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A quelques mois de la transposition de la directive, analyse du cadre juridique européen de la facture électronique

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En août 1999, la Commission européenne diffusait un état des lieux effrayant des pratiques nationales relatives à la facture électronique : certains pays interdisaient la facture électronique (Grèce et Portugal) ; l’Allemagne l’autorisait si elle était doublée d’un envoi papier ; certains pays (Belgique, Italie, Allemagne, Autriche) encadraient cette pratique par voie administrative souple mais…

En août 1999, la Commission européenne diffusait un état des lieux effrayant des pratiques nationales relatives à la facture électronique :

  1. certains pays interdisaient la facture électronique (Grèce et Portugal) ;

  2. l’Allemagne l’autorisait si elle était doublée d’un envoi papier ;

  3. certains pays (Belgique, Italie, Allemagne, Autriche) encadraient cette pratique par voie administrative souple mais risquant de créer des discriminations, là où d’autres (France notamment) avaient choisi la voie législative plus rigide mais aussi plus transparente ;

  4. les pays autorisant la facture électronique étaient divisés en trois camps : d’une part, ceux prévoyant une autorisation préalable (contrôle a priori comme en Belgique), d’autre part, ceux ayant adopté une déclaration préalable (contrôle a posteriori comme en France), et enfin ceux n’exigeant aucune formalité spécifique (Suède par exemple).

Devant tant de divergences, une directive était inévitable ; elle a été adoptée le 20 décembre 2001 et doit être transposée avec effet au 1er janvier 2004. Il nous a semblé intéressant, à un an de l’échéance, d’en dresser un rapide contour.

La sous-traitance et l’autofacturation

L’assujetti est tenu de s’assurer qu’une facture est émise, par lui-même, par son client ou, en son nom et pour son compte, par un tiers. Le texte européen introduit donc à la fois la sous-traitance et l’autofacturation. Cette dernière technique présente un intérêt pratique évident mais elle est dangereuse pour l’administration puisque le détenteur du droit à déduction de la TVA est aussi la personne qui provoque l’émission de la facture, avec le risque d’une surfacturation. Le risque est d’autant plus grand dans les opérations intracommunautaires car le client est alors en même temps le redevable de la taxe. Le législateur européen a toutefois estimé que les intérêts du système prévalent sur les risques d’abus.

Trois contraintes importantes doivent néanmoins être précisées :

  1. primo, quelle que soit la personne qui procède effectivement à la création de la facture, c’est toujours l’assujetti qui est responsable de l’opération et répond de toute irrégularité ;

  2. secundo, l’auto-facturation est conditionnée à l’existence d’un accord préalable entre les deux parties, et nécessite que chaque facture fasse l’objet d’une procédure d’acceptation par l’assujetti ;

  3. tertio, en cas d’autofacturation, les États membres peuvent imposer d’autres conditions (par exemple, exiger que les factures soient émises au nom et pour le compte de l’assujetti), sous réserve de traiter tout le monde de la même manière, quel que soit le lieu d’établissement du client.

Le contenu de la facture

Le contenu a été harmonisé ; nous renvoyons sur ce point à l’énumération qui figure dans la directive. Exceptionnellement et moyennant le respect de plusieurs conditions, les États membres peuvent prévoir un régime simplifié lorsque le montant de la facture est peu élevé, ou lorsque les pratiques commerciales ou administratives du secteur d’activité concerné ou les conditions techniques d’émission de ces factures, rendent difficile le respect de toutes les obligations théoriquement prévues. Précisons que cette harmonisation n’interdit aucunement de faire figurer d’autres mentions souhaitées par les opérateurs eux-mêmes, notamment dans les cas où le client aurait besoin d’informations supplémentaires.

Une fois n’est pas coutume, la facture électronique a reçu un traitement de faveur puisque dans le cas de lots comprenant plusieurs factures transmises par cette voie au même destinataire, les mentions communes aux différentes factures peuvent être mentionnées une seule fois dans la mesure où, pour chaque facture, la totalité de l’information est accessible.

La directive précise expressément que les États membres « n’imposent pas » [lire : ne peuvent pas imposer] la signature des factures. Nous verrons ci-après que cette précision entraîne quelques incertitudes.

La consécration de la facture électronique

La directive pose pour principe que les factures peuvent être transmises sur un support papier ou, sous réserve de l’acceptation du destinataire, par voie électronique. L’acceptation du destinataire est donc une condition sine qua non. Dans la première proposition, le texte initial ne prévoyait qu’une obligation d’information préalable ; le dispositif a été expressément renforcé.

