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Les méta moteurs de recherche sont-ils illégaux ?

Publié le par - 1786 vues

Un récent arrêt pourrait annoncer une pluie de procès. Pour la CJUE, le métamoteur se rapproche de la fabrication d’un produit concurrent parasite. En effet, eu égard aux possibilités de recherche offertes, un tel métamoteur de recherche dédié ressemble à une base de données, sans toutefois disposer lui-même de données.

Dans le secteur des petites annonces, le schéma est très répandu : un méta-moteur de recherche effectue des recherches sur des dizaines/centaines de sites spécialisés, et affiche en une seule fois l’ensemble des résultats coordonnés. C’est une formule très pratique car :

  • Le méta-moteur ne doit pas exploiter lui-même les petites annonces, il va les chercher sur les autres sites et en coordonne l’affichage ;
  • Pour l’utilisateur, c’est plus facile car il ne doit effectuer qu’une seule recherche sur un seul site pour voir affichés les résultats de dizaines/centaines d’autres sites spécialisés.

Pratique oui, mais légal ?

Les faits

Une société exploite le site www.autotrack.nl (ci-après « AutoTrack ») comprenant près de 200.000 annonces pour des ventes de voitures d’occasion. Environ 40.000 de ces annonces sont exclusives (elle ne figurent que sur AutoTrack).

Innoweb gère le site www.gaspedaal.nl (ci-après « GasPedaal »), un métamoteur de recherche. C’est un méta-moteur « dédié » en ce sens qu’il est spécialisé sur un ou plusieurs sujets déterminés (les voitures d’occasion en l’occurrence).

GasPedaal permet de procéder à des recherches dans le recueil d’AutoTrack en fonction de différents critères, parmi lesquels figurent non seulement la marque, le modèle, le kilométrage, l’année de construction et le prix, mais également d’autres caractéristiques d’un véhicule, telles que notamment la couleur, la forme de la carrosserie, le type de carburant utilisé, le nombre de portes et la transmission.Tout ce ci se fait en temps réel, c’est-à-dire au moment où l’utilisateur de GasPedaal émet sa requête.

Les résultats trouvés sur AutoTrack, à savoir les voitures répondant aux critères choisis par l’utilisateur final, qui figurent également parmi les résultats d’autres sites sont réunis en un seul élément tout en affichant les liens vers toutes les sources dans lesquelles cette voiture a été trouvée. Une page Internet est ensuite établie avec la liste des résultats ainsi obtenus et réunis, qui affiche les informations essentielles relatives à chaque voiture, en particulier l’année de construction, le prix, le kilométrage et la photographie en miniature de celle-ci. Cette page Internet est stockée pendant environ 30 minutes sur le serveur de GasPedaal et envoyée à l’utilisateur ou présentée à celui-ci sur le site Internet de GasPedaal, sous l’apparence de ce site.

GasPedaal exécute par jour environ 100.000 requêtes de recherche dans AutoTrack. Ainsi, environ 80 % des différentes combinaisons de marques ou de modèles figurant dans le recueil d’AutoTrack font quotidiennement l’objet d’une recherche. Toutefois, GasPedaal n’affiche, par recherche, qu’une très petite partie du contenu de ce recueil. Le contenu de ces données est, pour chaque requête de recherche, déterminé par l’utilisateur sur la base de critères qu’il insère dans GasPedaal.

La question préjudicielle

AutoTrack considère qu’Innoweb porte atteinte à son droit sui generis (producteur de la base de données).

L’affaire est portée devant la Cour de justice de l’Union européenne, afin d’interpréter les notions d’extraction et réutilisation.

On sait en effet que conformément à la directive, le fabricant d’une base de données a le droit d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de celle-ci.

On entend par:

  • « extraction »: le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit;
  • « réutilisation »: toute forme de mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de la base par distribution de copies, par location, par transmission en ligne ou sous d’autres formes. La première vente d’une copie d’une base de données dans la Communauté par le titulaire du droit, ou avec son consentement, épuise le droit de contrôler la revente de cette copie dans la Communauté.

