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Amazon peut être responsable des contrefaçons vendues sur sa place de marché

Publié le par - 1466 vues

Amazon fait elle-même usage du signe enregistré par Louboutin lorsque l’utilisateur de son site a l’impression que c’est elle qui commercialise, en son nom et pour son compte, des escarpins de la marque. Cela peut notamment être le cas lorsqu’Amazon présente de manière uniforme toutes les annonces sur son site Internet, en faisant apparaître son propre logo de distributeur renommé également sur les annonces des vendeurs tiers, et qu’elle effectue le stockage et l’expédition des escarpins en question.

La vie des vendeurs en ligne n’est pas toujours de tout repos quand ils vendent des produits manufacturés par d’autres. Ils ne connaissent en effet pas nécessairement tous les litiges liés au droit des marques qui peuvent affecter les produits qu’ils achètent pour les revendre ensuite.

Schématiquement, on a trois situations envisageables :

  • Le site de commerce qui vend lui-même des produits qu’il achète aux différents fabricants.
  • La place de marché, qui propose aux vendeurs des espaces sur lesquels ces derniers vendent des produits qu’ils achètent aux différents fabricants. La place de marché n’intervient pas dans la vente, mais elle peut s’occuper de la logistique : approvisionnement, colisage et envoi.
  • La place de marché mixte, qui cumule les deux métiers : elle propose aux vendeurs des espaces sur lesquels ces derniers vendent des produits, et elle-même les vend aussi.

Dans quelle mesure ces vendeurs sont-ils impactés par les problèmes de contrefaçon ? En apparence simple, la question est complexe car les vendeurs ne disposent pas nécessairement de toutes les informations leur permettant de prendre la décision de vendre tel produit déterminé.

Exemple classique : le vendeur belge est contacté par un fabricant français au sujet d’un produit acheté en Allemagne, et on lui notifie une infraction au droit des marques sur le territoire français, par exemple parce que les appellations des produits sont trop proches et que le fabricant français dispose, sur son territoire, d’un droit à la marque. La plupart du temps, le vendeur belge apprend de cette manière l’existence d’un conflit de marque relatif à un produit qu’il connaît pour le vendre, mais sans nécessairement avoir une vision d’ensemble sur le plan du droit des marques.

La cour de justice a déjà rendu plusieurs décisions.

  • Par exemple, dans l’arrêt Imran Syed (C-572/17), elle a jugé que « le stockage par un commerçant de marchandises sur lesquelles est apposé un motif protégé par un droit d’auteur sur le territoire de l’État membre de stockage peut constituer une atteinte au droit exclusif de distribution, tel que défini par cette disposition, lorsque ce commerçant propose à la vente dans un magasin sans l’autorisation du titulaire de ce droit d’auteur des marchandises identiques à celles qu’il stocke, à la condition que les marchandises stockées soient effectivement destinées à la vente sur le territoire de l’État membre où ce motif est protégé. La distance entre le lieu de stockage et le lieu de vente ne saurait être, à elle seule, un élément décisif pour déterminer si les marchandises stockées sont destinées à la vente sur le territoire de cet État membre ».
  • Autre exemple : dans l’arrêt Dimension Direct Sale (C-516/13), elle a jugé que « un titulaire du droit exclusif de distribution d’une œuvre protégée [peut] s’opposer à une offre de vente ou à une publicité ciblée concernant l’original ou une copie de cette œuvre, quand bien même il ne serait pas établi que cette publicité a donné lieu à l’acquisition de l’objet protégé par un acheteur de l’Union, pour autant que ladite publicité incite les consommateurs de l’État membre dans lequel ladite œuvre est protégée par le droit d’auteur à en faire l’acquisition ». En d’autres termes, un acte préalable à la réalisation d’une vente d’une œuvre ou d’une copie d’une œuvre protégée par un droit d’auteur, accompli sans l’autorisation du titulaire de ce droit et dans l’objectif de réaliser une telle vente peut être une contrefaçon.
  • Troisième exemple : dans l’arrêt eBay, elle a jugé que l’usage de signes identiques ou similaires à des marques, dans des offres à la vente affichées sur cette place de marché, est fait uniquement par les clients vendeurs de cet exploitant et non pas par celui-ci, dès lors que ce dernier n’utilise pas ce signe dans sa propre communication commerciale.

Amazon

Dans son arrêt rendu ce 22 décembre 2022, la Cour, réunie en grande chambre, s’est penchée sur le cas d’Amazon.

Amazon est à la fois un distributeur renommé et l’exploitant d’une place de marché en ligne. Amazon publie sur ses sites de vente en ligne tant des annonces relatives à ses propres produits, qu’elle vend et expédie en son nom et pour son propre compte, que des annonces émanant de vendeurs tiers. Amazon offre également aux vendeurs tiers des services complémentaires de stockage et d’expédition des produits mis en ligne sur sa place de marché, en informant les acquéreurs potentiels lorsqu’elle est en charge de ces activités.

