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La Sabam lève sa propre « taxe » sur les fournisseurs d’accès (FAI)

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La Sabam, qui gère les droits d’auteur en Belgique, a frappé un grand coup : sans autre base légale que ce qui existe déjà, elle décide de facturer 1 € par mois par abonné à tous les FAI. C’est 30.000.000 € qu’elle espère ainsi récupérer. Autant dire que le débat se finira en justice.

C’est par un discret communiqué que la Sabam vient de lâcher une bombe : « La SABAM va demander aux différents fournisseurs d’accès à internet (FAI) de souscrire à un plan tarifaire pour la mise à disposition d’œuvres protégées sur internet via leurs réseaux. Les FAI permettent en effet aux internautes de télécharger et d’échanger des œuvres protégées par le droit d’auteur. En cela, ils opèrent un acte de ‘communication au public’ de ces œuvres soumises aux droits d’auteurs. Mandatée par les auteurs pour défendre leurs droits, la SABAM s’est penchée sur cette situation. On constate aujourd’hui une explosion des contenus protégés disponibles sur internet, une hausse constante et importante des revenus des FAI et, en parallèle, un appauvrissement croissant des auteurs. Face à cette évolution, il a paru important à la SABAM de protéger, dans l’univers numérique, les droits des milliers d’auteurs qu’elle a pour mission de représenter. »

La SABAM, qui se dit favorable à l’internet à haut débit, déclare être « consciente que les larges volumes de téléchargement sont inévitables. Elle se réjouit du succès des FAI et de tout ce que cela peut représenter en termes de diffusion de la culture et des œuvres. Par son initiative, elle veut essentiellement veiller à la répartition équilibrée des bénéfices que l’utilisation de ses œuvres protégées engendre. »

Cela fait des années que la Sabam et les FAI discutent, mais l’on se doute que ceux-ci ne veulent pas payer. Ils affirment leur rôle de transporteur d’information, sans autre intervention, et ne voient pas en quoi cela les amèneraient à devoir payer.

Un cadre légal qui n’avance pas

Chaque partie dispose évidemment de ses relais politiques d’où le débat, lancé depuis belle lurette, sur un HADOPI à la belge ou une licence légale.

Le sénateur Monfils a proposé de créer un « mécanisme d’échelonnage des sanctions ». L’internaute identifié serait en fait confronté à un message de mise en garde l’incitant à se diriger vers des sites de téléchargement légal. En cas de récidive, une amende pourrait lui être imposée. Ce n’est que s’il persévérait encore que la justice pourrait être saisie. Le Sénateur soulignait que la version belge de la riposte graduée serait bien plus souple que la copie française. Ainsi, elle ne se couronnerait pas par une coupure d’accès internet mais bien, semble-t-il, par des limitations de quotas de téléchargement. En outre, elle ferait l’objet d’un débat et viserait scrupuleusement à respecter la vie privée des internautes.

En réaction à ce projet, les écolos (le sénateur Benoît Hellings et la sénatrice Groen Freya Pyrins) proposèrent un système de licence globale, qui permettrait de rémunérer les ayants droits  grâce au paiement  d’une contribution mensuelle forfaitaire de quelques euros qui serait automatiquement intégrée dans l’abonnement internet Haut débit. En contrepartie de cette contribution, les internautes pourraient avoir le droit de télécharger des contenus audiovisuels sans restriction et quelque soit la source de téléchargement. Selon ses instigateurs, le montant de cette contribution serait déterminé par les sociétés de gestion de droits d’auteur et les fournisseurs d’accès internet et sa répartition serait assurée par une instance administrative indépendante l’« Observatoire de l’Internet » chargée en outre de mener des études en vue d’objectiver la réalité du téléchargement.

La Sabam était déjà intervenue dans le débat, en faveur d’une licence qui serait contrôlée par la gestion collective obligatoire. Cela signifie qu’à l’inverse d’une licence légale qui conduit à convertir le droit exclusif des auteurs et artistes interprète en un droit à rémunération, la gestion collective obligatoire impose aux ayants droits d’exercer leurs droits (autoriser/interdire) par l’intermédiaire d’une société de gestion collective. Ainsi, la seule contrainte qu’impose la gestion collective obligatoire (ou non volontaire) est que les ayants droits ne peuvent négocier leurs droits que par l’intermédiaire de sociétés de gestion collective. Selon la Sabam « il faut donner la certitude aux fournisseurs de services (ISP) de pouvoir jouir des catalogues musicaux sans être interpellés par l’un ou l’autre ayant droit individuel. C’est la garantie d’un traitement identique, non discriminatoire et transparent. En outre, les ayants droit de la SABAM veulent retirer un bénéfice financier par rapport aux chiffres d’affaires des fournisseurs de service qui commercialisent les abonnements avec du contenu musical ». Enfin, « …Il ne faut pas criminaliser les internautes mais il faut maintenir le droit exclusif des ayants-droit de déterminer les tarifs, les conditions d’utilisation et de contrôle. La Sabam s’oppose à des tarifs fixés par le législateur mais est favorable à des tarifs négociés avec les fournisseurs de services (ISP) »

Un pavé dans la mare

Face à l’enlisement du débat et aux discussions qui n’en sont pas avec la FAI, la Sabam a donc décidé de lever sa propre taxe.

