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Le référencement en plein doute après un arrêt de cour d’appel

Publié le par - 173 vues

Dans un arrêt critiquable, la cour d’appel de Douai estime que « en multipliant la réservation de noms de domaine comportant à de nombreuses reprises le terme bière favorisant la création de liens orientant vers leur nom de domaine, le plaçant de ce fait en tête des moteurs de recherche, Julien L. et la sarl Saveur Bière ont commis des actes de concurrence déloyale en privant le site appartenant à Céline S., qui exerce dans le même secteur d’activité, d’être normalement visité ».

Le référencement est une technique complexe et évolutive, mais il comporte en résumé deux grandes options qui se subdivisent chacune en deux groupes:

  • Les options touchent à ce que l’on essaie d’obtenir : soit l’amélioration du référencement naturel, soit l’affichage de lien payant (aussi appelés sponsorisés).
  • Chaque option se subdivise en deux groupes car l’opération peut reposer sur l’utilisation de termes protégés au bénéfice d’autrui (une marque par exemple), et/ou de termes génériques.

La jurisprudence dite Adwords, bien connue, s’intéresse au référencement payant faisant appel à des termes protégés. Nous y renvoyons. (voir notamment l’étude que l’auteur propose dans le Lamy droit de l’immatériel du mois de novembre 2011, n° 76, commentaire n° 2497).

L’arrêt récent de la cour d’appel de Douai s’intéresse, lui, à l’autre hypothèse moins fréquemment plaidée : celle du référencement naturel reposant sur l’emploi de termes génériques. Ce référencement bien particulier permet d’améliorer la position du lien dans la liste des résultats naturels.

La situation du moteur de recherches

Il existe une grande quantité de moteurs de recherche, qui utilisent tous leur propre algorithme : ce qui apparait bon pour l’un ne l’est pas nécessairement pour l’autre et ainsi de suite. On ne donc peut pas se baser sur ce qui déplait à Google pour décider ce qu’est un référencement acceptable.

Un autre élément à prendre en compte est l’absence de contrat : même si Google référence un site, cela ne signifie pas qu’un contrat a été conclu entre Google et le site. Le fait que Google permette au site de s’exclure par une balise ad hoc, n’y change rien.

Il n’y a donc ni norme générale et abstraite décrivant les limites à ne pas dépasser, ni contrat.

Les moteurs de recherche agissent donc de façon pragmatique en déréférençant d’initiative les sites qui violent leur règlement. Ils le font sur plainte, ou suite à leurs propres constatations.

Ce déréférencement est contestable sur le plan juridique, et plus encore si le moteur occupe une position dominante comme Google, mais c’est un fait. C’est en quelque sorte la loi du plus fort qui règne en la matière. Google ne se prive pas de blacklister les sites qui violent trop son règlement. BMW en a fait les frais il y a trois ans. Il y a donc un risque réel. Le risque n’est pas tellement juridique ; il est plutôt business

La situation des concurrents

Les concurrents sont impactés par le référencement en ce sens où chaque fois qu’un site passe devant eux de la sorte, ils reculent mathématiquement dans la liste des résultats naturels avec le risque que l’internaute n’aille pas plus loin que les quelques premiers résultats.

Ces techniques sont souvent désignées sous le terme générique de spamdexing (contraction de spam et de indexing). Elles ont toutes pour but de décortiquer l’algorithme du moteur de recherche pour mieux le tromper en améliorant  artificiellement le résultat naturel d’un site. Les backlinks sont un exemple bien connus pour Google.

En l’absence de norme générale, il est très difficile de dire à partir de quand le comportement devient déloyal et constitutif de pratiques commerciales condamnables.

La cour d’appel de Bruxelles a, très correctement nous semble-t-il, estimé qu’il est difficile de « tracer la frontière entre ce qui constitue les méthodes de référencement honnêtes et celles qui versent dans le répréhensible (…) cette difficulté tient notamment à l’absence de toute norme internationale ou nationale édictée par une autorité compétente et aux particularités des moteurs de recherche, chacun utilisant son propre algorithme (…) ». La cour a donc refusé de sanctionner dans ce cas.

