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Etat d’urgence en France : le Conseil constitutionnel annule les saisies informatiques

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La réforme législative de 2015 de l’état d’urgence est dans l’ensemble validée par le Conseil constitutionnel. Celui-ci déclare toutefois contraires à la Constitution, les dispositions spécifiques relatives aux saisies informatiques. Les pouvoirs conférés à la police dépassent les limites acceptables. La Ligue des droits de l’homme obtient donc partiellement gain de cause.

L’état d’urgence

On le sait, dans la foulée des attentats de Paris, l’État français a décrété l’état d’urgence.

Par la suite, le gouvernement a voulu non seulement étendre la durée de l’état d’urgence, mais aussi l’ampleur des pouvoirs conférés à l’état pendant cette période délicate. Une loi du 20 novembre 2015 a ainsi revu les termes de l’ancienne loi du 3 avril 1955, pour moderniser le régime et l’étendre quelque peu.

L’état d’urgence est une atteinte caractérisée aux libertés individuelles ; les pouvoirs dont les autorités publiques disposent pendant cette période, sont exorbitants au premier sens du terme.

Cette atteinte est toutefois admise en raison des spécificités du moment. En l’occurrence, c’était l’impérieuse nécessité de garantir la sécurité de tous face à une menace terroriste avérée. Une autre fois, ce sera la nécessité de lutter contre une invasion extérieure, un incident informatique d’ampleur nationale ou encore si les conséquences d’un événement naturel ou industriel devaient être telles que le danger public qui résulterait de cette situation menacerait l’existence du pays. Ce sont chaque fois des circonstances extrêmement spécifiques qui peuvent amener l’État à prononcer cette mesure exceptionnelle et temporaire.

On l’oublie parfois, mais l’état d’urgence n’est pas une notion française.

C’est au contraire une notion qui relève du droit international et dont on trouve trace dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé sous l’égide de l’ONU en 1966, qui stipule : « dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les États parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. »

On ne peut donc pas faire ce que l’on veut au titre de l’état d’urgence. Il faut un danger public exceptionnel. Celui-ci doit menacer l’existence de la nation. L’état d’urgence doit être proclamé par un acte officiel. Les mesures qui peuvent être prises doivent être compatibles avec les obligations internationales du pays, et ne pas entraîner de discrimination.

On ajoutera que l’état d’urgence, bien qu’il soit une atteinte caractérisée – et tolérée – aux libertés individuelles, ne peut pas avoir pour effet de justifier toutes les atteintes. Par exemple, l’état d’urgence ne pourrait pas nier le droit à la vie ou justifier une exécution sommaire, ni permettre d’instaurer la torture.

La loi de 2015 et les saisies informatiques

L’article 11 de la loi du 3 avril 1955 dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015 stipule ce qui suit : « Le décret déclarant ou la loi prorogeant l’état d’urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives mentionnées à l’article 8 le pouvoir d’ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics.« La décision ordonnant une perquisition précise le lieu et le moment de la perquisition. Le procureur de la République territorialement compétent est informé sans délai de cette décision. La perquisition est conduite en présence d’un officier de police judiciaire territorialement compétent. Elle ne peut se dérouler qu’en présence de l’occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins.

Il peut être accédé, par un système informatique ou un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition, à des données stockées dans ledit système ou équipement ou dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial. Les données auxquelles il aura été possible d’accéder dans les conditions prévues au présent article peuvent être copiées sur tout support. (…) » ;

La QPC et la décision du conseil constitutionnel

La ligue des droits de l’homme s’est opposée à cette nouvelle rédaction, et l’affaire a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) adressée au conseil constitutionnel.

Ce sont les aspects informatiques de cette disposition qui nous intéressent ici.

A cet égard, le Conseil constitutionnel a relevé les éléments suivants:

  • Ces dispositions permettent à l’autorité administrative de copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d’accéder au cours de la perquisition ;
  • Cette mesure est assimilable à une saisie ;
  • Ni cette saisie ni l’exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l’occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s’y oppose et alors même qu’aucune infraction n’est constatée ;
  • Au demeurant, peuvent être copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition ;
  • Ce faisant, le législateur n’a pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie privée.

En conséquence, les dispositions spécifiques relatives aux saisies informatiques ont été déclarées contraires à la Constitution (QPC 2016-536).

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