Et puis, il y a l’énervement de la Sabam de voir les autres s’enrichir face à elle qui perd de l’argent. Elle signale ainsi que « en croisant les résultats d’études de marché réalisées par plusieurs institutions comme l’ISPA (Internet Service Providers Association of Belgium) et la BEA (Belgian Entertainment Association) avec le rapport annuel de la SABAM, nous remarquons que l’indice du chiffre d’affaires des droits de reproduction mécanique perçus par la SABAM pour les supports audio a baissé de 62,61 % entre les années 2002 et 2009. Si le nombre de connexions à internet a connu une explosion (+99 %) en Belgique entre 2002 et 2009, les revenus du marché musical belge (ventes physiques) ont subi une baisse de 40,4 % pour la même période, soit une perte de 58,1 millions €. Enfin, rappelons que ces chiffres ne concernent que l’industrie musicale, or un nombre énorme de créateurs exerçant dans des disciplines artistiques diverses subissent également la mise à disposition de leurs œuvres sur internet. »

Bien sur, la Sabam ne pouvait pas tout simplement lever seule une taxe, d’où l’idée de passer par le truchement de la communication au public : « Pour cela, nous avons décidé d’adresser officiellement à chaque fournisseur d’accès une facture en vue de percevoir une rémunération pour cette ‘communication au public’. De cette façon, l’internaute ne sera pas amené à payer les droits d’auteur mais bien chaque FAI pour qui les œuvres protégées sur internet constituent un commerce lucratif. En effet, la SABAM espère que les FAI opteront pour un modèle économique qui ne répercute pas cette rétribution sur la facture de l’internaute. »

Un débat complexe

Le débat est complexe.

Une simple taxe, levée officiellement, poserait un souci comme on l’a vu en France où le gouvernement avait levé une taxe via la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. La taxe portait sur le chiffre d’affaire des opérateurs de télécommunications (SFR, Orange, Free Bouygues Télécom) au titre de leur autorisation à fournir des services de télécommunication ( y compris l’internet et la téléphonie mobile) et était destinée à  compenser le manque à gagner dû à la suppression des revenus publicitaires de la télévision publique.

En septembre 2009, une enquête était entamée par la Commission, afin de s’assurer que ce système de financement des organismes publics nationaux de radiodiffusion France télévision était compatible avec les règles européennes en matière d’aide d’Etat.

Quelques mois plus tard, le 28 janvier 2010, la Commission ouvrait une procédure d’infraction contre la France à l’encontre de cette taxe en estimant qu’elle constituait en réalité « une charge administrative incompatible avec le droit européen » Selon les règles européennes (en particulier l’article 12 de la directive relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques 2002/20/CE), « les taxes imposées aux opérateurs de télécommunications ne peuvent couvrir que certains coûts administratifs et réglementaires (essentiellement liés aux régimes d’autorisation et aux travaux de réglementation) et doivent être objectives, transparentes et proportionnées. En outre, les parties intéressées doivent aussi être consultées de manière appropriée avant toute modification des taxes imposées aux opérateurs de télécommunication ».

Des aménagements sont certes possible mais on le voit, le dossier est suivi de près par Bruxelles et il est miné et hautement politique comme le démontre l’intervention à l’époque de la Commissaire Reding : « non seulement cette nouvelle taxation ne semble pas compatible avec les règles européennes, mais elle vient frapper un secteur qui est aujourd’hui l’un des principaux moteurs de la croissance économique. De plus, le risque est grand que la taxe soit répercutée vers les clients, alors que nous cherchons précisément à faire baisser la facture des consommateurs, à travers la réduction des prix de terminaison d’appel ou la diminution des coûts des appels téléphoniques mobiles, des transferts de données ou des envoi de textos en itinérance. »

Reste l’autre question : les FAI font-ils une « communication au public » ?

La Sabam ne le dit pas, mais il parait certain que le timing n’est pas innocent : la même Sabam vient en effet de remporter une victoire devant la justice européenne sur la notion de « communication au public par satellite ».

Certes, le dossier est quelque peu différent car on parlait dans cette affaire de communication au public par satellite, mais forte de sa victoire, la Sabam se dit probablement que c’est maintenant ou jamais et que vu l’enlisement du dossier, elle n’a somme toute pas grand-chose à perdre.

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