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Le CSA condamne deux chaînes pour violation de la signalétique TV protégeant les mineurs

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Le CSA (belge) vient de rendre deux décision intéressantes vis-à-vis de chaînes n’ayant pas respecté la signalétique TV destinée à protéger les mineurs. Ces deux décisions sont aussi intéressantes parce que la CSA y établit un lien automatique entre la classification cinéma et la classification TV, et qu’il définit ce qu’il entend par pornographie. Les…

Le CSA (belge) vient de rendre deux décision intéressantes vis-à-vis de chaînes n’ayant pas respecté la signalétique TV destinée à protéger les mineurs. Ces deux décisions sont aussi intéressantes parce que la CSA y établit un lien automatique entre la classification cinéma et la classification TV, et qu’il définit ce qu’il entend par pornographie.

Les faits reprochés à la RTBF

La RTBF a diffusé l’œuvre audiovisuelle « Eyes wide shut » le 27 janvier 2005 sur sa première chaîne. Il a été diffusé après 20 heures, accompagné de la signalétique « déconseillé aux moins de 10 ans ».

Or, ce film contient des scènes à caractère sexuel et il a été considéré, pour sa sortie en salles de cinéma, comme «enfants non admis » par la Commission (belge) intercommunautaire de contrôle des films.

En France, par contre, il a été autorisé en cinémas pour tous publics, et des éditeurs français l’ont diffusé sur des chaînes T6V pour les « – 10 ans »..

La RTBF se retrouve donc devant le CSA pour : « avoir diffusé sur le service La Une le 27 janvier 2005 le programme « Eyes wide shut », en contravention à l’article 9 2° du décret sur la radiodiffusion et aux articles 7 et 8 de l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 1er juillet 2004 relatif à la protection des mineurs contre les programmes de télévision susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral » ;

Les faits reprochés à AB4

L’éditeur de services a diffusé, sur la chaîne AB4, le 24 janvier 2005, un programme intitulé « Sex shop ». Ce programme était diffusé après 22 heures et accompagné de la signalétique « déconseillé aux moins de 16 ans ».

Trois séquences de l’émission posent plus particulièrement problème :

Une séquence intitulée « sexpertise » est consacrée aux « spectacles » organisés par le « docteur Susan Block » qui déclare d’entrée de jeu présenter la célébration annuelle de la fête de l’éros. Des scènes se succèdent auxquelles il est dit que les spectateurs peuvent participer. Une de celles-ci montre un homme qui fait l’amour à une femme devant les spectateurs, tandis que des femmes se caressent et qu’une femme utilise un objet qualifié de « masturbateur », dont l’utilisation entre les fesses d’une jeune femme est filmée en gros plan et qu’une spectatrice est invitée à participer à la scène en flagellant la précédente d’un fléau en plumes.

Une autre séquence, intitulée « sexe-états », présente ensuite un reportage consacré à la fabrication et à l’usage de poupées en silicone, par des séquences réalistes de démonstration et de mise en situation. Parmi celles-ci, on peut voir, en plan rapproché : – une poupée à peau noire pénétrée par un homme qui lui maintient les cuisses autour de sa taille, tout en lui caressant les seins ; – la pénétration répétée, présentée en gros plan, d’un pénis en érection dans le vagin de la poupée ; – le gros plan d’un homme debout qui introduit son pénis dans la bouche de la poupée qu’il a agenouillée et dont il tient fermement la tête. Un texte en surimpression souligne les qualités de la poupée « de rêve », « docile et silencieuse » avec laquelle « tout est possible, avec ses trois orifices ». Des commentaires élogieux de l’employée de la société fabriquant ces poupées accompagnent ces séquences : « La sensation est très réaliste, voire ultra réaliste. L’effet de succion est tellement puissant que l’orgasme est très intense ».

Une dernière séquence, intitulée « sexercice » montre une femme nue, couchée sur le dos dans un lit, se masturbant avec un pénis artificiel.