A l’inverse, la cour d’appel de Douai a récemment estimé « qu’en multipliant la réservation de noms de domaine comportant à de nombreuses reprises le terme bière favorisant la création de liens orientant vers leur nom de domaine, le plaçant de ce fait en tête des moteurs de recherche, Julien L. et la sarl Saveur Bière ont commis des actes de concurrence déloyale en privant le site appartenant à Céline S., qui exerce dans le même secteur d’activité, d’être normalement visité ».

Commentaires

Il est trop tôt pour savoir de quel côté les juges pencheront, mais il nous parait pour le moins délicat de procéder comme le fait la cour d’appel de Douai.

En effet, on sait que s’agissant d’une marque – élément protégé – la cour européenne estime que la fonction publicitaire de la marque utilisée par un tiers sans autorisation, n’est pas affectée par le fait que le titulaire de la marque est contraint « d’intensifier ses efforts publicitaires pour maintenir ou augmenter sa visibilité ». Toujours dans ce cadre, la même cour européenne estime, lorsqu’elle analyse la fonction d’investissement de la marque, qu’il est porté atteinte à cette fonction si l’usage par un tiers « gêne de manière substantielle l’emploi, par ledit titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d’attirer et de fidéliser des consommateurs » ou qu’il « affecte » et « met en péril » une réputation déjà établie. Elle précise même qu’il n’y a pas d’atteinte si l’usage par un tiers « a pour seule conséquence d’obliger le titulaire de cette marque à adapter ses efforts pour acquérir ou conserver une réputation » ni même s’il « [conduit] certains consommateurs à se détourner des produits ou des services revêtus de ladite marque » (Interflora, points 62 à 64).

Certes, la CJUE se prononçait sur le référencement payant reposant sur l’usage d’une marque, mais en bonne logique, ce qui est vrai pour un terme protégé par la loi vaut a fortiori pour un terme générique qui n’appartient à personne. L’on voit donc mal comment la cour d’appel de Douai a pu, dans ces conditions, estimer de façon aussi générale que l’intimé avait commis des « actes de concurrence déloyale en privant le site appartenant à Céline S., qui exerce dans le même secteur d’activité, d’être normalement visité ». Y a-t-il un droit à être visité normalement (mais quel est alors le contour de ce droit, son assise, et qu’est-ce que la normalité) ? Quand ce droit est-il atteint (parce que l’on recule d’une place, ou de deux, ou de cent) ? Enfin, les techniques changent ; faudra-t-il que les juges revoient leur position en fonction de cette évolution ?

Lorsqu’un juge en vient à analyser le référencement reposant sur des termes génériques, c’est le comportement fautif qui lui sert de référence.

A l’inverse de ce qui prévaut pour les marques, où la jurisprudence tente de créer la notion d’obligation de loyauté vis-à-vis du titulaire de la marque, cette loyauté disparait lorsqu’il n’y a pas de marque pour être remplacée par la liberté de concurrence dont la limite est la notion de faute. On appelle cette faute tantôt parasitisme, tantôt comportement déloyal, tantôt publicité trompeuse, en fonction de la nature du comportement, mais c’est chaque fois une faute qui doit être démontrée.

Or, sauf cas exceptionnels, on ne voit pas en quoi la réservation de termes génériques qui décrivent l’activité serait punissable dans le cadre d’une campagne de référencement, même si cela conduit à se procurer un avantage de positionnement au détriment d’un concurrent (qui peut faire la même chose, du reste). N’est-ce pas cela, tout simplement, la libre concurrence ? Certes, on dira que le propos est froid et cynique, mais ce n’est ni le propos ni le référencement qui en sont responsable ; la responsabilité en revient au principe même de la libre concurrence, qui est froide et cynique.

Nous pronostiquons donc plutôt un développement conforme à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bruxelles, qui toent en deux enseignements :

L’absence (en l’état actuel) de norme de sorte qu’il est difficile de « tracer la frontière entre ce qui constitue les méthodes de référencement honnêtes et celles qui versent dans le répréhensible (…) »

L’analyse au cas par cas en partant du principe que la concurrence est libre et que seule la démonstration d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité peut l’entraver.

Plus d’infos ?

En lisant les arrêts des cours d’appel de Bruxelles et de Douai, disponibles sur notre site.

 

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