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Communication au public : la Grande chambre de la cour de Justice s’empare de la question

Publié le par - 881 vues

Malgré pas moins de quatre arrêts de principe rendus en deux ans, la cour de justice de l’Union européenne n’en a pas fini avec la notion de communication au public. Elle vient donc de lancer un signal fort : la Grande chambre a été saisie et vient d’interpréter cette notion délicate. Point final du débat ?

Les faits

Reha Training est un centre de réhabilitation des victimes de traumas (accident de la route, etc.). Aussi bien la salle d’attente que les lieux d’exercice sont équipés d’écrans de télévision, qui diffusent ce qui passe à la télé à ce moment-là. Le centre n’a pas demandé d’autorisation pour cela. Gema (société de gestion collective des droits musicaux en Allemagne) y voit une infraction au droit exclusif de communication au public.

La jurisprudence a déjà connu des cas similaires, qu’il s’agisse des cabinets de dentisterie, des salons de coiffure, des restaurants et autre lieux où la clientèle entre pour un service bien déterminé sans lien avec la diffusion d’un contenu protégé (musique, image ou autre), mais au cours duquel du contenu protégé est accessible et participe à l’ambiance générale de la prestation de services.

Par rapport à des cas pourtant fortement similaires, la jurisprudence s’est parfois montrée très divisée. Même la cour de justice a parfois jeté le trouble. Par exemple, dans son arrêt du 15 mars 2012 (aff. SCF, C‑135/10), la Cour a estimé que les patients d’un cabinet dentaire forment un nombre peu important, voire insignifiant, de personnes, étant donné que la catégorie constituée par les personnes présentes simultanément dans ce cabinet est, en général, très réduite. Une appréciation que la Grande chambre condamne entre les lignes.

La communication au public : notion protéiforme

La cour commence par rappeler l’importance des faits chaque fois qu’il faut apprécier l’existence alléguée d’une communication publique. Il importe de tenir compte de plusieurs critères complémentaires, de nature non autonome et interdépendants les uns par rapport aux autres. Ces critères pouvant, dans différentes situations concrètes, être présents avec une intensité très variable, il y a lieu de les appliquer tant individuellement que dans leur interaction les uns avec les autres.

La Grande chambre de la cour ne dévie pas de la jurisprudence précédente selon laquelle cette notion doit être entendue au sens large.

La Grande chambre confirme également la jurisprudence précédente en ce qu’elle associe deux éléments cumulatifs pour qu’il y ait communication au public : il faut un « acte de communication » d’une œuvre et la communication de cette dernière à un « public ».

L’acte de communication

L’acte de communication est toute transmission des œuvres protégées, indépendamment du moyen ou du procédé technique utilise.

Chaque transmission ou retransmission qui utilise un mode technique spécifique doit être, en principe, individuellement autorisé. Exemple : dire oui pour le câble ne signifie pas dire oui pour le satellite.

Le public

La jurisprudence de la cour fait la distinction entre les communications ciblées vers un nombre restreint de personnes déterminées, et les communications à un public indéterminé. Seules les secondes peuvent caractériser une communication « au public ».

La Grande chambre va dans le même sens. Elle rappelle qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion de « public » vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels c’est-à-dire des « personnes en général », par opposition à des personnes déterminées appartenant à un groupe privé.

Par ailleurs, il faut que ces personnes en général soient en nombre suffisamment important. La Grande chambre rappelle que la cour a précisé qu’un tel nombre suppose un « certain seuil de minimis », ce qui l’a conduite à exclure de la qualification de « public » une pluralité de personnes concernées trop petite, voire insignifiante.

Ce seuil minimal est évidemment une bouteille à encre. La Grande chambre donne une indication : il est pertinent de savoir combien de personnes ont accès à la même œuvre parallèlement et successivement.

Le public nouveau

Une fois que dans une affaire précise, on peut conclure à l’existence d’un public, encore faut-il voir si ce public est nouveau. En effet, pour relever de la notion de « communication au public », une œuvre radiodiffusée doit être transmise à un « public nouveau », c’est-à-dire à un public qui n’était pas pris en compte par les titulaires de droits sur les œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine.

La jurisprudence antérieure a ainsi déjà jugé que les exploitants d’un café-restaurant, d’un hôtel ou d’un établissement thermal sont de tels utilisateurs et procèdent à un acte de communication au public lorsqu’ils transmettent délibérément à leur clientèle des œuvres protégées, en distribuant volontairement un signal au moyen de récepteurs de télévision ou de radio qu’ils ont installés dans leur établissement.

La Grande chambre donne une indication plus précise. Elle estime que « Il est ainsi sous-entendu que le public qui fait l’objet de la communication dans ces établissements est non pas « capté » par hasard, mais ciblé par leurs exploitants ».

Pour qu’un public soit qualifié de nouveau, il n’est pas nécessaire qu’il paye spécifiquement pour cette diffusion. La cour suggère de se pencher plutôt sur l’attractivité de l’œuvre diffusée : la diffusion d’œuvres protégées revêt un caractère lucratif lorsque l’utilisateur est susceptible de retirer de celle-ci un bénéfice économique lié à l’attractivité et, partant, à la fréquentation plus grande de l’établissement dans lequel il procède à cette diffusion. Par exemple, la cour a estimé que dans un cabinet dentaire, la musique était totalement secondaire. C’est une appréciation qui vaut ce qu’elle vaut. Dans un autre cas, dans un autre contexte, la cour pourrait arriver à une conclusion inverse.

Commentaires

On l’a dit ci-dessus, cet arrêt présent une double caractéristique :

  • Il fait suite à plusieurs arrêts concernant la notion de communication au public. Nous les avons commentés, et renvoyons le lecteur à ces analyses.
  • Il a été rendu par la Grande chambre. C’est sur requête de la France que la Chine Grande chambre a été invitée à se saisir de ce dossier, ce qu’elle a fait.

Le message est clair : il s’agit de sonner la fin des interprétations divergentes en Europe.

Plus d’infos ?

En lisant les conclusions de l’avocat général, ainsi que l’arrêt rendu, tous deux disponibles en annexe.

Droit & Technologies

Annexes

Conclusions de l’AG

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