Le cadre légal

Le Moniteur belge du 8 novembre a publié (enfin) l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française de Belgique, relatif à la protection des mineurs contre les programmes de télévision susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral. Tous les éditeurs de contenus visés à l’article 9, 2°, du décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion, ont donc maintenant connaissance de la nouvelle classification des émissions pouvant nuire aux mineurs, des restrictions de diffusion, et de la signalétique qui doit accompagner la diffusion.

Les programmes sont divisés en quatre catégories :

  1. Catégorie I : programmes déconseillés aux mineurs de moins de 10 ans;

  2. Catégorie II : programmes déconseillés aux mineurs de moins de 12 ans;

  3. Catégorie III : programmes déconseillés aux mineurs de moins de 16 ans;

  4. Catégorie IV : programmes déconseillés aux mineurs.

C’est à l’éditeur d’opérer la classification : comme le veut l’article 2, « chaque éditeur de services relevant de la Communauté française classifie les programmes … ».

Pour cela, l’éditeur de services constitue un comité de visionnage chargé de proposer une classification des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs. La composition de ce comité est laissée à l’entière responsabilité de l’éditeur de services.

Des repères sont néanmoins donnés :

  1. Catégorie I : Les programmes déconseillés aux mineurs de moins de dix ans sont des programmes comportant certaines scènes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs de moins de dix ans ;

  2. Catégorie II : Les programmes déconseillés aux mineurs de moins de douze ans sont, le cas échéant, des oeuvres cinématographiques interdites d’accès en salles aux mineurs de moins de douze ans, ou des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs de moins de douze ans, notamment lorsque le scénario recourt de façon systématique et répétée à la violence physique ou psychologique ;

  3. Catégorie III : Les programmes déconseillés aux mineurs de moins de seize ans sont des oeuvres cinématographiques interdites d’accès en salles aux mineurs de moins de seize ans, ainsi que les programmes à caractère érotique ou de grande violence, susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral des mineurs de moins de seize ans ;

  4. Catégorie IV : Les programmes déconseillés aux mineurs sont des programmes pornographiques ou de très grande violence et susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral.

Bien entendu, les contraintes de diffusion vont en croissant au fur et à mesure de la sensibilité du contenu.

La décision du CSA dans l’affaire RTBF

La position de la RTBF est claire :

elle estime que l’arrêté du gouvernement du 1er juillet 2004 précité ne précise nullement que la signalétique à prendre en considération par les télévisions est celle de la Commission belge de contrôle des films. L’éditeur ajoute que « ce serait même totalement impossible par exemple pour les films interdits aux moins de 12 ans, pourtant visés à l’article 5 de l’arrêté, alors que cette catégorie d’âge n’existe pas en droit belge ». Il poursuit en affirmant que l’arrêté ne se réfère à aucun moment à cette commission et, a fortiori, au classement opéré éventuellement par elle. Ce sont, aux termes de l’article 1er de l’arrêté, les éditeurs de services qui sont compétents et responsables du choix de la signalétique.

La RTBF relève ensuite que la lettre de l’arrêté est inspirée de la situation française et oblige, en toute logique, les éditeurs de services de la Communauté française à respecter cette situation. La pratique veut, selon la RTBF, que, dans le choix de la signalétique, les télévisions tiennent compte de ce que les télévisions françaises ont concrètement utilisé comme signalétique pour une œuvre similaire. Et toujours selon la RTBF, ce n’est qu’à défaut d’un tel point de comparaison que les télévisions sont amenées à tenir compte d’autres éléments, parmi lesquels le classement opéré par la Commission intercommunautaire de contrôle des films.

Il serait, selon la RTBF, incohérent d’imposer aux éditeurs de la Communauté française à la fois le respect d’une signalétique calquée sur celle applicable en France pour la télévision et le respect du classement opéré en Belgique par la Commission de contrôle des films pour les films sortis en salle. Si cohérence il doit y avoir, selon la RTBF, elle existe entre la signalétique télévisuelle en France et la signalétique télévisuelle en Communauté française.

