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La Cour européenne de justice règle le sort des pharmacies en ligne

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La Cour européenne de justice a récemment rendu un arrêt important concernant la vente de médicament via l’internet. On sait que ces dernières années, les pharmacies virtuelles ont tenté beaucoup d’investisseurs appuyés par une armée de juristes. On a tout vu. On a vu un pharmacien et un fabricant se battre sur le droit de…

La Cour européenne de justice a récemment rendu un arrêt important concernant la vente de médicament via l’internet. On sait que ces dernières années, les pharmacies virtuelles ont tenté beaucoup d’investisseurs appuyés par une armée de juristes. On a tout vu.

On a vu un pharmacien et un fabricant se battre sur le droit de la distribution : le droit de vendre en officine un produit entraine-t-il le droit de la vendre sur le site web de l’officine, ou au contraire la vente en ligne est-elle un domaine réservé au fabricant ?

On a vu certains procureurs s’interroger sur la question de principe : un pharmacien, par hypothèse autorisé à exercer, peut-il vendre en ligne ?

Enfin, on a vu des pharmaciens se regrouper pour tenter d’empêcher des hommes d’affaires s’emparer du web au risque de leur prendre quelques parts de marché. C’est de cette denrière catégorie que relève le cas soumis à la Cour européenne de justice.

La Cour était amenée à se pencher sur la question suite à une question préjudicielle posée par le Landgericht Frankfurt am Main dans une affaire qui oppose les membres de l’Apothekerverband (fédérations et associations de pharmaciens des Länder) à la pharmacie néerlandaise 0800 DocMorris NV (« DocMorris ») et à M. Jacques Waterval, pharmacien, représentant légal de DocMorris et initiateur de la « Pharmacie Internet ».

Les Faits

Depuis le 8 juin 2000, DocMorris et M. Waterval offrent à la vente, sous l’adresse Internet « www.0800DocMorris.com », notamment en langue allemande pour le consommateur final en Allemagne, des médicaments à usage humain, soumis ou non soumis à prescription médicale. Il s’agit de médicaments qui sont, en partie, autorisés en Allemagne et, pour la plupart, autorisés dans un autre État membre.

L’Apothekerverband estime que cette activité viole au moins deux lois : l’AMG (Arzneimittelgesetz : loi allemande sur les médicaments) et le HWG (Gesetz über die Werbung auf dem Gebiete des Heilwesens : loi allemande relative à la publicité dans le secteur de la santé). Ces lois empêcheraient l’exercice d’une telle activité.

Le débat prend vite une allure européenne en raison de la restriction de commerce que ces législations engendrent. Les plaignants considèrent naturellement que cette interdiction est conforme aux articles 28 et 30 du Traité CE, ce que contestent les défendeurs.

L’enjeu est important : une telle interdiction nationale et certainement une telle interdiction de la publicité pourrait avoir pour effet de bloquer la présentation d’une pharmacie Internet et qui plus est celle de commander un médicament déterminé. Le tout est donc de savoir si une interdiction nationale de publicité est compatible avec les principes de droit communautaire de libre circulation des marchandises et des services de la société de l’information au sens de la directive électronique.

Les questions préjudicielles

Les questions préjudicielles sont les suivantes :

1. Une législation nationale qui interdit l’importation commerciale de médicaments à usage humain de vente exclusive en pharmacie, réalisée par la voie de la vente par correspondance par des pharmacies agréées dans d’autres États membres, à la suite de commandes individuelles passées via Internet par le consommateur final, viole-t-elle les principes de la libre circulation des marchandises au sens des articles 28 CE et suivants?

a) Une telle interdiction nationale constitue-t-elle une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 28 CE?

b) En cas de réponse affirmative à la question sous a) : l’article 30 CE doit-il être interprété en ce sens qu’une interdiction nationale pour des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes est justifiée lorsque la délivrance de médicaments soumis à prescription médicale est subordonnée à la réception préalable, par la pharmacie expéditrice, d’une ordonnance médicale originale? Quelles exigences doivent, le cas échéant, être imposées à une telle pharmacie en ce qui concerne le contrôle de la commande, du colis et de la réception?

c) Les questions 1, 1 a) et 1 b) ci-dessus appellent-elles une appréciation différente à la lumière des articles 28 CE et 30 CE s’il s’agit de l’importation de médicaments autorisés dans l’État d’importation qu’une pharmacie établie dans un État membre de l’Union européenne a auparavant achetés auprès de grossistes de l’État d’importation?

