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Pour la Cour de Justice, le droit européen permet aux collectivités locales de taxer les antennes de téléphonie mobile

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Mauvaise surprise pour les opérateurs de téléphonie mobile : la cour de justice des communautés européennes a rendu ce 8 septembre un arrêt selon lequel le droit européen ne s’oppose pas à ce qu’un Etat ou une collectivité locale instaure une taxe sur les antennes-relais de téléphonie mobile. L’enjeu financier est important. Du côté des…

Mauvaise surprise pour les opérateurs de téléphonie mobile : la cour de justice des communautés européennes a rendu ce 8 septembre un arrêt selon lequel le droit européen ne s’oppose pas à ce qu’un Etat ou une collectivité locale instaure une taxe sur les antennes-relais de téléphonie mobile. L’enjeu financier est important. Du côté des collectivités locales, les taxes peuvent aller jusqu’à 2.500 € par pylône installé. Pour certaines communes, l’équilibre financier est à ce prix, et celles qui n’ont pas encore créé cette taxe risquent d’y être encouragées par ce récent arrêt. Du côté des opérateurs l’enjeu est tout aussi important, puisque dans un pays de petite taille comme la Belgique, les opérateurs comptent chacu entre 2.500 et 4.000 relais, à multiplier par le nombre d’opérateurs…

Petit bémol toutefois.

La cour était saisie dans le cadre bien précis d’une question préjudicielle émanant du conseil d’État belge, et c’est donc à cette juridiction qu’il appartient, au cas par cas, de confirmer ou d’infirmer la légalité du règlement communal contesté. Il n’est donc pas question d’interpréter l’arrêt de la cour de justice comme un blanc-seing donné aux communes. La cour se limite à vérifier la légalité par rapport au droit européen ; chaque collectivité locale doit ensuite adopter un règlement conforme à la législation nationale. Un des arguments invoqués sur le plan national/local par les opérateurs est la discrimination : pourquoi les communes demandent-elles une taxe sur les relais-GSM alors qu’elles n’en prélèvent pas sur les éoliennes ou sur les pylônes électriques par exemple ? Le conseil d’Etat tranchera.

Historique du dossier

La cour était saisie de deux affaires qui ont été jointes.

  1. Le conseil communal de Fléron a adopté, en sa séance du 27 janvier 1998, un règlement-taxe sur les pylônes, mâts et antennes de diffusion pour GSM. L’imposition était établie à partir du 1er janvier 1998, pour une période de trois ans expirant le 31 décembre 2000. La taxe s’élevait à environ 2.500 € par pylône, mât ou antenne et était due par le propriétaire de ceux-ci. Le 12 avril 1999, Mobistar, membre du groupe France Telecom, a demandé l’annulation dudit règlement-taxe auprès du Conseil d’État.

    Parmi les moyens d’annulation présentés à l’appui de son recours, Mobistar faisait valoir que ce règlement-taxe attaqué constitue une restriction au développement de son réseau de mobilophonie, restriction interdite par l’article 3 quater de la directive 90/388.

    Considérant, d’une part, qu’il n’était pas en mesure de se prononcer sur le bien-fondé de ce moyen sans faire application d’une norme de droit communautaire soulevant un problème d’interprétation et, d’autre part, que la compatibilité de la taxe contestée avec l’article 49 CE pose également problème, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour une question préjudicielle.

  2. Dans la deuxième affaire, le conseil communal de Schaerbeek a adopté, en sa séance du 8 octobre 1997, un règlement-taxe relatif à la taxe sur les antennes extérieures, modifiant un règlement-taxe relatif aux antennes paraboliques, précédemment adopté par ce même conseil communal. Une imposition annuelle sur les antennes extérieures était établie pour les exercices 1997 à 1999. Par antenne extérieure, il fallait entendre non seulement les antennes paraboliques, mais aussi les antennes relais GSM ou autres. Le montant de la taxe était fixé à environ 2.500 € par antenne relais GSM et à environ 125 € par antenne parabolique ou autre. Le 19 décembre 1997, Belgacom Mobile a demandé l’annulation dudit règlement-taxe auprès du Conseil d’État. L’un des moyens présentés à l’appui de la requête est pris de la violation des dispositions communautaires relatives à l’instauration d’un réseau de mobilophonie de qualité et dispensé de restriction, notamment l’article 3 quater de la directive 90/388.

Les questions préjudicielles

Dans les deux affaires, de questions préjudicielles identiques ont été posées par le conseil d’État :

1) L’article 49 [CE] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une réglementation d’une autorité nationale ou d’une collectivité locale instaure une taxe sur les infrastructures de communications mobiles et personnelles utilisées dans le cadre de l’exploitation des activités couvertes par les licences et autorisations?

2) L’article 3 quater de la directive 90/388 […], en tant que cet article vise la levée de ‘toutes les restrictions’, s’oppose-t-il à ce qu’une réglementation d’une autorité nationale ou d’une collectivité locale instaure une taxe sur les infrastructures de communications mobiles et personnelles utilisées dans le cadre de l’exploitation des activités couvertes par les licences et autorisations?

