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Responsabilité des fournisseurs d’hyperliens et de moteurs de recherche : derniers développements

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Au lendemain de la publication de la recommandation du Forum des droits sur l’Internet, nous avons pensé utile de faire un point sur les derniers développements en matière de responsabilité des fournisseurs d’hyperliens et de moteurs de recherches, notamment sous l‘angle du droit d’auteur, du droit des bases de données, du droit des marques, du…

Au lendemain de la publication de la recommandation du Forum des droits sur l’Internet, nous avons pensé utile de faire un point sur les derniers développements en matière de responsabilité des fournisseurs d’hyperliens et de moteurs de recherches, notamment sous l‘angle du droit d’auteur, du droit des bases de données, du droit des marques, du droit de la concurrence ou de la complicité pénale.

Droit d’auteur

Dans sa recommandation du 3 mars 2003, le Forum des droits sur l’Internet a estimé que la réalisation des liens hypertextes doit être libre dans le respect des droits des tiers. Cette position apparaît en accord avec la nature profonde du web et son mode de fonctionnement tout en préservant les intérêts des acteurs dans le cas d’une utilisation abusive du lien.

En effet, une liberté sans restriction peut être excessive dans la mesure où certains liens, en donnant la possibilité de s’approprier la création et le travail d’autrui, font plus que permettre de naviguer de site en site et détournent le mode d’exploitation de l’œuvre initialement prévu par le titulaire des droits.

Mais compte tenu de ce principe de liberté de lier confronté au monopole d’exploitation de la propriété intellectuelle, le Forum a recommandé de n’envisager la nécessité d’obtenir une autorisation que dans les cas suivants :

« 1) pour les liens exploités de façon autonome par le gestionnaire du site lieur. Tel est le cas lorsque le site liant réalise un chiffre d’affaire à l’occasion de l’établissement des liens, notamment par la facturation de la consultation des œuvres auxquelles il renvoie.

2) pour certains liens profonds qui pointent directement vers un fichier télédéchargeable ou exécutable (fichier word, pdf, image, sonore, vidéo ou logiciel…) et non une page web. On peut en effet considérer que, en permettant aux internautes de télédécharger directement ces ressources sur leur disque dur, sans passer par la consultation de la page au sein de laquelle elles sont originairement représentées ou accessibles, le lieur procède à un acte de représentation.

3) pour les transclusions de page web (framing) et de fichiers (in line linking) dans la mesure où, en permettant de représenter dans une page du « site lieur » les ressources (pages ou fichiers) appartenant à un autre site, l’utilisation de cette technique peut consister en une appropriation du contenu d’autrui et, par voie de conséquence, de son public.

Dans tous les cas, le Forum recommande aux titulaires de sites d’afficher clairement la politique qu’ils entendent soutenir en matière d’hyperliens : quelles techniques de liaisons et méthodes de présentation sont acceptées ou recommandées par eux et, éventuellement, quels types de préjudices ils voudraient éviter en refusant des liaisons a priori non abusives (liens simples et liens profonds vers une page).

Ainsi, dans l’hypothèse où un site web signale avec précision, de façon explicite et affichée son refus de l’établissement de certains liens, le Forum conseille de respecter celui-ci. »

Egalement, aux Etats-Unis, par une décision du 7 juillet 2003, la Cour d’appel du 9ème Circuit a décidé de revenir sur sa position adoptée le 6 février 2002 en matière de représentation d’images par un moteur de recherche au travers de techniques d’inclusion par liens hypertextes.

La société Arriba a développé un moteur de recherche capable de ne conserver que des exemplaires en taille réduite d’images capturées sur le web (« vignettes » ou « thumbnails »). En cliquant sur cette vignette, l’internaute est conduit vers une nouvelle page d’Arriba comprenant l’image dans son format d’origine. Cette nouvelle page se divisait en deux cadres.

Le cadre du haut permettait l’affiche directe, au travers d’un lien hypertexte, de l’image originale. Le cadre du bas présentait la page du site sur lequel l’image était publiée. Il s’agissait d’un système de framing, présentant, au sein d’un système de cadres, deux pages émanant de sites externes.

En ce qui concerne les vignettes, la Cour a confirmé sa solution du 6 février 2002 en ne condamnant pas cet acte de reproduction qui par fair use n’était fait que dans un souci d’information (cette affaire rappelle le cas du moteur de recherche graphique « ditto.com ». En effet, par arrêt du 15 décembre 1999, la Cour fédérale du District Central de Californie a jugé que le référencement par liens profonds de pages web reproduisant des « imagettes » n’était pas illégal car le demandeur n’établissait une perte de trafic ou tout autre préjudice matériel).

Quant aux liens hypertextes permettant l’inclusion d’images, la décision du 6 février 2002 avait constaté que cet acte n’était pas une violation du droit de reproduction de Leslie Kelly, la photographe, mais bien du right to display the copyrighted work publicly (notre droit de représentation), sans fair use possible étant donné que l’utilisation des images portait préjudice au marché visé par les œuvres originales.

