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Portails : services de recherche et risques juridiques (chronique « droit & multimedia » de L’Echo)

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Article paru dans L’Echo. le 19 octobre 2000, chronique « droit & multimédia ». Lorsqu’un site est créé, sa promotion doit être effectuée, afin d’en assurer la visibilité sur l’internet. Cette promotion passe notamment par le référencement du site dans les outils de recherche. L’on distingue parmi les outils de recherche, les moteurs de recherche, comme www.altavista.com,…

Article paru dans L’Echo. le 19 octobre 2000, chronique « droit & multimédia ».

Lorsqu’un site est créé, sa promotion doit être effectuée, afin d’en assurer la visibilité sur l’internet. Cette promotion passe notamment par le référencement du site dans les outils de recherche.

L’on distingue parmi les outils de recherche, les moteurs de recherche, comme www.altavista.com, des annuaires ou répertoires internet, tels que www.yahoo.fr ou www.advalvas.be.

Les moteurs de recherche

Un moteur de recherche est un logiciel d’exploration, appelé « robot », qui visite en continu les pages web et les indexe de manière automatique dans une base de données, en fonction des mots clés qu’ils contiennent. Lorsqu’une recherche est effectuée sur le site du moteur de recherche par la soumission d’un ou plusieurs mots clés, le site affiche en réponse une série de documents « hypertextualisés ». Pour chaque document sélectionné, un « score de pertinence » est établi, qui fait intervenir la fréquence d’occurrence des mots significatifs de la requête dans le document, leur proximité entre eux, leur présence dans le titre du document etc. Les facteurs qui influent le référencement dans les moteurs de recherche peuvent être multiples, les plus importants étant la présence des mots-clefs dans l’URL, c’est-à-dire l’adresse du site, dans le titre et le premier sous-titre ou paragraphe du site, ainsi que dans les metatags. Les metatags sont des mots cachés insérés dans les codes HTML d’un site. Les principaux moteurs de recherche utilisent ces metatags pour indexer les sites qu’ils visitent. Ainsi, si le propriétaire d’un site de vente de voitures de luxe souhaite que ses pages web soient référencées par les moteurs de recherche, reconnaissant les metatags, sous les mots clefs « vente voiture luxe », il lui suffira d’insérer ces mots dans ses codes HTML.

A côté des moteurs de recherche « généralistes », qui explorent et indexent tous les sites du réseau sans distinction et qui sont généralement intégrés à des portails « grand public », de plus en plus de moteurs spécialisés » font leur apparition (recherche de contenus juridiques, d’articles de presse en ligne, de fichiers MP3, d’images et photographies, de séquences vidéo etc.).

Les annuaires du web

Les annuaires ou répertoires sont des listes de sites disposées selon des catégories et des sous-catégories. Chaque site, pour figurer dans la base de données, doit préalablement s’enregistrer par le biais d’un formulaire, indiquant un titre, une courte description et des mots-clefs relatifs au document. Il ne s’agit donc pas d’une indexation automatique effectuée par un robot, mais d’un référencement humain et « volontaire » sollicité par le titulaire du site lui-même, et traité « manuellement » par l’annuaire. De nombreux répertoires proposent également des robots, permettant une recherche par mots-clefs dans les sites repris dans l’annuaire ou sur tout le web, voire les deux.

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous allons examiner quelques cas de mise en cause possible de la responsabilité de ces outils de recherche.

Reproduction d’images et de photographies protégées par le droit d’auteur

Certains moteurs de recherche affichent, à la suite d’une requête par mots clés, des images et photographies, généralement en format réduit et disposées à l’écran en mosaïque. L’utilisateur peut également accéder, par un lien hypertexte, à l’image en taille réelle, accompagnée du titre et d’une courte description de l’oeuvre, certains moteurs permettant en outre un renvoi par hyperlien au site d’origine. A aucun moment de la procédure d’indexation, les titulaires de droits sur les oeuvres indexées ne sont invités à donner leur consentement.

