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Proposition de loi visant à modifier la loi sur les jeux de hasard (… ou de la suractivité du législateur)

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Une proposition de loi visant à modifier la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard a récemment été déposé à la Chambre des Représentantsde Belgique. Son but est d’interdire l’organisation des jeux de hasard sur Internet. Non seulement cette proposition est-elle superflue, mais elle risque aussi de créer de nouvelles incertitudes juridiques…

Une proposition de loi visant à modifier la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard a récemment été déposé à la Chambre des Représentantsde Belgique. Son but est d’interdire l’organisation des jeux de hasard sur Internet.

Non seulement cette proposition est-elle superflue, mais elle risque aussi de créer de nouvelles incertitudes juridiques n’existant pas auparavant. Avant d’expliciter cette position, examinons la portée actuelle de la loi sur les jeux de hasard (Moniteur Belge 30 décembre 1999).

PORTEE ACTUELLE DE LA LOI

La loi définit le jeu de hasard comme « tout jeu ou pari pour lequel un enjeu de nature quelconque est engagé, ayant pour conséquence soit la perte de l’enjeu par au moins un des joueurs ou des parieurs, soit le gain de quelque nature qu’il soit, au profit d’au moins un des joueurs, parieurs ou organisateurs du jeu ou du pari et pour lequel le hasard est un élément, même accessoire, pour le déroulement du jeu, la détermination du vainqueur ou la fixation du gain » (art. 2, 1°). Ensuite, la loi définit les établissement de jeux de hasard comme « les bâtiments ou les lieux où sont exploités un ou plusieurs jeux de hasard » (art. 2, 3°).

Dans l’art. 4, il est énoncé clairement qu' »il est interdit d’exploiter, en quelque lieu, sous quelque forme et de quelque manière directe ou indirecte que ce soit, un ou plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard autres que ceux autorisés conformément à la présente loi. Nul ne peut exploiter un ou plusieurs jeux de hasard ou établissements de jeux de hasard sans licence écrite préalablement octroyée par la commission des jeux de hasard ». Les établissements où, moyennant l’octroi préalable d’une licence, des jeux peuvent être organisés sont (i) les casinos, (ii) les salles de jeux automatiques et (iii) les débits de boissons.

Que veut dire tout ceci pour l’organisation de jeux de hasard « interactifs » sur Internet? A cet égard, le texte de la loi (« sous quelque forme que ce soit ») nous paraît parfaitement clair: vu qu’il n’existe à ce jour aucune licence permettant une pareille organisation, elle est formellement interdite. Dans cette même rubrique, d’autres auteurs sont d’ailleurs déjà arrivés (implicitement) à la même conclusion en matière de jeux organisés par SMS (voir notre actualité du 13 mai 2002).

D’aucuns estiment pourtant que la loi contient une faille en ce qu’elle permettrait aux détenteurs d’une licence d’offrir accès à des jeux virtuels autorisés dans les établissements qu’ils exploitent (Note du Ministre de la Justice, Doc. Parl. Chambre, sess. ord. 2000/2001, n° 1339/9, p. 44). A cet effet, on tire argument de l’art. 6 de la loi sur les jeux de hasard : « Les établissements de jeux de hasard sont répartis en trois classes (…), selon la nature et le nombre de jeux de hasard (…) et la nature des activités connexes autorisées dans les établissements respectifs.

Cet argument nous convainc guère. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 7 mai 1999 que le législateur entendait tout à fait autre chose par le terme « activité connexe » : ainsi par exemple, dans les salles de jeux automatiques, aucune activité connexe n’est permise, tandis que dans les casinos, des activités socio-culturelles telles que des expositions ou des congrès peuvent être organisées (Doc. Parl. Sénat, sess. ord. 1997/1998, n° 419/7, p. 17). Seules les activités connexes explicitement admises dans la loi sur les jeux de hasard peuvent être organisées. La traduction du terme “activité connexe” en néerlandais (“nevenactiviteiten”) indique une fois de plus que l’art. 6 a trait à des activités accessoires au phénomène des jeux. Or, on ne peut raisonnablement soutenir que l’organisation de jeux de hasard par l’Internet est une activité accessoire à… l’organisation de jeux de hasard!

La conclusion générale est donc que la loi du 7 mai 1999 ne permet pas, dans sa version actuelle, l’organisation de jeux de hasard au moyen des nouvelles technologies de communication, que ce soit par Internet, par SMS, WAP ou télévision digitale.

PORTEE DE LA PROPOSITION

La proposition de loi déposée le 11 juillet à la Chambre des Représentants ne partage pas notre point de vue élaboré ci-dessus. En effet, elle vise à redéfinir le concept d' »établissement de jeux de hasard », qui recouvrait dorénavant « les bâtiments, les lieux ou les sites informatiques » où un ou plusieurs jeux de hasard sont organisés. Un site informatique serait ensuite défini comme « un ensemble de pages informatiques accessibles via un réseau de télécommunication interne ou externe sur un serveur identifié par une adresse ». La proposition semble donc inspirée par la crainte – non fondée – que la loi sur les jeux de hasard n’interdirait pas l’organisation de jeux de hasard par Internet.

CRITIQUES

Nos critiques envers cette proposition de loi sont les suivantes:

  1. Nous voyons mal pourquoi un texte légal formulé de façon « technologiquement neutre » – et donc à portée générale – devrait tout à coup être modifié.

  2. De plus, la proposition de loi témoigne d’une certaine ignorance par rapport au phénomène de l’Internet. En effet, quid par exemple des jeux de hasard qui seraient organisés dans le futur à travers un système P2P (« peer to peer »), où l’on ne peut parler d’une accessibilité de « pages » informatiques proprement dites? Ces jeux seraient-ils tout à coup admis?

  3. Finalement – et cette critique nous semble la plus fondamentale -, ne risque-t-on pas de mettre la porte grande ouverte aux opérateurs de jeux de hasard illégaux utilisant d’autres nouvelles technologies de communication (SMS, télévision digitale, etc.), qui pourront tirer argument de la modification envisagée, en soutenant que la loi sur les jeux de hasard ne prévoit pas d’interdiction explicite à leur égard et, partant, que leurs activités ne sont pas interdites?

CONCLUSION

En guise de conclusion, nous invitons le législateur à ne plus faire preuve de suractivité en cette matière, mais d’initier une réflexion approfondie sur le phénomène des contenus illégaux sur l’Internet et sur la façon dont ces contenus peuvent être combattus efficacement. De plus, à supposer que la proposition de loi discutée ci-dessus soit nécessaire, à quoi sert-elle à une époque où la Computer Crimes Unit féderale (CCU) ne fait pas une priorité des poursuites contre les casinos virtuels, en raison de ses ressources financières extrèmement limitées ?

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