Cette interprétation est toutefois contrecarrée par des arguments de procédure dans l’arrêt du 7 juillet 2003. En effet, les juges n’étaient pas en mesure de se prononcer sur cette pratique d’inclusion d’images par liens hypertextes étant donné que Leslie Kelly ne mentionnait dans sa plainte d’origine que la réalisation de vignettes et pas l’accès direct aux images.

Droit des bases de données et concurrence déloyale

Les sites compilant diverses ressources protégées ou non par le droit d’auteur sont susceptibles de recevoir la qualification de bases de données au sens de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 protégeant son producteur contre certaines extractions ou réutilisations du contenu de la base de données.

La question est de savoir si l’un de ces deux droits du producteur est applicable aux hyperliens.

La recommandation française du 3 mars 2003 fait état qu’il est « difficile d’affirmer qu’une petite collection d’hyperliens puisse constituer une extraction ou une réutilisation d’une partie qualitativement ou qualitativement substantielle d’une base de données. Ce sont davantage les textes qui accompagnent le pointeur qui peuvent être contestés au regard de l’application du droit des bases de données : par exemple, le fait de reproduire les résumés ou textes descriptifs des données liées (des fiches d’annonces d’emploi, le descriptif précis d’un produit etc…) ou le fait de reproduire en grand nombre des titres d’articles de presse ».

Elle recommande « aux personnes établissant des hyperliens, lorsqu’une interdiction d’extraction ou de réutilisation des données est formulée par le producteur de la base:

1) d’éviter de reproduire, pour accompagner ou illustrer le pointeur d’un ou plusieurs hyperliens vers les ressources d’un même site, une partie significative du contenu de ces ressources ou plusieurs de leurs titres ;

2) de veiller à ne pas multiplier les liens profonds vers les pages ou ressources d’un même site ».

Concernant la concurrence déloyale, le Forum conclut :

« 1) que l’utilisation des hyperliens n’est pas exempte des règles de droit commun. Si aucune protection ne leur est accordée a priori par le biais d’un quelconque monopole, leur utilisation se trouve contrôlée a posteriori par le biais de la responsabilité civile.

2) que la concurrence déloyale (entendue comme englobant également le parasitisme) apporte les limites nécessaires à l’utilisation de procédés contraires aux usages professionnels tendant à détourner la clientèle d’un concurrent par le biais d’hyperliens.

3) que le principe gouvernant la création des hyperliens est la liberté, inhérente à l’essor du réseau internet. En conséquence, seule la constatation d’un comportement déloyal, et donc d’une faute causant un préjudice, pourra engager la responsabilité civile du créateur du lien.

4) que seule l’atteinte au droit privatif est sanctionnée et non le moyen utilisé pour y parvenir ».

En Allemagne, la Cour fédérale vient de reconnaître la légalité de la technique du référencement d’articles de presse dans sa décision du 17 juillet 2003 .

La Cour, au profit de Paperboy, a rejeté les prétentions du groupe de presse Handelsblatt qui estimait que les liens directs créés ne faisant plus naviguer l’internaute par la page d’accueil des sites constituaient une violation de la loi allemande sur les droits d’auteur. La cour fédérale allemande a considéré que c’était aux créateurs de sites de mettre en œuvre des outils techniques permettant de limiter l’accès direct aux pages. De plus, la Cour rejette toute violation du droit de la concurrence.

Cette décision vient à l’encontre du jugement rendu au mois de juillet 2002 par la Cour régionale de Munich qui avait été d’avis que le moteur de recherche NewsClub violait par la réalisation de liens hypertextes le droit sui generis des bases de données.

Ces litiges sont à rapprocher de l’affaire « Kranten.com », dans laquelle le tribunal d’arrondissement de Rotterdam avait refusé, par décision du 22 août 2000, de condamner le moteur de recherche Kranten.com, qui était poursuivi par plusieurs journaux en ligne néerlandais.

Kranten.com est un moteur de recherche qui indexe des articles de presse, en reproduisant le titre des articles, et en renvoyant par lien profond vers l’article en question.

Les journaux en ligne prétendaient qu’il s’agissait d’un acte de concurrence déloyal dans la mesure où les liens profonds contournaient leur page d’accueil, où sont placés la plupart des bannières publicitaires.

Ce litige rappelle à l’évidence les affaires américaines Total News et News Index que nous avons déjà commentées sur le site Juriscom.net (voir notre chronique « Liens Liens hypertextes : quels risques juridiques pour les opérateurs de sites web ? », sur Juriscom.net).

Le tribunal rejette la demande aux motifs que :

  • les sociétés demanderesses n’établissent pas un préjudice. Au contraire, les liens profonds créés par le moteur de recherche sont de nature à apporter du trafic supplémentaire.

