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L’absence de déclaration d’un opérateur de communications électroniques ne viole pas l’ordre public

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Les opérateurs de réseaux et services de communications électroniques doivent dans la plupart des pays effectuer une déclaration préalable auprès de l’organisme de régulation, avant de démarrer leur activité. Plusieurs opérateurs oublient, ou refusent de le faire s’ils estiment ne pas être dans les conditions (Skype p.e.). Quelle est la sanction ? Pour la première fois, une cour d’appel tranche. Il ne s’agit pas d’une violation de l’ordre public.

Les faits

Au départ, le dossier porte sur un simple différend commercial entre sociétés actives dans le secteur de la téléphonie sur Internet.

Une société souhaite proposer une offre triple play (internet, TV et téléphonie fixe) à ses clients mais n’a pas l’infrastructure ad hoc.

Elle contacte donc une société spécialisée dans la téléphonie sous IP (Voice over IP ou VoIP).

Les deux concluent un contrat de fourniture qui permet à la première société de compléter son offre et de la commercialiser.

Après quelques mois, à l’occasion d’un incident technique, la société proposant l’offre triple play résilie la convention. La seconde n’apprécie pas et assigne en paiement d’un certain nombre de sommes dues sur la base du contrat conclu.

La société attaquée se défend notamment en faisant valoir que la société spécialisée dans la téléphonie sous IP n’avait pas effectué la déclaration préalable prévue par la loi auprès de l’organisme de régulation (IBPT en l’occurrence puisque les sociétés sont belges).

Il est vrai que ladite société a tardé à effectuer cette déclaration préalable, et a commencé à offrir ses services (dont la conclusion du contrat en cause) avant d’avoir effectué cette déclaration qui n’est donc forcément plus « préalable ».

Premier jugement

Le Premier juge est convaincu par la thèse de la défenderesse.

Il estime que l’obligation de déclaration préalable relève de l’ordre public.

Dès lors, il considère que le contrat doit être tout simplement frappé de nullité car il a été conclu par une société active sur le marché en violation d’une obligation de déclaration qui est d’ordre public.

En d’autres termes, non seulement ladite société ne peut pas obtenir le paiement de l’indemnité de résiliation, mais elle doit en plus rembourser les sommes perçues dans le cadre de l’exécution du contrat puisque celui-ci est illégal.

Cour d’appel

La cour d’appel est d’un tout autre avis.

Elle relève d’abord que la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques transpose en droit belge le cadre réglementaire européen des réseaux et services de communications électroniques communautaire, approuvé le 7 mars 2002 par le Conseil et le Parlement européen.

Ce cadre réglementaire européen impose, notamment, aux Etats membres d’instaurer un régime de liberté quant à la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques (article 3, § 2 de le directive 2002/20 CE sur les autorisations), traduit dans l’article 3 du titre II de la loi belge, selon lequel « la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques est libre », en sorte qu’il n’est plus requis d’obtenir des licences ou des autorisations individuelles polir exercer ce type d’activités.

Toutefois, dit la cour, la libéralisation n’est pas totale.

En effet, selon la directive « autorisation » 2002/20, les Etats peuvent encore organiser une procédure de notification, exclusive de toute décision d’autorisation, faculté dont la Belgique a fait usage en prévoyant, dans l’article 9, § 1, de la loi du 13 juin 2005, que, sauf exception non pertinente en espèce, la fourniture de ces services « ne peut débuter (…) qu’après une notification » à l’IBPT, autorité de régulation chargée notamment du contrôle des conditions fixées dans l’autorisation générale (article 9, § 8).

La cour constate que la loi ne sanctionne la notification tardive du fait de la fourniture d’un service de communications électroniques.

Elle constate aussi que la notification faite par la société en défaut date du 23 novembre 2010 et faisait mention d’un début d’activité de fourniture d’un service vocal « VoIP-service » en janvier 2010, sans susciter aucune réaction de l’organisme de régulation, si ce n’est la délivrance de la déclaration individuelle confirmative exigée par la loi.

Par ailleurs, la cour suit l’invitation de la partie appelante consistant à regarder dans la directive elle-même, ce que le législateur européen a voulu. La cour relève que les considérants 7 et 8 de la directive ‘autorisation’ indiquent à ce sujet « qu’iI convient de choisir le système d’autorisation le moins onéreux possible pour assurer la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques, afin de stimuler le développement de nouveaux services de communications électroniques ainsi que de réseaux et services paneuropéens de communications et de permettre aux fournisseurs de services et aux consommateurs de bénéficier des économies d’échelle réalisées sur le marché unique » … et que « Le meilleur moyen d’atteindre ces objectifs consiste à instaurer un système d’autorisation générale pour tous les réseaux et services de communications électroniques, sans exiger de décision expresse ou d’acte administratif de la part de l’autorité réglementaire nationale, et b limiter les procédures à la seule notification. »

Ordre public ?

C’est à ce stade que la cour prend en compte la notion d’ordre public.

Selon une très ancienne jurisprudence de la Cour de cassation, confirmée d’année en année, il faut entendre par là « ce qui touche aux intérêts essentiels de l’État ou de la collectivité ou les règles qui fixent, dans le droit privé, les bases juridiques sur lesquelles repose l’ordre économique ou moral de la société ».

La Cour rappelle encore que même lorsque des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect d’une obligation légale, cela n’implique pas que les conventions conclues en violation de cette obligation soient frappées de nullité absolue.

Pour la cour, « Telle que conçue par les législateurs européen et belge, la notification imposée au candidat opérateur a pour but, non pas de démontrer son aptitude à offrir un service de communications électroniques, mais de s’identifier à l’égard de l’autorité réglementaire de régulations, afin de lui permettre de prendre toutes les mesures adéquates afin de réaliser les objectifs visés aux articles 6 et 8 (promouvoir la concurrence, contribuer au développement du marché interne et veiller aux intérêts des utilisateurs) (…). »

Et la cour d’appel de conclure que « La notification auprès de l’IBPT ne saurait, dans ces conditions, être traitée, in abstracto, comme une exigence d’ordre public imposant au juge de prononcer la nullité absolue de tout contrat ayant pour objet la fourniture de réseaux et de services de Communications électroniques de services conclu et exécuté avant celle-ci.

Une telle sanction civile serait en effet disproportionnée par rapport au manquement constaté, sauf s’il était établi que les services fournis par la [société 1] avant sa notification à l’IBPT représentaient une menace sérieuse pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique ou pour les intérêts économiques et opérationnels d’autres entreprises, menace qui n’est ni alléguée, ni a fortiori démontrée par la [société 2] ».

Commentaires

On l’a dit, le régime de déclaration préalable est le résultat d’une harmonisation du droit au niveau européen.

Cette décision de la cour d’appel est, à notre connaissance, la première dans l’Union européenne à trancher cette question, et elle pourrait donc faire jurisprudence.

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