L’arrêt rendu

  1. La première question préjudicielle

    La cour commence par rappeler que même en droit fiscal, le droit européen peut intervenir de manière déterminante : « Si, en l’état actuel du droit communautaire, la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle du domaine de la compétence de la Communauté, il n’en reste pas moins que les États membres doivent exercer leurs compétences retenues dans le respect du droit communautaire (voir arrêts du 14 février 1995, Schumacker, C‑279/93, Rec. p. I-225, point 21; du 21 novembre 2002, X et Y, C-436/00, Rec. p. I-10829, point 32, et du 11 mars 2004, De Lasteyrie du Saillant, C‑9/02, Rec. p. I-2409, point 44 ».

    La cour analyse ensuite la portée exacte de l’article 59, et raisonne en deux temps :

    • D’une part, elle souligne que l’article 59 s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre (arrêt De Coster, précité, point 30 et jurisprudence citée, ainsi que point 39).

    • Mais d’autre part, elle rappelle que ne sont pas visées à l’article 59 du traité des mesures dont le seul effet est d’engendrer des coûts supplémentaires pour la prestation en cause et qui affectent de la même manière la prestation de services entre États membres et celle interne à un État membre.

    Appliquant ce raisonnement au cas d’espèce, les juges luxembourgeois relèvent que les taxes litigieuses sont indistinctement applicables à tous les propriétaires des installations de téléphonie mobile sur le territoire de la commune concernée et que les opérateurs étrangers ne sont pas, ni en fait ni en droit, plus lourdement affectés par ces mesures que les opérateurs nationaux.

    Ils estiment aussi que les mesures d’imposition en cause ne rendent pas non plus la prestation de services transfrontalière plus difficile que la prestation de services interne. Sur ce point précis, les juges répondent à l’argument du roaming :

    Certes, l’instauration d’une taxe sur les pylônes, mats et antennes peut rendre plus chers les tarifs des communications par téléphone mobile depuis l’étranger vers la Belgique et inversement. Toutefois, les prestations de services téléphoniques internes sont, dans la même mesure, soumises au risque d’une répercussion de la taxe sur les tarifs.

    En conclusion, la cour répond à la première question préjudicielle comme suit :

    L’article 59 du traité doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation d’une autorité nationale ou d’une collectivité locale instaure une taxe sur les infrastructures de communications mobiles et personnelles utilisées dans le cadre de l’exploitation des activités couvertes par les licences et autorisations qui est indistinctement applicable aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres et affecte de la même manière la prestation de services interne à un État membre et la prestation de services entre États membres.

  2. La seconde question préjudicielle

    Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si des mesures d’ordre fiscal s’appliquant à des infrastructures de communications mobiles relèvent de l’article 3 quater de la directive 90/388.

    Dans sa version initiale, la directive 90/388 prévoyait l’abolition de droits spéciaux ou exclusifs accordés par les États membres pour fournir des services de télécommunications, mais n’incluait pas les services de communications mobiles dans son champ d’application. Afin d’étendre sa portée aux communications mobiles et personnelles, elle a été modifiée par la directive 96/2.

    La directive 96/2 est fondée sur l’article 90, paragraphe 3, du traité CE. Il s’ensuit que l’article 3 quater de la directive 90/388 n’est applicable qu’à des restrictions incompatibles avec l’article 90 du traité.

    Selon le seizième considérant de la directive 96/2, celle-ci a été adoptée en vue d’une situation où la concurrence en matière de fourniture de services vocaux mobiles était empêchée parce que les organismes de télécommunications étaient incapables de satisfaire la demande de l’opérateur mobile en infrastructures et que la plupart des États membres ont maintenu des droits exclusifs en faveur de ces organismes. Partant du constat que la restriction à la fourniture et à l’utilisation d’une infrastructure constitue une infraction à l’article 90 du traité CE en liaison avec l’article 86 du traité CE, la Commission a conclu que les États membres doivent abolir ces restrictions et accorder, sur demande, aux opérateurs mobiles concernés l’accès sur une base non discriminatoire aux ressources rares nécessaires pour établir leur propre infrastructure

    Pour la cour, il en découle que les restrictions visées à l’article 3 quater de la directive 90/388 sont caractérisées, d’une part, par leur lien avec les droits exclusifs et spéciaux des opérateurs historiques et, d’autre part, par le fait qu’on puisse y remédier par un accès sur une base non discriminatoire aux ressources rares nécessaires.

    Les juges luxembourgeois en déduisent que ne sont pas visées à l’article 3 quater de la directive 90/388 des mesures nationales qui sont indistinctement applicables à tous les opérateurs de téléphonie mobile et qui ne favorisent pas, directement ou indirectement, les opérateurs disposant ou ayant disposé de droits spéciaux ou exclusifs au détriment des nouveaux opérateurs placés dans une position concurrentielle.

    La cour de justice répondons que comme suit à la deuxième question préjudicielle :

    Des mesures d’ordre fiscal s’appliquant à des infrastructures de communications mobiles ne relèvent pas de l’article 3 quater de la directive 90/388 sauf si ces mesures favorisent, directement ou indirectement, les opérateurs disposant ou ayant disposé de droits spéciaux ou exclusifs au détriment des nouveaux opérateurs et affectent d’une façon appréciable la situation concurrentielle.

Plus d’infos ?

En prenant connaissance des arrêts rendus, disponibles sur le site de la cour (affaires C-544/03 et C-545/03).

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