Peu de temps après le lancement du premier moteur de ce type en octobre 1998 par le portail www.altavista.com (robot baptisé « AV Photo Finder », qui était disponible sur la page d’accueil du portail), des plaintes furent formulées par des auteurs de photographies reproduites à leur insu dans la base de données du robot.

Une première décision fut rendue aux États-Unis dans une affaire mettant en cause un autre moteur de recherche « graphique » (www.ditto.com). Par arrêt du 15 décembre 1999, la Cour fédérale du District Central de Californie a jugé que la reproduction et l’utilisation par le moteur de recherche d’images de sites référencés sous forme d’ « imagettes » étaient couvertes par l’exception de fair use du Copyrigt Act 1976.

La doctrine du fair use est propre au droit américain, et n’est pas transposable en tant que telle en droit belge, qui ne connaît que l’institution, moins souple, du droit de citation consacré à l’article 21 de la loi belge du 30 juin 1994.

Les conditions du droit de citation ne seront généralement pas réunies, le moteur de recherche poursuivant un but essentiellement lucratif.

En outre, une telle exploitation est souvent propice aux atteintes au droit moral des auteurs à l’intégrité de leurs oeuvres. En effet, les images et photographies sont affichées par le moteur de recherche dans un format réduit et de mauvaise qualité, et sont disposées en mosaïque, de sorte que des oeuvres parfois très différentes sont « associées », par le seul fait que le robot les identifie automatiquement par les mêmes mots clés.

En fonction des recherches effectuées, de telles associations peuvent s’avérer indubitablement préjudiciables à l’honneur et la réputation d’un auteur, qui verra, par exemple, sa photographie d’un nu, extraite par le robot d’un catalogue d’une galerie d’art en ligne, affichée à côté de dizaines d’images pornographiques, le mot clé introduit par l’utilisateur étant à connotation sexuelle….

La « vente » de mots clés

A l’instar des noms de domaine, les mots clés sont devenus un enjeu économique majeur de l’internet. C’est ainsi que certains moteurs de recherche « vendent » des mots clés ou font payer l’ordre d’affichage des sites en fonction du mot clé convoité, parfois en recourant à des enchères en ligne. Les navigateurs internet eux-mêmes se transforment en moteur de recherche simplifié : l’internaute introduit un mot clé dans la fenêtre de navigation et est « dirigé » vers un site web préalablement sélectionné par le navigateur.

Des mots clés sont même réservés, contre rémunération, à des sites web de sorte que l’internaute qui effectue une recherche à l’aide de ces mots clés voie apparaître une bannière publicitaire en rapport avec les produits ou services des sites web ayant contracté avec la société gestionnaire du moteur de recherche. Ainsi, en tapant BMW dans les principaux moteurs de recherche américains, l’on obtient automatiquement une bannière publicitaire renvoyant au site américain de BMW (www.bmwusa.com).

La réservation de mots clés pose d’épineux problèmes juridiques, notamment lorsque les mots clés réservés correspondent à des marques, noms commerciaux ou dénominations sociales d’autrui.

Des juges étrangers ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur ce genre de pratique.

Un arrêt du 27 juillet 1999 de la Cour fédérale du District Central de Californie a débouté Playboy de sa demande d’interdire au moteur de recherche Excite (www.excite.com) l’usage de sa marque comme mot clé associé à une bannière publicitaire d’un site érotique concurrent, au motif que « Playboy » était devenu un terme générique sur l’internet. Selon cette Cour, la plupart des internautes cherchant de l’information sur des sites à caractère sexuel utiliseraient Playboy comme mot clé, et non comme marque distinguant les produits de Playboy. Autrement dit, la marque Playboy aurait perdu son caractère distinctif dans le cas de recherches d’informations sur le réseau en relation avec le monde du sexe et de l’érotisme.

En sens contraire, en Allemagne, la Cour de District de Hambourg a ordonné le 26 février 2000 au même moteur de recherche Excite et à la société iBeauty (anciennement The Fragrance Counter Inc.), de cesser d’afficher une bannière publicitaire renvoyant au site de vente en ligne de parfums de cette société lorsque son apparition est conditionnée par l’utilisation des mots « Estee Lauder », « Clinique », et « Origins » correspondant à des marques de la société concurrente Estee Lauder Companies Inc. Il est vrai qu’il ne pouvait être question de marques devenues « génériques ».