Sur les sites Amazon paraissent régulièrement des annonces de vendeurs tiers relatives à des chaussures à semelles rouges. M. Christian Louboutin, un créateur français d’escarpins pour femme à talons hauts, dont la semelle extérieure de couleur rouge a fait la renommée, affirme qu’il n’a pas donné son consentement à la mise en circulation de ces produits. Il a introduit deux recours au Luxembourg (C-148/21) et en Belgique (C-184/21) contre Amazon. Il soutient qu’Amazon a fait illégalement usage d’un signe identique à la marque dont il est titulaire pour des produits identiques à ceux pour lesquels la marque en question est enregistrée. Il insiste notamment sur le fait que les annonces litigieuses font intégralement partie de la communication commerciale d’Amazon.

Les deux juridictions nationales se posent notamment la question de savoir si l’exploitant d’une place de marché en ligne tel qu’Amazon peut être tenu directement responsable de l’atteinte aux droits du titulaire d’une marque qui résulte d’une annonce d’un vendeur tiers.

La Cour renvoi à son arrêt eBay : l’usage d’un signe identique à une marque par un tiers implique, à tout le moins, que ce dernier fasse un usage du signe dans le cadre de sa propre communication commerciale ; le simple fait de créer les conditions techniques nécessaires pour l’usage d’un signe et d’être rémunéré pour ce service ne signifie pas que celui qui rend ce service fasse lui-même usage dudit signe, même s’il agit dans son propre intérêt économique.

La Cour observe toutefois que, dans le cadre de cette jurisprudence antérieure, elle n’était pas interrogée par rapport à la circonstance que le site Internet de vente en ligne en question intègre, outre la place de marché en ligne, des offres à la vente de l’exploitant de ce site lui-même, tandis que les présentes affaires portent précisément sur cette circonstance.

Or, la Cour constate que ladite circonstance peut, le cas échéant, avoir pour conséquence que les utilisateurs de la place de marché en ligne ont l’impression que les annonces pour des produits en cause proviennent non pas de vendeurs tiers, mais de l’exploitant de cette place de marché et que c’est donc celui-ci qui utilise le signe en question dans le cadre de sa propre communication commerciale.

Pour la Cour, il s’agit d’un élément déterminant qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier.

Elle précise néanmoins que sont pertinents pour cette appréciation les faits que la société Amazon recourt à un mode de présentation uniforme des offres à la vente publiées sur son site Internet, affichant en même temps ses propres annonces et celles des vendeurs tiers et faisant apparaître son propre logo de distributeur renommé sur l’ensemble de ces annonces et qu’elle offre des services supplémentaires à ces vendeurs tiers dans le cadre de la commercialisation de leurs produits, consistant notamment dans le stockage et l’expédition de leurs produits.

En effet, ces circonstances peuvent rendre difficile une distinction claire et donner à l’utilisateur normalement informé et raisonnablement attentif l’impression que c’est Amazon qui commercialise, en son nom et pour son propre compte, les produits Louboutin offerts à la vente par des vendeurs tiers.

Elle considère donc au final que :

« l’exploitant d’un site Internet de vente en ligne intégrant, outre les propres offres à la vente de celui-ci, une place de marché en ligne est susceptible d’être considéré comme faisant lui-même usage d’un signe identique à une marque de l’Union européenne d’autrui pour des produits identiques à ceux pour lesquels cette marque est enregistrée, lorsque des vendeurs tiers proposent à la vente, sur cette place de marché, sans le consentement du titulaire de ladite marque, de tels produits revêtus de ce signe, si un utilisateur normalement informé et raisonnablement attentif de ce site établit un lien entre les services de cet exploitant et le signe en question, ce qui est notamment le cas lorsque, compte tenu de l’ensemble des éléments caractérisant la situation en cause, un tel utilisateur pourrait avoir l’impression que c’est ledit exploitant qui commercialise lui-même, en son nom et pour son propre compte, les produits revêtus dudit signe. Sont pertinents à cet égard les faits que cet exploitant recourt à un mode de présentation uniforme des offres publiées sur son site Internet, affichant en même temps les annonces relatives aux produits qu’il vend en son nom et pour son propre compte et celles relatives à des produits proposés par des vendeurs tiers sur ladite place de marché, qu’il fait apparaître son propre logo de distributeur renommé sur l’ensemble de ces annonces et qu’il offre aux vendeurs tiers, dans le cadre de la commercialisation des produits revêtus du signe en cause, des services complémentaires consistant notamment dans le stockage et l’expédition de ces produits. »

Plus d’info?

En lisant l’arrêt, disponible en annexe.

Les arrêts commentés ci-dessus sont disponibles en annexe.

Droit & Technologies

Annexes

Arrêt Louboutin (Amazon)

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Arrêt Dimension Direct Sale

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Arrêt Loréal (ebay)

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