si le critère pour être qualifié de cinéma au sens fiscal est le droit de profiter « collectivement » des prestations, il en résulte que peu de nouveaux services de diffusion à la demande seront ainsi qualifiés, ce qui a pour conséquence qu’il faudra qualifier autrement chaque service, sur un plan fiscal, en tenant compte de ses spécificités propres : à la demande, quasi à la demande, en décalage, en ligne, sur support mais commandé à distance, en utilisateur isolé ou en partage, en un lieu déterminé par le diffuseur ou par l’utilisateur, etc.

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