2. Est-il compatible avec les articles 28 CE et 30 CE qu’une interdiction nationale de publicité pour la vente de médicaments par correspondance, ainsi que pour les médicaments à usage humain soumis à prescription médicale et pour les médicaments à usage humain de vente exclusive en pharmacie, qui sont autorisés dans l’État d’origine, mais pas dans l’État d’importation, reçoive une interprétation large au point que l’on qualifie de publicité interdite le portail Internet d’une pharmacie d’un État membre de l’Union européenne qui, outre la simple présentation de l’entreprise, décrit les différents médicaments en indiquant le nom du produit, sa soumission éventuelle à prescription médicale, les dimensions du conditionnement ainsi que le prix, et offre, en même temps, la possibilité de commander ces médicaments grâce à un formulaire de commande en ligne, de sorte que les commandes transfrontalières de médicaments via Internet, y compris la livraison transfrontalière de ces médicaments, sont en tout cas rendues sensiblement plus difficiles?

a) Eu égard à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000 (directive sur le commerce électronique), les articles 28 CE et 30 CE commandent-ils d’exclure ladite présentation sur Internet d’une pharmacie d’un État membre de l’Union européenne, ou certains éléments de cette présentation, de la notion de publicité auprès du public au sens de l’article 1er, paragraphe 3, et de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/28/CEE du Conseil,du 31 mars 1992 (directive concernant la publicité faite à l’égard des médicaments à usage humain), afin d’assurer également en pratique l’offre de certains services de la société de l’information?

b) Une restriction éventuelle de la notion de publicité, imposée au titre des articles 28 CE et 30 CE, peut-elle être justifiée en ce qu’il y a lieu d’assimiler les bulletins de commande en ligne, qui ne contiennent que le minimum d’informations nécessaires pour passer commande, et/ou d’autres éléments du site Internet d’une pharmacie d’un État membre de l’Union européenne à des catalogues de vente et/ou à des listes de prix, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 92/28/CEE?

3. Dans l’hypothèse où certains aspects partiels de la présentation sur Internet d’une pharmacie d’un État membre de l’Union européenne violent des dispositions concernant la publicité pharmaceutique, faut-il inférer des articles 28 CE et 30 CE que le commerce transfrontalier de médicaments qui a lieu grâce à cette présentation doit être considéré comme légalement admissible, malgré la publicité prohibée, pour assurer une mise en oeuvre plus efficace du principe de la libre circulation des marchandises.

L’arrêt de la cour sur la première question préjudicielle

La première question est évidemment fondamentale.

L’avocat général y avait répondu positivement : pour lui, une législation nationale qui interdit l’importation commerciale de médicaments à usage humain de vente exclusive en pharmacie, réalisée par la voie de la vente par correspondance par des pharmacies agréées dans d’autres États membres, à la suite de commandes individuelles passées via Internet par le consommateur final, est une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 28 CE.

La Cour abonde dans ce sens : « Une interdiction nationale de vente par correspondance des médicaments dont la vente est réservée exclusivement aux pharmacies dans l’État membre concerné, telle que celle prévue à l’article 43, paragraphe 1, de l’Arzneimittelgesetz (loi sur les médicaments), dans sa version du 7 septembre 1998, constitue une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 28 CE ».

Cela étant dit, l’existence d’une mesure d’effet équivalent n’est pas, toujours, illicite. Elle peut en effet être justifiée par certaine sautres dispositions du Traité dont le célèbre article 30. Tel est l’obkjet de la première question préjudicielle, sous b), par laquelle la juridiction de renvoi demande en substance si l’interdiction de vente par correspondance des médicaments dont la vente est réservée exclusivement aux pharmacies est justifiée au titre de l’article 30 CE, lorsque la délivrance de médicaments soumis à prescription médicale est subordonnée à la réception préalable, par la pharmacie expéditrice, de l’original d’une ordonnance médicale. À cet égard, elle se demande quelles exigences doivent, le cas échéant, être imposées à une telle pharmacie en ce qui concerne le contrôle de la commande, de l’envoi du colis et de la réception de celui-ci.

La Cour commence par rappeler que :

  • selon une jurisprudence constante, la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens ou intérêts protégés par l’article 30 CE, et il appartient aux États membres, dans les limites imposées par le traité, de décider du niveau auquel ils entendent en assurer la protection (voir arrêts précités Schumacher, point 17; Eurim-Pharm, point 26, et Ortscheit, point 16).

  • Mais que toutefois, une réglementation ou une pratique nationale qui est de nature à avoir un effet restrictif ou a un tel effet sur les importations de produits pharmaceutiques n’est compatible avec le traité que pour autant qu’elle est nécessaire pour protéger efficacement la santé et la vie des personnes. Une réglementation ou une pratique nationale ne bénéficie pas de la dérogation prévue à l’article 30 CE lorsque la santé et la vie des personnes peuvent être protégées de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges communautaires (voir arrêts précités Schumacher, points 17 et 18; Delattre, point 53; Eurim-Pharm, point 27; Commission/Allemagne, points 10 et 11, ainsi que Ortscheit, point 17).

