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La Belgique a un nouveau gouvernement : ce qui va changer dans le secteur des TIC

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Avant la prestation de serment du 11 octobre 2014, les négociateurs des différents partis engagés dans la coalition « suédoise » ont conclu un Accord de Gouvernement reprenant les principaux axes de la politique qui sera menée au cours de la législature. Dans sa version datant du 10 octobre 2014 (ci-après, l’Accord), largement diffusée par les médias, on trouve de nombreuses mesures en lien direct avec les technologies de l’information et de la communication.

Ces mesures sont disséminées ici et là dans l’Accord ; nous les regroupons en six catégories : e-gouvernement, e-commerce, e-facturation, e-justice, e-santé et vie privée. D’autres thèmes pourraient également être abordés mais les enjeux strictement juridiques étant plus limités, nous ne nous y attarderons pas (on songe à la lutte contre la fracture numérique, la sécurité des services bancaires en ligne, la garantie de la neutralité de l’internet ou le renforcement de la cybersécurité).

E-Gouvernement

Dans une perspective de simplification, au bénéfice des entreprises et des citoyens, la dématérialisation de nombreuses procédures est envisagée et/ou encouragée, si une telle dématérialisation existe déjà (voir notamment pp. 24-25, pp. 87-88, p. 151 ou pp. 172 et s. de l’Accord). L’idée n’est évidemment pas neuve, ce qui n’empêche pas de poursuivre dans cette voie. Plusieurs domaines sont concernés (marchés publics, comptabilité des entreprises, communication entre le contribuable et l’administration fiscale, asile et migration, services au citoyen, etc.). La mise en place de guichets uniques, couplée à l’établissement de sources authentiques de données (ce qui évite de redemander inutilement des informations dont l’administration dispose), participent de cet objectif. Encore faut-il s’assurer que l’accès aux données et leur échange se fassent conformément à des exigences strictes en termes de vie privée (notamment) et en totale transparence vis-à-vis des utilisateurs. Le recours à la signature électronique pourrait être utile dans certaines hypothèses (d’autant plus que la carte d’identité électronique permet normalement de signer électroniquement avec un niveau élevé de sécurité juridique). Si telle est finalement l’option choisie, il faut espérer que la généralisation et la promotion de la signature électronique, prônées par ailleurs dans l’Accord (cf. p. 172 de l’Accord) se fassent à la lumière du récent règlement eIDAS (portant notamment sur la signature électronique).

On observe que de nombreuses références sont faites à l’utilisation, par les autorités publiques, du datamining (voir par ex., pp. 54, 70 et 80) au départ des différentes sources de données auxquelles elles ont accès. C’est assurément une bonne chose en termes d’efficacité de l’action publique, pour autant que l’encadrement technique, organisationnel et juridique soit suffisant pour éviter tout traitement illicite des données. Les détournements de finalité ne sont en effet jamais très loin dans cette approche.

En lien avec ces considérations, des mesures sont prises dans le domaine de la numérisation, avec la mise en place d’une « autorité fédérale numérique », pour « se débarrasser du papier » dans les administrations (pp. 105-106), ou dans les échanges entre les administrations et les citoyens (pp. 175 et 179 de l’Accord). S’il faut soutenir cette politique de gestion de l’information numérique et d’archivage, des garanties juridiques doivent aussi être prises, pour s’assurer que les archives digitales aient la même valeur juridique que leur équivalent papier. En tant que tel, l’archivage électronique n’est pas réglementé en droit belge (et il n’est pas visé par le récent règlement eIDAS sur l’identification électronique et les services de confiance). Aussi faut-il espérer que les propositions de loi élaborées au cours de la précédente législature (en matière d’archivage, notamment) soient remises sur le métier et finalement adoptées (en tenant compte, le cas échéant, des spécificités du secteur public en matière d’archivage).

E-Commerce

En matière de commerce électronique, l’Accord prévoit le développement d’une plateforme indépendante, en collaboration avec les représentants des différentes organisations sectorielles (p. 19). L’objectif est de préparer « un cadre de soutien afin de donner toutes les chances au développement du ‘e-commerce’ », tout en éliminant les handicaps structurels de la Belgique vis-à-vis de l’étranger.