Les États membres ne peuvent imposer aucune autre obligation ou formalité relative à l’utilisation d’un système de transmission de factures par voie électronique. Ils peuvent toutefois, jusqu’au 31 décembre 2005, prévoir que l’utilisation dudit système fait l’objet d’une notification préalable. En d’autres termes, dès l’entrée en vigueur de la directive, les systèmes d’autorisations préalables (la Belgique notamment) doivent être levés ou à tout le moins être remplacés par une procédure de notification préalable. Après le 31 décembre 2005, toute notification préalable devra être supprimée. Il nous semble que cette disposition très claire devrait recevoir un effet direct en cas de retard de transposition.

Conformément au principe dit de « fiabilité », les factures électroniques sont acceptées par les États membres à condition que l’authenticité de leur origine et l’intégrité de leur contenu soient garanties. La directive précise que ces deux conditions sont satisfaites :

  1. soit, au moyen d’une signature électronique avancée, étant entendu que les États peuvent, toutefois, demander que la signature électronique avancée soit basée sur un certificat qualifié et qu’elle soit créée par un dispositif sécurisé de création de signature) ;
  2. soit, au moyen d’un échange de données informatisées (EDI), lorsque l’accord relatif à cet échange prévoit l’utilisation de procédures garantissant l’authenticité de l’origine et l’intégrité des données. Les États membres peuvent toutefois, sous réserve de conditions qu’ils fixent, exiger qu’un document récapitulatif supplémentaire soit transmis sur papier ;
  3. soit, selon d’autres méthodes, sous réserve de leur acceptation par le ou les États membres concernés.

Le premier terme de l’alternative nécessite un court détour par le cadre juridique des signatures électroniques, que nous avons déjà analysé en détail lors d’une précédente chronique à laquelle nous renvoyons (références). En réalité, il n’y a pas une mais deux signatures électroniques, la seconde étant elle-même subdivisée en deux branches, ce qui fait un total de trois possibilités que nous appellerons respectivement, par un abus de langage, les signatures « simple », « avancée » et « parfaite ». La première requiert une infrastructure moins lourde que la seconde, qui est elle-même plus accessible que la troisième. Assez logiquement, les effets juridiques qui s’y attachent suivent la même progression. Revenant à la facture électronique, nous pouvons donc écrire que la première manière de satisfaire au critère de fiabilité consiste à signer à l’aide d’une signature « avancée », mais que les États membres sont libres d’adopter une ligne plus dure en exigeant une signature électronique « parfaite ».

Signer ou ne pas signer, telle est la question …

La directive semble à première vue entachée d’une incohérence : d’une part, elle interdit expressément aux Etats de prévoir une obligation de signature de la facture, mais d’autre part elle prévoit qu’une des possibilités de rencontrer l’exigence de fiabilité des factures électroniques consiste à utiliser … une signature électronique. Cette apparente contradiction a soulevé de vifs débats. En fin de compte, la facture électronique doit-elle ou non être signée ?

On se rappellera tout d’abord que la signature électronique, avancée ou parfaite, n’est qu’une possibilité de satisfaire au critère de fiabilité, l’accord EDI étant l’autre option. Cette justification est toutefois peu convaincante car la signature électronique a pour vocation de devenir la règle, dans la mesure où l’accord EDI nécessite une infrastructure plus lourde qui le met hors de portée de la plupart des utilisateurs. On se rappellera ensuite que la directive ouvre une troisième voie (les autres méthodes que les Etats peuvent valider). La solution est plus prometteuse. Des opérateurs privés ont ainsi développé des systèmes sécurisés d’ores et déjà reconnus par l’administration dont tous leurs clients bénéficient (le réseau interbancaire http://www.isabel.be est un exemple ).

Il reste qu’à défaut d’accord EDI ou de troisième voie, les factures électroniques devront être signées. Dans quel but ? Les travaux préparatoires de la directive apportent la réponse suivante : « il est exclu que les Etats membres puissent imposer des conditions relatives à la signature des factures, à l’exception de l’exigence visée au point c) [NDR : critère de fiabilité] et dont la seule ambition est d’assurer la sécurité technique de la facturation électronique. La signature n’est en effet pas nécessaire à la facturation en tant qu’outil juridique ».