La responsabilité du fait du contenu illicite ou préjudiciable des sites référencés

Dans quelle mesure les fournisseurs d’outils de recherche sont-ils responsables, pénalement ou civilement, du contenu illicite ou préjudiciable des sites qu’ils référencent ?

Les moteurs de recherche utilisent des techniques d’indexation automatisées, sans intervention humaine. L’information répertoriée fait parfois l’objet des deux modes de contrôle suivants : l’un intervient à titre préventif, par l’emploi de techniques automatiques de filtrage, excluant en général les sites ou les pages web qui contiennent des mots-clefs « offensants », et l’autre a posteriori, par des « dénonciations » émanant d’usagers du réseau.

Certains moteurs permettent d’effectuer de telles dénonciations en ligne par des fenêtres spéciales de soumission. La plupart des moteurs de recherche offrent désormais une possibilité de filtrage, laquelle est facultative, l’internaute pouvant opter pour le mode non filtré. De plus, ces techniques de filtrage ne sont pas infaillibles, dans la mesure où un site peut avoir un contenu illégal sans qu’aucun mot repris sur la liste noire du robot ne s’y retrouve. Inversement, il ne serait pas impossible qu’un site parfaitement licite soit exclu de l’indexation filtrée parce qu’il contiendrait des mots « interdits » pour le robot.

Afin d’illustrer la problématique, nous prendrons l’exemple suivant : un site luttant contre les thèses révisionnistes introduit le mot-clef « révisionnisme » dans un moteur de recherche. Celui-ci affiche, à côté de l’adresse du site demandeur des titres et des hyperliens de sites prônant le révisionnisme. Non seulement le premier site pourrait décider d’engager la responsabilité quasi-délictuelle du moteur de recherche pour avoir créé une association déshonorante, mais encore les autorités judiciaires pourraient-elles considérer qu’il s’agit là d’une complicité dans la commission des infractions réprimant la propagation du révisionnisme.

Cette exemple montre à quel point la question de la responsabilité des moteurs de recherche est proche de celle des fournisseurs d’hébergement visée par la directive européenne sur le commerce électronique, et que nous avons déjà commentée dans une précédente chronique (« Quelle responsabilité pour les fournisseurs d’hébergement ? », L’Echo ; 15 juin 2000).

Pour rappel, la directive européenne sur le commerce électronique n’institue un régime d’irresponsabilité conditionnelle des intermédiaires techniques du réseau qu’en faveur des fournisseurs d’accès, d’infrastructure, de services de caching, et d’hébergement. Aucun régime analogue n’a été prévu pour les outils de recherche, contrairement à une loi fédérale américaine dont la Commission européenne s’est directement s’inspirée (Digital Millennium Copyright Act). Toutefois, conscient de son importance, le législateur européen a chargé la Commission de présenter un rapport, avant le 17 juillet 2003, sur la nécessité de présenter des propositions relatives à la responsabilité des « services de moteur de recherche ».

En attendant l’adoption (lointaine) d’un tel régime spécifique, ll nous semble toutefois qu’une analogie pourrait être faite utilement avec le régime de responsabilité des hébergeurs.

Ainsi, si l’illicéité du site référencé ne fait raisonnablement aucun doute (par exemple un site proposant de la pornographie enfantine), le site devra être supprimé. Si, en revanche, l’illégalité du site ne peut être déterminée avec suffisamment de certitude qu’après un examen approfondi des droits en présence (propriété intellectuelle, atteinte au droit à l’image, propos diffamatoires etc.), le responsable du moteur de recherche, qui ne peut s’ériger en juge, ne devrait être amené à supprimer le site ou à le suspendre que s’il est requis de le faire par les autorités judiciaires dûment habilitées.

