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Portails des agences photos : quel droit d’auteur ?

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Depuis le rachat de Sygma par Corbis (qui appartient à Bill Gates) au printemps 1999, le marché de l’image semblait condamné à la mainmise des deux géants américains, Corbis et Getty Images. Cette dernière, après l’absorption il y a trois ans de Liaison et de Newsmaker, semble aujourd’hui s’intéresser au rachat de l’agence Sipa. Le…

Depuis le rachat de Sygma par Corbis (qui appartient à Bill Gates) au printemps 1999, le marché de l’image semblait condamné à la mainmise des deux géants américains, Corbis et Getty Images. Cette dernière, après l’absorption il y a trois ans de Liaison et de Newsmaker, semble aujourd’hui s’intéresser au rachat de l’agence Sipa.

Le contrôle des banques d’images dans l’univers numérique est primordial. Le développement de la presse électronique mais également de sites offrant un contenu régulièrement actualisé suppose la mise à disposition sous forme numérique d’archives diversifiées et de qualité. Les agences de presse et de photos ont compris depuis longtemps déjà les perspectives financières qu’implique un tel développement des services liés à l’internet. Le lancement d’un portail électronique européen dont le but serait de commercialiser les fonds tant en ce qui concerne la presse que l’illustration est ainsi vivement souhaitée par les professionnels.

Il semble aujourd’hui qu’une telle offensive européenne se concrétise : le groupe Hachette, qui a reprit l’agence Gamma en novembre 1999, vient de racheter l’agence Katz et poursuit ses négociations avec Rapho et Keystone. Il s’agit de trois grands spécialistes en matière de fonds photographiques et de photojournalismes. Le rachat de Rapho, la plus vielle agence de photojournalisme française, permettra au groupe d’accéder à plus de 4 millions de clichés, comprenant notamment les collections de Robert Doisneau, Edouard Boubat et Willy Ronis ainsi qu’à un catalogue de photos sur la nature, l’environnement et le voyage, qui fait de Rapho le principal fournisseur du magazine Géo. Keystone apportera plus de 15 millions de clichés résumant l’actualité du siècle et Katz son fonds « people » et de stars. Hachette possède déjà ses propres fonds constitués d’une part des collections de magazines comme Match ou Elle, et d’autre part des collections de la photothèque Wa Hoaki et de l’agence de photographie animalière Jacomat, depuis le rachat par Hachette, cet été, de ces deux sociétés.

Sur cette base, le groupe Hachette souhaite lancer une plate forme européenne rassemblant toutes ses agences. La numérisation des différentes collections exigera des mises de fonds importantes (plus de 15 millions de francs sont annoncés pour l’ensemble du projet), et le droit d’auteur des photographes risque de provoquer bien des remous.

En effet, depuis quelques mois, les atteintes au droit d’auteur des photographes se multiplient. Chez Corbis notamment les tentatives de renégociation des contrats sur une base américaine ont provoqué une telle colère chez les photographes que la direction a été contrainte d’accepter de négocier des contrats spéciaux pour les Français. Corbis entendait notamment imposer aux photographes une clause prévoyant que la retouche d’une photo par Corbis, emportait le transfert de propriété de celle-ci à l’agence. Autrement dit, dès qu’une photo serait passée par un programme de transformation d’image pour, par exemple, être « nettoyée » ou « modifiée » – et on sait comme ces procédés sont aujourd’hui fréquemment utilisés – mais également dès qu’une photo aurait fait simplement l’objet d’une numérisation, il y aurait un transfert de propriété de l’œuvre du photographe à l’entreprise !

Les négociations continuent chez Corbis et portent principalement sur la propriété et l’utilisation des archives et sur leur éventuelle restitution. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, les photographes désireux de quitter l’agence sont obligés de faire un procès à Corbis afin d’obtenir une décision judiciaire rappelant que les photographes disposent d’un droit d’auteur sur leurs œuvres les autorisant à récupérer celles-ci.

Les agences américaines ne sont cependant pas les seules en cause, tous les secteurs de la photo sont touchés : indépendants, photographes d’agences ou de collectifs travaillant dans la mode, le reportage ou le sport font l’objet de pression de la part des organes de presse (Marie-Claire, Bayard Presse, Prisma Presse, Excelsior Publication, Condé Nat, Textuel, Emap,…) qui tentent de remplacer les anciens contrats par des contrats aux conditions tant financières que juridiques et commerciales exorbitantes. Les titres de presses veulent ainsi imposer de pouvoir republier gratuitement les images pendant plusieurs années et exigent la cession des droits d’auteurs pour tous les modes d’exploitation (y compris le numérique), ainsi que l’exclusivité mondiale pour la revente à d’autres publications de leur groupe, voir à l’extérieur. En contrepartie, aucune obligation de commercialisation effective ne veut être supportée par les organes de presse…

Or, rappelons que les dispositions françaises en matière de droit d’auteur exigent non seulement que les cessions de droit se fassent par écrit, mais encore que cet écrit comporte certaines mentions telles que la durée, le lieu, le mode d’exploitation de l’œuvre (articles L. 131-2 et 3 CPI). De plus, il est de jurisprudence constante que les cessions des droits de représentation et de reproduction sont d’interprétation restrictive. En Belgique, ce principe s’est d’ailleurs vu consacré en 1994 par l’article 3, § 1, alinéa 3 LDA. Il est donc indispensable que les droits de diffusion des photographies sur le réseau soient préalablement transférés, ce qui nécessitent des conventions accordant expressément le droit de représentation et de reproduction sur l’internet.

Le fait que le photographe soit salarié de l’agence ne change rien à ces exigences. Le contrat de travail n’emporte pas de cession automatique des créations du salarié au bénéfice de l’employeur. En France, l’article L 111-1 alinéa 3 CPI prévoit en effet que « l’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnu par l’alinéa 1er ». En Belgique, la qualité d’auteur de l’employé est également affirmée même si l’article 3, § 3, alinéa 3 LDA instaure au profit de l’employeur un régime de cession assoupli.

Après l’érosion du droit au respect de l’image et de la paternité de l’œuvre, les photographes assistent donc à de nouvelles tentatives de nivellement vers le bas de leurs droits.

Il est vrai que les usages en vigueur au sein de la profession favorisent les tentatives de contournement des dispositions légales puisque jusqu’à présent les photographes se contentaient d’un simple accord verbal de la part de l’agence.

Aujourd’hui, les photographes refusent cependant de se plier au despotisme des agences et, passant outre aux menaces de listes noires, se sont regroupés autour d’un texte commun de protestation intitulé « Contrat carré ». Le document a recueilli la signature de 300 photographes en colère et un débat s’est tenu le 7 septembre au festival Visa pour l’image de Perpignan. La liaison s’est déjà faite avec les photographes allemands, qui ont crées, sur base d’une problématique semblable, un collectif qui regroupe quelques 2 000 photographes.

Après les journalistes, c’est donc au tour des photographes de se mobiliser pour la défense de leur droit dans l’univers numérique. La loi française, comme la loi belge, offre aux auteurs une protection adéquate face aux regroupements de sociétés qui luttent pour la possession d’un contenu, enjeux primordial pour un développement attractif des réseaux de l’information. Et les photographes entendent bien faire savoir aux agences que les archives photographiques ne sont pas libres de droit.

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