Plusieurs mesures sont avancées dans cette perspective : elles concernent la sécurité des produits, les paiements en ligne, le travail de nuit, la sécurité et les procédures alternatives de règlement des différents. A certains égards, des modifications législatives doivent sans doute être envisagées. Pour le reste, on notera que plusieurs de ces points font déjà l’objet de règles spécifiques, spécialement dans le Code de droit économique (Livre VII sur les services de paiement et de crédit ou Livre XVI sur le règlement extrajudiciaire des litiges de consommation).

Nous sommes d’avis qu’il faut avant tout privilégier l’information des acteurs économiques dans ces matières, de sorte que leurs activités soient parfaitement conformes au prescrit légal : les règles en matière de commerce électronique sont à ce point nombreuses et complexes (outre qu’elles sont modifiées régulièrement) qu’il devient de plus en plus compliqué de s’adapter en continu. Aussi plaidons-nous pour un cadre normatif aussi stable que possible et, dans la mesure permise par le droit de l’Union (qui dicte la plupart de ces règles), simplifié au maximum. Parallèlement, les prestataires d’un service de la société de l’information qui développent leurs activités en méconnaissance des règles applicables doivent être sanctionnés, dans la mesure où, ce faisant, ils portent atteinte aux intérêts des consommateurs et à la concurrence loyale qui doit présider entre les acteurs. Des progrès pourraient sans doute être faits dans l’adoption de sanctions dissuasives et proportionnées, et leur mise en œuvre effective. Le gouvernement pourrait ainsi atteindre un objectif mentionné par ailleurs, par lequel il s’engage à garantir « l’utilisation optimale des nouvelles technologies en fournissant davantage de sécurité légale pour les citoyens (consommateurs et entreprises) lorsqu’ils utilisent des services on-line et du contenu créatif on-line » (p. 129 de l’Accord).

Au niveau fiscal, il est indiqué que « les services électroniques achetés par les particuliers belges auprès d’entreprises européennes seront soumis à la TVA en Belgique » (p. 83).

Le Gouvernement indique encore sa volonté de continuer « à stimuler le financement par le crowdfunding et à mieux encadrer les activités des plateformes de crowdfunding » (p. 88). C’est assurément à encourager, eu égard au développement important de ce mode de financement participatif (malgré l’existence d’un cadre normatif très rudimentaire en Belgique). Des idées pourront sans doute être trouvées dans le droit français, puisque de nouvelles règles ont été adoptées ces derniers mois.

E-Facturation

En lien avec la simplification administrative, on note une volonté claire d’encourager la facturation électronique, tant au sein des pouvoirs publics que pour les PME (pp. 22-23). Sous l’impulsion européenne, des réformes avaient déjà été entreprises en 2012, avec l’adoption de nouvelles règles en matière de facturation électronique (dans le Code TVA). On rappellera à cet égard qu’il n’est plus nécessaire d’utiliser une signature électronique ou un système EDI et que des contrôles de gestion établissant une piste d’audit fiable entre la facture et une livraison de bien (ou une prestation de service) suffisent. D’après nous, le manque d’enthousiasme des prestataires peut s’expliquer par les exigences de conservation de la facture (puisque les garanties d’authenticité, de lisibilité et d’intégrité de la facture doivent être préservées pendant toute cette période), ce qui a un coût et demande la mise en place de procédures bien précises (qui peuvent paraître plus compliquées que le simple classement de la facture « papier » dans une armoire). C’est d’abord à ce niveau que des initiatives devraient être prises. Pour le reste, on rappelle que l’accord du cocontractant est requis pour facturer électroniquement : si la facturation électronique doit être encouragée, cela ne doit pas se faire en violation de ce principe.

E-Justice

On lit avec plaisir – mais circonspection – que « l’informatisation de la justice, y compris dans le cadre de l’exécution des peines, demeure une nécessité absolue. Le gouvernement se donne pour objectif d’informatiser totalement le fonctionnement de la justice, en vue de réduire les charges administratives dans l’ordre judiciaire » (p. 111 de l’Accord). Dans ce contexte, l’adaptation des anciennes lois Phénix (datant de 2005 !) est annoncée. L’informatisation de la justice constituerait un progrès indéniable, pour autant que, ce faisant, on ne complique pas inutilement les procédures à réaliser par voie électronique (avec des exigences techniques qui dépassent manifestement celles qui existent dans l’environnement papier) et que des moyens financiers et humains soient investis. Le récent règlement eIDAS devra notamment être pris en compte pour l’identification des parties intervenantes et le recours à des procédés de signature électronique.