L’arrêt rendu

La cour commence par souligner les caractéritiques essentielles du métamoteur de recherche dédié qui lui est soumis :

  • Il ne dispose pas d’un moteur de recherche propre parcourant les autres sites Internet. Il utilise les fonctions de recherche des sites qu’il fouille.
  • Il offre plusieurs avantages : (i) permettre des recherches aussi poussées que sur les sites qu’il fouille ; (ii) permettre des fouiller plusieurs sites grâce à une seule requête : (iii) affichage des résultats de façon aussi conviviale et efficace que sur les sites qu’il fouille.
  • Les recherches se font en temps réel.
  • Tout est automatisé selon la programmation du métamoteur, sans que, à ce stade, une intervention de l’exploitant ait lieu. À ce stade, seul l’utilisateur final qui introduit sa requête déploie une activité.

Le métamoteur fait-il une "réutilisation" de la base de données d’AutoTrack ?

La Cour rappelle que le législateur communautaire a donné un sens large à la notion de réutilisation.

Sans cette acceptation large, l’objectif de la directive (protéger l’investissement et le risque) ne serait pas atteint.

Or, pour la Cour, le risque est réel (perte de revenus, perte de consultations, risque que les annonceurs se limitent à une seule annonce là où autrement ils en auraient placé plusieurs).

La cour n’a pas égard au fait que l’utilisateur qui veut voir le détail d’une annonce doit cliquer sur le lien vers la page d’origine. Elle estime l’argument inopérant notamment car le métamoteur offre déjà des possibilités de tri des résultats.

La Cour n’a pas plus égard au fait que la protection légale ne vise pas les actes de « consultation » de la base de données. Pour elle, « l’activité de l’exploitant d’un métamoteur de recherche dédié tel que celui en cause au principal ne constitue pas un acte de consultation de la base de données concernée. En effet, cet exploitant n’est aucunement intéressé par les données figurant dans la base de données, mais il fournit à l’utilisateur final un accès particulier à cette base et à ses données qui diffère de la voie prévue par le fabricant de ladite base, tout en présentant les mêmes avantages de recherche. En revanche, c’est l’utilisateur final introduisant une requête de recherche dans le métamoteur de recherche dédié qui consulte, par le biais de ce métamoteur, la base de données. »

Il y a donc réutilisation au sens de la directive, et celle-ci porte sur une partie substantielle du contenu, voire sa totalité, étant donné que ledit métamoteur « permet d’explorer le contenu entier de cette base de données, à l’instar d’une requête de recherche introduite directement dans le moteur de recherche de ladite base. Dans ces circonstances, le nombre de résultats effectivement trouvés et affichés par requête de recherche introduite dans le métamoteur de recherche dédié est sans importance ».

Les métamoteurs illégaux ?

Il y a, dans l’arrêt de la cour, un attendu assassin qui dépasse le cadre du droit sui generis du producteur de la base de données et ressemble à une condamnation définitive des métamoteurs.

En effet, la Cour écrit que « l’activité pertinente de l’exploitant d’un métamoteur de recherche dédié tel que celui en cause au principal, à savoir la mise en ligne sur Internet de ce métamoteur, se rapproche de la fabrication d’un produit concurrent parasite visé par le considérant 42 de la directive 96/9, sans, toutefois, copier les éléments figurant dans la base de données concernée. En effet, eu égard aux possibilités de recherche offertes, un tel métamoteur de recherche dédié ressemble à une base de données, sans toutefois disposer lui-même de données.

Il suffit, pour l’utilisateur final, de se rendre sur le site Internet du métamoteur de recherche dédié afin d’accéder simultanément au contenu de toutes les bases de données couvertes par le service de ce métamoteur, une recherche effectuée par ledit métamoteur fournissant la même liste de résultats que celle qui aurait pu être obtenue par des recherches effectuées séparément dans chacune de ces bases de données, qui, toutefois, est présentée sous l’apparence du site Internet du métamoteur de recherche dédié. L’utilisateur final n’a plus besoin de se rendre sur le site Internet de la base de données, sauf s’il trouve parmi les résultats affichés une annonce dont il souhaiterait connaître les détails. Cependant, dans ce cas, il est directement dirigé vers l’annonce même et, en raison du regroupement des doublons, il est même tout à fait possible qu’il la consulte dans une autre base. »

Il y a des procès dans l’air …

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