Sur le plan de l’orthodoxie juridique, le choix qui a été opéré est sans aucun doute malheureux. En effet, conformément à la législation sur la signature électronique, le document électronique signé grâce à une signature « avancée » ne peut pas souffrir de discrimination par rapport au papier pour la seule raison qu’il est électronique, et la signature électronique « parfaite » induit une assimilation pure et simple au papier. La directive sur la facture électronique introduit donc en quelque sorte une exception à cette législation puisque les signatures avancées et parfaites n’y ont plus tout à fait la même portée. Au-delà de ces considérations juridiques, ce sont surtout les conséquences pratiques qui inquiètent. Deux cas de figures risquent principalement de se présenter :

  1. une partie a signé électroniquement la facture et le juge, écartant la finalité de cette signature telle qu’elle ressort de la directive TVA et faisant une application stricte de la législation sur les signatures électroniques, y voit in casu une signature manuscrite pure et simple. En ce cas, le débat se déplace vers le droit commercial et revient à s’interroger sur la signification de la signature d’une facture par son émetteur. Dans plusieurs Etats européens, il existe un risque que le juge y voit la preuve du paiement, même en l’absence de la mention « pour acquit », et libère le débiteur – appréciation erronée à notre estime mais dont le risque est réel en fonction du pays et de la jurisprudence locale ;
  2. une partie n’a pas signé électroniquement la facture électronique adressée au débiteur. Dans ce cas, il nous paraît que l’opération sous-jacente n’est pas remise en cause, le manquement purement formel étant lié au choix du mode de transmission de la facture. L’envoi d’un duplicata sur support papier, ou par voie électronique mais cette fois dûment signé, devrait suffire à réparer l’incident. La question de savoir si l’exigibilité de la facture est suspendue dans l’intervalle, relève du droit commercial et de la jurisprudence locale.

En définitive, cette épineuse question trouvera vraisemblablement réponse avec le développement de nouveaux outils techniques. La directive impose à la Commission de présenter, au plus tard le 31 décembre 2008, un rapport accompagné, le cas échéant, d’une proposition modifiant les conditions applicables à la facturation électronique afin de tenir compte de l’évolution technologique future dans ce domaine.

Le stockage des factures

A l’idée de « conservation d’une copie », la directive a heureusement préféré la notion de « stockage ». Tout assujetti doit veiller à ce que soient stockées des copies des factures émises et reçues. Les États membres peuvent, dans les conditions qu’ils fixent, prévoir une obligation de stockage des factures reçues par des personnes non assujetties.

Le lieu du stockage est libre ; l’assujetti peut le déterminer librement, à condition de mettre à la disposition des autorités compétentes, sans retard indu, à toute réquisition de leur part, toutes les factures ou informations ainsi stockées. Les États membres peuvent, toutefois, imposer aux assujettis établis sur leur territoire l’obligation de déclarer le lieu de stockage lorsque celui-ci est situé en dehors du territoire. Les États membres peuvent, en outre, imposer un stockage sur leur territoire lorsque celui-ci n’est pas effectué par une voie électronique garantissant un accès complet et en ligne aux données concernées ; tel est notamment le cas de la facture sur support papier.

Afin de faciliter les contrôles, lorsqu’un assujetti stocke les factures qu’il émet ou qu’il reçoit par une voie électronique garantissant un accès en ligne aux données, et que le lieu de stockage est situé dans un État membre autre que celui dans lequel il est établi, les autorités compétentes de l’État membre dans lequel il est établi ont, aux fins de la directive, un droit d’accès par voie électronique, de téléchargement et d’utilisation en ce qui concerne ces factures, dans les limites fixées par la réglementation de l’État membre d’établissement de l’assujetti et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins du contrôle.

Le stockage est entouré de contraintes taillées sur mesure pour la facture électronique. L’authenticité de l’origine et l’intégrité du contenu des factures, ainsi que leur lisibilité, doivent être assurées durant toute la période de stockage. Pour cela, les États membres peuvent imposer que les factures soient stockées sous la forme originale, papier ou électronique, sous laquelle elles ont été transmises. Ils peuvent également imposer que, lorsque les factures sont stockées par voie électronique, les données garantissant l’authenticité de l’origine et l’intégrité du contenu de chaque facture soient également stockées. Lorsqu’une signature électronique a été utilisée, ces contraintes requerront non seulement le stockage de la signature, mais aussi la conservation de ce que l’on appelle les données afférentes à la vérification de la signature, car sans celles-ci la lisibilité est impossible. Lorsqu’un Etat fait choix de la troisième voie pour agréer un système alternatif garantissant la fiabilité de la facture électronique, il doit pareillement veiller à ce que les données que les factures contiennent ne puissent être modifiées et restent lisibles durant la période de stockage.

On le voit, la volonté du texte est d’aboutir à une harmonisation poussée. C’est du reste pour ce motif qu’elle précise que les Etats ne peuvent pas utiliser la disposition générale anti-fraude (la directive prévoit la possibilité d’ajouter des obligations supplémentaires aux règles de facturation pour assurer l’exacte perception de la TVA ou éviter la fraude) pour imposer par ce biais des obligations supplémentaires au régime harmonisé ainsi créé.

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