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La Cour d’appel de Paris confirme que la LCEN est applicable aux moteurs de recherche.

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La Cour d’appel rappelle l’importance de la notification selon l’article 6.I-5 LCEN dans l’analyse de la responsabilité des Intermédiaires de l’Internet. La Cour rappelle également que les moteurs de recherche suivent le régime de responsabilité des hébergeurs.

L’humoriste Jean-Yves Lafesse a décidé il y a quelques années de faire la guerre aux sites Internet diffusant des vidéos de ses sketches. Ces affaires sont d’importance par qu’au travers de celles-ci, les Cours et tribunaux ont eu l’opportunité d’affiner la jurisprudence relative aux Intermédiaires de l’Internet.
Des sites participatifs célèbres figurent parmi les Intermédiaires à propos desquels les juridictions ont été amenées à se prononcer. Dans une affaire récente, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’analyse du TGI de Paris concernant une autre forme d’Intermédiaire : les moteurs de recherche.

Plusieurs intermédiaires et un moteur de recherche

Jean-Yves Lafesse avait constaté fin 2006 qu’en se connectant au site www.waza.fr il était possible de visionner certains de ses sketches. La société OVH, référencée par l’AFNIC comme étant l’hébergeur du site, avait alors été contactée par l’humoriste. Parmi les services que vend OVH figure la gestion des noms de domaine ainsi que la location de serveurs dédiés. Dans le cas présent, OVH avait servi d’intermédiaire pour l’achat du nom de domaine www.waza.fr pour le compte d’un de ses clients. OVH louait le serveur qui hébergeait le site à un autre client. Concrètement, le second client hébergeait gratuitement le site dont les fonctionnalités avait été développées et étaient maintenues à jour par le premier client. Conformément aux métiers de l’hébergement, le second client n’avait pas de connaissance à priori des contenus qu’il hébergeait.

Les fonctionnalités du site se résumaient à une activité de moteur de recherche. En naviguant sur www.waza.fr, un internaute pouvait entrer un mot-clé de son choix. En validant ce choix, le moteur de recherche fournissait alors une série d’hyperliens menant à des vidéos correspondant au choix de l’internaute. Le site www.waza.fr ne contenait aucune de ces vidéos. Tout simplement, il indexait des hyperliens qui renvoyaient vers d’autres sites dont le site participatif de vidéos www.dailymotion.com . En pratique, en cliquant sur un hyperlien de www.waza.fr, l’internaute voyait apparaître à l’écran la vidéo lue depuis le serveur de Dailymotion au travers de l’interface d’exportation développée spécialement par Dailymotion à cet effet. Et, comme pour tout moteur de recherche, si le nombre de vidéos par critère de sélection variait sur le site de Dailymotion, l’indexation qu’en faisait www.waza.fr suivait logiquement la même variation.

Promptes réactions

Fin 2006, le site de Dailymotion contient des vidéos de Monsieur Lafesse. Celles-ci sont indexées, notamment, par le moteur de recherche www.waza.fr.

OVH fut alors contactée et fut sommée de fournir à l’humoriste les coordonnées de l’éditeur du site www.waza.fr.

Quelques jours après avoir été alertée, la société OVH avait à son tour prévenu ses clients et avait communiqué les coordonnées de premier de ceux-ci (le concepteur du site) à Monsieur Lafesse.
Promptement, dans les minutes qui suivirent la communication d’OVH, le second client (l’hébergeur) avait alors procédé à la destruction des hyperliens problématiques. Son serveur était alors entièrement nettoyé de toute référence à Monsieur Lafesse.

Le premier client quant à lui, quelques heures après avoir été alerté, avait procédé à des modifications de fonctionnalités. Plus précisément, le moteur de recherche qu’il avait mis au point devait alors exclure des résultats qu’il présentait sous forme d’hyperliens, les résultats concernant les vidéos de Monsieur Lafesse. En conséquence, un internaute qui naviguait sur le site www.waza.fr ne pouvait plus trouver d’hyperliens conduisant à des sites Internet hébergeant des vidéos mettant en scène les canulars de Monsieur Lafesse.

Les moteurs de recherche et les mots-clés qu’ils indexent.

En informatique les systèmes d’indexation automatique peuvent être perfectibles dans les résultats qu’ils produisent. Etant basés sur des mots-clés, il peut arriver qu’ils indexent, sans qu’ils puissent le contrôler, des vidéos dont le contenu réel ne correspond pas aux mots-clés qui lui ont été associés. En effet, toute personne mettant un contenu en ligne sur un site participatif est libre de choisir les mots-clés qu’elle lui associe. Les moteurs d’indexation ne pouvant se baser que sur les mots-clés, ils peuvent être les « victimes » des erreurs involontaires (ou volontaires) dans les mots-clés. Ainsi par exemple, une personne peut mettre en ligne une vidéo de Monsieur Lafesse et lui associer un mot-clé qui est sans aucun rapport avec Monsieur Lafesse. Dans le cas présent, malgré les modifications excluant, entre autres, le mot-clé « Lafesse », certains hyperliens menant à des vidéos de Monsieur Lafesse hébergées par d’autres sites avaient à nouveau été indexés par www.waza.fr.

Une nouvelle fois alertée, OVH avait alors procédé au déréférencement du site. La conséquence de cette initiative fut de rendre le site www.waza.fr indisponible à la consultation.