  • si les sociétés demanderesses se plaignent d’un contournement de leur page d’accueil où sont placées des bannières publicitaires, rien ne leur empêche de placer les bannières également sur les pages profondes.

  • il existe des techniques simples qui permettent d’exclure toute forme de liens profonds. L’on pense notamment aux protocoles d’exclusion des moteurs de recherche de type « robot.txt » ou certaines programmations html des pages web de type « frameset ». Or, relève le tribunal, les sociétés demanderesses n’ont pas fait usage de ces techniques. Cette thèse est fondamentale, dans la mesure où elle ouvre la voie à la consécration jurisprudentielle de la licence implicite de « référencer  » ou de créer des liens profonds, à l’instar de la licence implicite de lier consacrée par la netiquette.

En effet, ce genre de raisonnement pourrait mener à considérer que celui qui ne programme pas son site pour exclure l’indexation par tel moteur de recherche, ou l’établissement de liens profonds par un tiers, est présumé avoir donné son consentement. Le même raisonnement pourrait être suivi en matière de framing, pour lequel il existe également des techniques d’exclusion. L’avenir dira si d’autres tribunaux suivront cette voie intéressante.

La décision « Kranten.com » est disponible en ligne en néerlandais et en traduction anglaise .

Responsabilité du fait du contenu référencé

Les Américains ont été les premiers à rendre des décisions à cet égard. On connaît la décision de la District Court de Los Angeles pour le site ticketmaster qui estimait qu’un hyperlien ne peut en tant que tel violer le droit d’auteur d’autrui dans la mesure où son rôle n’est pas fondamentalement différent d’une « référence bibliographique » indiquant simplement où se trouve l’œuvre recherchée.

Dans le même sens, la « Southern District Court of California » a refusé le 20 janvier 2000 d’ordonner l’interdiction de placer des liens hypertextes renvoyant à des sites diffusant des éléments protégés (code source des clés de décryptage de la protection des Dvd), au motif qu’un opérateur de site ne peut pas être tenu responsable du contenu des sites auxquels il renvoie par lien hypertexte.

Toutefois, dans le cadre de la même affaire, la « Southern District Court of New york » la « Southern District Court of New York » a statué en sens contraire. En effet, dans une décision du 17 août 2000, elle a enjoint le responsable du site 2600.com de supprimer tout lien hypertexte établi avec de tels sites.

En France, dans son ordonnance du 12 mai dernier, le Tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé, a donné raison à la société Wanadoo l’opposant à la chanteuse Lorie (Tribunal de Grande Instance de Paris
Ordonnance de référé du 12 mai 2003, Melle L.P. dite Lorie / M. G.S., Wanadoo Portails, disponible sur Legalis.net).

Celle-ci, après avoir constaté l’existence de photomontages la concernant sur le site « lorienue.free.fr » avait assigné non seulement l’exploitant du site pour atteinte aux droits attachés à sa personne, mais aussi la société Wanadoo en sa qualité de propriétaire de moteur de recherche pour avoir omis de contrôler le contenu de ce site. Le président du Tribunal rejette cette dernière prétention en considérant que « les obligations invoquées à la charge de la société de Wanadoo Portails se trouvent… sérieusement contestables… ».

Notons que la Cour suprême de Corée vient de décider le mois dernier que réaliser un lien vers un site pour adulte était une violation de la loi…

La jurisprudence est donc loin d’être fixée à cet égard et l’on attend avec impatience le second rapport de Forum des droits de l’internet sur cette question.

Le Forum aura notamment à se prononcer sur la question controversée de l’ extension du régime de la responsabilité des fournisseurs d’accès et d’hébergement visée par la directive sur le commerce électronique. Rappelons à cet égard que la Commission européenne était censée présenter fin juillet 2003 un rapport sur la nécessiter de réglementer notamment la responsabilité des fournisseurs de liens hypertextes….

Dans le cadre de cette réflexion, il est intéressant de relever que les Etats-Unis ont une législation fédérale (Digital Millenium Copyright Act) depuis octobre 1998 qui traite notamment de la responsabilité en matière de liens hypertextes, mais limitée aux actes de contrefaçon.

Cette loi prévoit ainsi que le fournisseur d’hyperliens sera exonéré de toute responsabilité dans la mesure où :

– il n’a pas connaissance du caractère contrefaisant de l’information à laquelle il renvoie par lien hypertexte ;

– il retire rapidement l’hyperlien renvoyant aux informations contrefaisantes dès qu’il est informé de leur existence ;

– il ne perçoit pas une rémunération provenant directement de l’activité contrefaisante, lorsqu’il a le droit et la possibilité de contrôler cette activité.

En outre, dès réception d’une notification effectuée par le titulaire du droit d’auteur selon des formes précises prévues par la loi,le fournisseur du lien doit agir avec diligence pour retirer ou empêcher l’accès à l’information contrefaisante.

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