Dans la foulée de cette jurisprudence, la cour fait la part des choses entre les médicaments soumis à prescription médicale et ceux qui ne le sont pas :

À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question, sous b), que l’article 30 CE peut être invoqué pour justifier une interdiction nationale de vente par correspondance des médicaments dont la vente est réservée exclusivement aux pharmacies dans l’État membre concerné, pour autant qu’elle vise les médicaments soumis à prescription médicale. En revanche, l’article 30 CE ne peut être invoqué pour justifier une interdiction absolue de vente par correspondance des médicaments qui ne sont pas soumis à prescription médicale dans l’État membre concerné.

L’arrêt de la cour sur la deuxième question préjudicielle

La seconde question se penche plus spécifiquement sur la question de la publicité. La juridiction de renvoi demande en substance si, dans le cadre d’une interdiction nationale de la publicité pour la vente par correspondance de médicaments, les articles 28 CE et 30 CE s’opposent à une interprétation large de la notion de « publicité », dans laquelle sont qualifiés de « publicité interdite » plusieurs aspects du portail Internet d’une pharmacie établie dans un État membre, de sorte que les commandes transfrontalières de médicaments par Internet sont rendues sensiblement plus difficiles.

La Cour relève que cette question présuppose qu’une vente légale de médicaments par Internet coïncide avec une interdiction légale de la publicité pour ceux-ci qui pourrait porter atteinte à cette vente. De ce fait, il importe de préciser que sont ainsi posées deux questions distinctes, à savoir, en premier lieu, celle de la compatibilité des interdictions nationales de la publicité pour la vente par correspondance de médicaments avec les articles 28 CE et 30 CE et, en second lieu, la question de savoir si, et pour autant que ces interdictions (ou certaines d’entre elles) seraient jugées compatibles, une interprétation large de la notion de « publicité », qui aurait pour effet de rendre plus difficile la vente par Internet, serait elle aussi compatible avec lesdites dispositions :

  • A la première branche la Cour répond que l’article 88, paragraphe 2, du code communautaire, qui autorise la publicité auprès du public pour les médicaments qui ne sont pas soumis à prescription médicale, ne saurait être interprété comme excluant la publicité pour la vente par correspondance de médicaments sur le fondement de la prétendue nécessité de la présence physique d’un pharmacien. Partant, l’article 88, paragraphe 1, du code communautaire, lequel interdit la publicité pour les médicaments soumis à prescription médicale, s’oppose à une interdiction telle que celle prévue à l’article 8, paragraphe 1, du HWG dans la mesure où cette interdiction vise des médicaments qui ne sont pas soumis à prescription médicale.

  • Il découle que la première branche que seules des interdictions de publicité telles que celles visées aux articles 3 bis et 10 du HWG allemand, à savoir celles qui concernent, d’une part, les médicaments non autorisés et, d’autre part, les médicaments soumis à prescription médicale, sont conformes au droit communautaire. Ce ne sont donc que ces deux interdictions là dont il faut analyser la portée et voir si elles pourraient avoir pour effet d’empêcher la vente de médicaments par Internet, afin de déterminer s’il y a lieu d’interpréter la notion de « publicité auprès du public » notamment quant à l’étendue de cette notion.

    Et la Cour de noter qu’en ce qui concerne une interdiction telle que celle visée à l’article 3 bis du HWG, il suffit de rappeler que la mise en circulation même de médicaments sur le territoire d’un État membre dans lequel ils sont soumis à autorisation mais ne l’ont pas obtenue est interdite au niveau communautaire. Partant, il ne saurait être soutenu qu’une telle interdiction empêche la vente légale de médicaments par Internet.

    Pour les autres médicaments, la Cour estime reprend sa logique précédente et fait la part des choses entre que les médicaments soumis à prescription médicale et ceux qui nele sont pas :

    L’article 88, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, s’oppose à une interdiction nationale de faire de la publicité pour la vente par correspondance des médicaments dont la délivrance est réservée exclusivement aux pharmacies dans l’État membre concerné, telle que celle prévue à l’article 8, paragraphe 1, du Heilmittelwerbegesetz (loi sur la publicité à l’égard des médicaments), dans sa version publiée le 19 octobre 1994, dans la mesure où cette interdiction vise des médicaments qui ne sont pas soumis à prescription médicale.

Plus d’infos ?

En prenant connaissance de l’arrêt commenté.

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