Dans l’hypothèse où il est requis directement par la prétendue victime ou son ayant droit, le problème est plus délicat. Si, un moteur de recherche est mis en demeure par un auteur de supprimer un site prétendument contrefaisant, et que l’opérateur de ce-dernier conteste avoir commis une contrefaçon, le moteur de recherche pourrait voir sa responsabilité engagée par le premier, pour avoir facilité la propagation d’une contrefaçon, ou par le second, pour avoir abusivement supprimé le référencement d’un site qu’il prétend légal. Par ailleurs, ce rôle de censeur privé s’accommode mal des principes fondamentaux de présomption d’innocence, liberté d’expression et compétence du pouvoir judiciaire pour rendre la justice.

Dans ces conditions, à l’instar du Digital Millenium Copyright Act américain, il conviendrait d’envisager la mise sur pied d’une procédure de notification et de contre-notification qui mette le fournisseur de moteur de recherche à l’abri de toute mise en cause de sa responsabilité par l’une ou l’autre des parties impliquées, tout en permettant à celles-ci de faire valoir leurs droits.

Une question demeure toutefois ouverte : le moteur de recherche pourrait-il se voir reprocher d’avoir d’indexé des sites illégaux par des mots aussi explicites que « révisionnisme », « pornographie enfantine » etc. ? Ne pourrait-on considérer dans ce cas que le moteur de recherche a la possibilité, comme tout usager du réseau, d’effectuer lui-même, et de manière préventive, une requête par ces mots-clefs pour vérifier dans quelle mesure ils correspondent à des sites illégaux ?

A propos de la responsabilité d’hébergeurs, dans une décision du 8 décembre 1999, disponible sur Juriscom.net, le tribunal de grande instance de Nanterre a relevé que : « les sites présumés illicites sont aisément détectables par le moyen d’un moteur de recherche basé sur des mots clés d’un nombre réduit évoquant l’univers de la nudité, la beauté, la célébrité, la féminité. » Il constate ensuite que les photographies de la plaignante (l’ex-mannequin Lynda Lacoste) ont été trouvées depuis le moteur de recherche Nomade sur les mots clés « célébrités françaises » et depuis l’annuaire Yahoo! sur les mots clés « Célébrités dénudées – photos, célébrités – photos sexe ».

Outre le fait que le monitoring par l’emploi de mots clés présumés correspondre à des sites illicites est très aléatoire, voire critiquable au regard de la liberté de communication et d’expression garantis par l’article 10.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, il nous semble que, depuis l’adoption de la directive européenne sur le commerce électronique, qui exonère les fournisseurs d’hébergement de toute obligation générale de surveiller les informations qu’ils stockent ou de recherche active des infractions, il serait injustifié, voire discriminatoire, de traiter plus sévèrement les fournisseurs de moteur de recherche, qui objectivement, n’ont pas plus de contrôle sur les informations qu’ils référencent que les hébergeurs n’en ont sur les sites qu’ils hébergent.

S’agissant des annuaires, l’analyse du régime de responsabilité est identique sous une réserve : lors du premier référencement, ils assument une responsabilité de nature « éditoriale », dans la mesure où, en pleine connaissance de cause, ils répertorient et classent par thèmes des sites qui leur sont soumis, accompagnés d’une courte description de leur contenu.

Il nous semble qu’à ce moment, l’opérateur de l’annuaire doit prendre connaissance du contenu de sites. L’absence de vérification pourrait être constitutive de faute, sous réserve de pouvoir prouver ce manquement.

Par la suite, dans la mesure où un site, à l’origine légal, peut être modifié par son propriétaire pour y inclure des données illicites ou dommageables, et ce à l’insu de l’annuaire, le régime esquissé plus haut à propos des moteurs de recherche devrait également s’appliquer.


Pour plus d’informations

– Pour une étude plus complète de la responsabilité des fournisseurs d’outils de recherche : notre dossier « Entre bonnes et mauvaises références – A propos des outils de recherche sur Internet », disponible sur ce site.

– Faire une recherche sur ce site par les mots clés « moteur de recherche » .

Droit & Technologies

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