Responsabilité des Intermédiaires

Monsieur Lafesse porta l’affaire devant le TGI, assignant OVH et le premier client. C’est la société OVH qui avait alors assigné le second client (l’hébergeur) en intervention forcée. Ce n’est donc qu’en cours de procédure que Monsieur Lafesse apprit l’existence du second client.

Monsieur Lafesse fut rejoint à la cause par ses frères ainsi que par la société de production portant son nom.

La Cour d’appel de Paris confirma l’analyse du TGI en ce qui concerne l’intérêt à agir des demandeurs. Seul le droit de Monsieur Lafesse à agir sur base de son droit moral d’auteur et d’interprète de certains sketches fut admis. Les tentatives de ses frères sur base de leur droit de co-auteurs furent rejetées faute d’avoir établi leurs qualités respectives.

La tentative basée sur le droit à l’image de Monsieur Lafesse fut elle aussi rejetée. La Cour constata que les vignettes présentes sur le site www.waza.fr correspondaient aux images figurant sur les CD de Monsieur Lafesse avec mention de son pseudonyme, « image et pseudonyme que l’artiste avait fait le choix de donner au public pour identifier les CD en cause. »

Concernant la responsabilité des divers intervenants, la Cour confirma que les fonctionnalités développées par le premier client sont à analyser comme celles d’un moteur de recherche. Alors que Monsieur Lafesse défendait la position selon laquelle le métier du premier client correspondait à celui d’un éditeur au sens de l’article 6.III-1° de la LCEN (Loi du 21 juin 2004 dite « Loi pour la Confiance en l’Economie Numérique »), la Cour confirma que c’est à la notion d’hébergeur correspondant au métier du moteur de recherche qu’il fallait se référer. La Cour indique : « l’imperfection de l’indexation ne rend pas compte d’un choix éditorial…Considérant en revanche que son activité est celle d’un intermédiaire technique dont la responsabilité ne peut être appréhendée qu’au regard des dispositions de la loi du 21 juin 2004 et de son article 6.I-5 lequel précise la forme que doit prendre la notification adressée au prestataire technique. »

Faisant donc application des principes de la LCEN, la Cour constate tout d’abord que bien qu’ayant été informé de son existence, Monsieur Lafesse n’avait jamais pris contact d’aucune manière avec le premier client d’OVH. La Cour constate ensuite que ce dernier « a fait le nécessaire pour déréférencer dans les jours suivants cette information [reçue d’OVH], les adresses qui proposaient de visionner les vidéos contrefaisantes. » En application du régime de l’hébergeur, la Cour confirma que le TGI ne pouvait que rejeter les demandes dirigées contre le premier client.

En ce qui concerne le second client, la Cour ne douta pas un seul instant que c’est ce même régime de l’hébergement qu’il fallait appliquer. Et parce que le second client « a réagi promptement dès réception du courrier que lui a adressé OVH ; [qu’il n’est] nullement établi que le [second client] aurait, par la suite, manqué de diligence lorsque le site litigieux permit à nouveau d’accéder à des œuvres contrefaisantes », sa responsabilité ne pouvait être engagée. La Cour confirma le TGI.

Contrairement à l’analyse du TGI qui avait déclaré qu’à l’instar des ses deux clients la société OVH était à considérer comme un hébergeur, la Cour précisa que cette dernière n’est pas le véritable hébergeur de www.waza.fr . Par conséquent, c’est sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun que la société OVH devait être passée au crible. La Cour constata qu’au travers de ses diverses actions la société OVH n’avait procédé à aucune dissimulation et qu’il n’existait en son chef aucune faute délictuelle qui aurait été à l’origine du dommage dont Monsieur Lafesse demandait réparation. Par conséquent, la Cour conclût à l’absence de responsabilité d’OVH.

Conclusion

La Cour s’inscrit dans le courant jurisprudentiel majoritaire qui considère que, si un tiers s’estime lésé par un contenu en ligne, il lui faut suivre le prescrit de l’article 6.I-5 de cette loi afin de notifier l’Intermédiaire. A défaut, l’Intermédiaire ne sera pas considéré comme ayant été valablement alerté et sa responsabilité ne pourra être mise en cause.

L’article 6.I-5 prévoit notamment que la notification doit comporter la mention précise des contenus faisant question ainsi que leur localisation exacte. Sans cette information, il est impossible pour l’Intermédiaire de pouvoir agir avec efficacité parmi le grand nombre d’informations qu’il traite chaque seconde. Logiquement, il est contraire à l’esprit de la directive 2000/31/CE (dite « commerce électronique) de vouloir rechercher la responsabilité de l’Intermédiaire si ce dernier n’a pas eu l’occasion d’agir promptement afin de retirer le contenu discuté ou de bloquer l’accès des internautes à ce dernier.

La Cour d’appel de Paris confirme également que les Intermédiaires de l’Internet que sont les moteurs de recherche sont soumis au régime de responsabilité allégée des hébergeurs introduit par l’article 14 de la Directive 2000/31/CE et transposé en droit français par l’article 6 de la LCEN. Dans le cas précis de www.waza.fr, la Cour constate que, même si les Intermédiaires avaient correctement été informés, le régime de responsabilité qui leur est applicable a parfaitement été respecté par ceux-ci. Pour ces deux raisons successives Monsieur Lafesse devait être débouté.

Droit & Technologies

Annexes

Cour d’appel de Paris – Arrêt du 11 décembre 2009

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