Les technologies de l’information et de la communication seront aussi utilisées pour la recherche et la constatation des infractions. L’informatisation touchera les services de police, avec la mise en place d’un échange d’informations plus souple et plus efficace (p. 137 de l’Accord). On pointe encore une volonté de revoir de manière approfondie les règles relatives à l’utilisation de caméras de surveillance (p. 133 de l’Accord).

E-Santé

Le recours aux technologies de l’information et de la communication dans le domaine de la santé fait également l’objet de diverses mesures dans l’Accord, sur le plan administratif (pp. 62-63 et p. 70) ou dans le cadre de l’échange des données, avec l’utilisation de la plateforme eHealth notamment (pp. 59 et s.). Sur ce point aussi, il existe déjà des bases légales et il faut espérer que, s’agissant de données sensibles, des mesures nécessaires (et proportionnées) soient prises pour garantir un niveau élevé de protection de la vie privée.

Vie privée

Le dernier point de l’Accord concerne la protection de la vie privée du citoyen (pp. 219-220). On notera à cet égard qu’en Belgique, la matière est principalement régie par la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel (ainsi que des règles constitutionnelles ou européennes et internationales consacrant le droit fondamental à la vie privée). Le cadre normatif pourrait toutefois évoluer si la proposition de règlement européen sur ce thème est finalement adoptée. On peut s’étonner que le Gouvernement souhaite modifier certaines règles, au risque de s’écarter des principes consacrés au niveau européen.

Ainsi, on lit la volonté de modifier le cadre juridique pour qu’en cas de traitement de données à caractère personnel, « le principe du consentement éclairé, dans la mesure du possible, constitue le point de départ » (p. 219 de l’Accord). Si le consentement est l’un des principaux motifs de légitimation des traitements de données (art. 5 de la loi précitée du 8 décembre 1992), il n’est pas le seul (il y a aussi l’exécution du contrat, une obligation légale, la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement, etc.) et il ne paraît pas judicieux de rompre avec la logique actuellement en vigueur. On pourrait aussi craindre que cette exigence soit finalement respectée de manière très artificielle, le responsable se contentant la plupart du temps d’un pseudo-consentement tacite.

De même, on lit que « le gouvernement plaidera en faveur d’une politique européenne harmonisée de protection de la vie privée forte qui laisse aux Etats membres la flexibilité pour utiliser un plus haut niveau de protection en particulier dans les domaines de l’administration, de la santé et de la sécurité sociale ». On comprend mal pour quelle raison le législateur belge souhaite renforcer une protection déjà forte qui existerait par ailleurs au niveau européen. Le risque existe en effet que, par une règlementation excessive en la matière, le législateur décourage certaines activités économiques (pourtant respectueuses de la vie privée) et se démarque de ses homologues européens. Il existe déjà des règles particulièrement strictes pour le traitement de certaines données, impliquant notamment des régimes d’autorisation préalable (pour le numéro d’identification national ou certaines données de santé) et on peut se demander si elles ne sont pas excessives.

Ces nouvelles mesures devront également être analysées à l’aune de la directive 95/46/CE et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne : on peut en effet se demander si le législateur belge dispose d’une telle marge de manœuvre…

Le Gouvernement entend aussi réformer la Commission de protection de la vie privée et renforcer les droits des citoyens (en termes de contrôle, de possibilité de transférer les données à un autre prestataire de services, de transparence, de sécurité et de responsabilité, tout en tenant compte du principe de proportionnalité et du contexte).

***

En définitive, sous certaines réserves, les initiatives envisagées dans l’Accord de gouvernement doivent être approuvées (même si, pour la plupart, elles sont loin d’être révolutionnaires). Toute mesure prise dans le domaine des technologies de l’information et de la communication présente généralement un caractère transversal, qui exige d’analyser son impact dans diverses matières (possible recours à la signature électronique ou à des services de confiance, risques en termes de vie privée, etc.). Aussi faut-il espérer une coordination générale de toutes les politiques envisagées, de sorte que les solutions finalement adoptées soient cohérentes. Cette coordination doit aussi se faire à l’aune des règles et des pratiques adoptées au niveau européen ou dans les autres Etats (l’utilisation des TIC dépassant généralement les frontières) et dans les entités fédérées. Celles-ci poursuivent aussi des politiques dans le domaine de l’e-gouvernement notamment et il serait pour le moins incompréhensible de disperser inutilement les moyens ou de prendre des règles différentes sans justification raisonnable.
 

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