La RTBF insiste sur le fait que la RTBF a le droit de se référer au CSA français pour apposer sa signalétique et voit confirmation de cette affirmation dans les informations transmises sur le site du CSA lui-même.

La RTBF relève enfin que le Conseil d’Etat a, dans son arrêt du 18 novembre 2004, constaté l’illégalité de la constitution de la Commission précitée.

Au contraire, le CSA estime qu’il y a un lien clair et direct entre la classification « cinéma » et la signalétique TV :

En établissant, par son arrêté du 1er juillet 2004, un lien entre l’accès en salle aux mineurs de moins de 16 ans et l’interdiction de diffusion aux mineurs dans la même limite d’âge en télévision, le Gouvernement de la Communauté française a clairement entendu éviter toute contradiction entre la mise en œuvre de la protection des mineurs en télévision et celle de la jeunesse organisée pour les projections en salles de spectacle.

En se référant ainsi à la situation administrative des œuvres cinématographiques en salle, la volonté du législateur est clairement d’appliquer une protection au moins équivalente que celle voulue par la législation belge relative à la protection de la jeunesse face aux spectacles en salle accessibles au public de la Communauté française.

Lorsqu’une telle absence d’autorisation est constatée, l’éditeur de services doit impérativement en tenir compte.

Qu’il nous soit permis d’être plus nuancé. L’arrêté ne fait pas, expressément, de lien direct et automatique. La classification cinéma est sans aucun doute une indication importante, mais affirmer l’existence d’un lien direct et intangible nous paraît excéder le texte de l’arrêté.

Deux choses nous permettent de l’affirmer. D’une part, le renvoi à la classification cinéma n’est prévu que pour deux catégories sur quatre. D’autre part, la volonté du législateur est la protection de l’enfance, et il est évident que le contrôle se fait autrement dans les salles obscures et devant le petit écran où les parents peuvent, la plupart du temps, agir avec plus d’efficacité.

La décision du CSA dans l’affaire AB4

L’énoncé (particulièrement cru) des faits se suffit à lui-même. Le CSA est d’une sévérité exemplaire :

Ces manquements répétés témoignent de la méconnaissance délibérée et caractérisée tant des dispositions visées, que des objectifs que ces dispositions poursuivent. Ce faisant, l’éditeur méconnaît gravement et de manière persistante ses obligations en tant qu’éditeur autorisé en Communauté française.

Vu ces éléments, en particulier les décisions ayant vainement sanctionné l’éditeur pour des griefs de même nature, une sanction d’une sévérité accrue, étant de 20.000 € (vingt mille euros) et la diffusion d’un communiqué se justifient.

L’intérêt de la décision est ailleurs. En effet, le CSA s’est fendu d’une définition de la pornographie et de l’obscénité, ce qui est plutôt rare : On entend par pornographie, « (gr. Pornè, prostituée, et graphein, décrire) la représentation complaisante de sujets, de détails obscènes dans une œuvre littéraire, artistique ou cinématographique » (Le Petit Larousse, éd. 2000, p. 807). Est obscène, ce qui « blesse ouvertement la pudeur par des représentations d’ordre sexuel » (ibidem, p. 707).

L’on sait que la définition de la pornographie est une question très débattue, notamment dans le cadre de la protection des mineurs et de la pédopornographie. La définition (littéraire) du CSA servira-t-elle de base à l’avenir, notamment dans le cadre de procès pénaux ? Nul ne le sait mais il est certain que le débat sera relancé lorsqu’il faudra appliquer concrètement la décision cadre 2004/68/JAI du Conseil du 22 décembre 2003, relative à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.

Plus d’infos ?

En lisant l’ouvrage d’Etienne Wéry intitulé « Sexe en ligne : aspects juridiques et protection des mineurs », disponible sur notre site

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