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Médicaments en ligne : ne pas confondre publicité et information !

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La Cour de Justice de l’Union européenne a rendu le 5 mai dernier un arrêt apportant des éclaircissements bienvenus dans la perspective d’une éventuelle réglementation de la vente en ligne de médicaments en France. La Cour vient en effet préciser ce qui relève ou non de la publicité interdite à l’égard des médicaments soumis à prescription et ce qui relève par contre de l’information..

La question préjudicielle posée à la Cour de Justice

Il était reproché, en l’espèce, à l’entreprise pharmaceutique MSD Sharp & Dohme GmbH d’avoir présenté sur son site internet des médicaments soumis à prescription médicale, par l’intermédiaire d’un lien non protégé par un mot de passe -et par là accessible à tout le monde- en reproduisant l’emballage du produit, l’indication thérapeutique et la notice d’utilisation. Pour Merckle GmbH -entreprise pharmaceutique concurrente à l’origine du litige, il y avait là une violation de la législation allemande qui interdit la publicité auprès du public pour les médicaments soumis à prescription médicale.

Dans le cadre de ce litige, la juridiction allemande de renvoi a estimé nécessaire de poser à la Cour de Justice une question préjudicielle en interprétation de l’article 88, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/83.
Précisément, l’article 88, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/83 pose le principe d’interdiction de la publicité faite auprès du public à l’égard des médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale.

Partant, la question préjudicielle posée était la suivante : L’article 88, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/83 interdit-il « une publicité auprès du public pour des médicaments soumis à prescription qui ne comporte que des indications communiquées à l’autorité compétente dans le cadre de la procédure d’autorisation et de toute façon accessibles à toute personne qui achète les produits et lorsque ces indications ne sont pas présentées à l’intéressé sans qu’il les demande mais sont accessibles sur Internet seulement à celui qui cherche à les obtenir ? »

La finalité du message comme élément déterminant de la distinction entre publicité et simple information

Pour la Cour de Justice, « le trait caractéristique essentiel de la publicité et l’élément déterminant pour distinguer la publicité de la simple information » est « la finalité du message ».

Toute la question est donc celle de savoir si la diffusion de l’information est dotée ou non d’une finalité publicitaire ou promotionnelle. A ce titre, il s’agit de distinguer le message qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments constituant un message publicitaire -interdit auprès du public à l’égard des médicaments soumis à prescription en vertu de la directive 2001/83- de la simple indication purement informative sans intention promotionnelle.

Pour autant, la Cour donne le cadre d’analyse (identification de l’auteur de la diffusion / examen de l’objet de la communication / examen du contenu de la communication / identification du destinataire de la communication) et y intègre les circonstances pertinentes à prendre en compte.

– Selon la Cour, l’identité de l’auteur est à prendre en considération. Ainsi, si l’auteur de l’information est le fabricant du médicament, l’intérêt économique à la commercialisation de celui-là est évident, ce dont on peut déduire une intention de diffuser l’information dans un but publicitaire. Toutefois, ce critère n’est pas suffisant pour faire pencher la balance du côté de la publicité. En effet, la diffusion d’informations par le fabricant peut aussi participer d’une politique de transparence de l’entreprise et répondre ainsi à un besoin du public (la diffusion d’une notice peut notamment être utile dans le cas du patient qui a perdu la notice du médicament) et n’avoir donc aucune finalité publicitaire.

– Dans l’analyse de la finalité de l’information diffusée doit également être pris en compte l’objet de la communication. A ce sujet, la Cour relève que la portée publicitaire de l’information relative à des médicaments soumis prescription diffusée auprès du public est par essence limitée, dès lors que la décision de s’orienter vers tel ou tel médicament ne relève pas du patient mais de son médecin.

– La juridiction nationale doit examiner aussi le contenu de la communication. Pour la Cour, la qualification de publicité interdite est exclue lorsque la diffusion d’informations relatives à des médicaments soumis à prescription médicale sur le site du fabricant prend la forme d’une reproduction fidèle de l’emballage du médicament et/ou d’une reproduction littérale et intégrale de la notice et/ou du résumé des caractéristiques du produit (informations dont l’objectivité est contrôlée par les autorités compétentes lors de l’autorisation de mise sur le marché du médicament). En revanche, si l’auteur de la diffusion des informations fait dans la présentation de ses médicaments sur son site Internet un effort de classement ou opère une sélection entre les médicaments, la Cour estime que « ces manipulations des informations ne peuvent s’expliquer que par une finalité publicitaire », ce qui est alors interdit.

– Enfin, le destinataire des informations diffusées doit être identifié. L’accessibilité à tout internaute des informations relatives aux médicaments par le biais d’une plateforme de présentation passive crée une présomption de caractère publicitaire. En revanche, une telle présomption n’existe pas lorsque les informations sont diffusées de telle sorte que sans une démarche active pour accéder aux informations sur tel type de médicaments de la part de l’internaute, ce dernier ne sera pas confronté involontairement à ces informations.

Réponse finale de la cour et impact en France

L’ensemble de ces considérations permet à la Cour de conclure que :

– N’est pas interdite « la diffusion sur un site Internet, par une entreprise pharmaceutique, d’informations relatives à des médicaments soumis à prescription médicale, lorsque ces informations sont accessibles sur ce site seulement à celui qui cherche à les obtenir et que cette diffusion consiste uniquement en la reproduction fidèle de l’emballage du médicament, conforme à l’article 62 de cette directive, ainsi qu’en la reproduction littérale et intégrale de la notice ou du résumé des caractéristiques du produit qui ont été approuvés par les autorités compétentes en matière de médicaments ».

– En revanche, est interdite « la diffusion, sur un tel site, d’informations relatives à un médicament qui ont fait l’objet, de la part du fabricant, d’une sélection ou d’un remaniement ne pouvant s’expliquer que par une finalité publicitaire ».

En droit français, les règles de publicité faite auprès du public à l’égard des médicaments sont définies par les articles L 5122-1 et suivants du Code de la Santé publique.

Selon ces articles : une telle publicité ne peut être faite en faveur que des seuls médicaments ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché et n’étant pas soumis à une prescription. A contrario, toute publicité faite auprès du public à l’égard de médicaments soumis à prescription médicale est interdite.

Il reste que la frontière entre ce qui relève de la publicité et ce qui relève à de la simple information peut parfois être très ténue. C’est l’intérêt premier de l’arrêt de la Cour de Justice d’avoir confirmé qu’il y a une différence entre les deux, et d’en avoir tracé un début de contour.

L’arrêt de la Cour de Justice fera sans nul doute aussi réfléchir en France et devrait stimuler l’appétit informationnel des professionnels de la santé et de la vente de médicaments par l’internet.

CJUE, 5 mai 2011, Aff. C-316/09, MSD Sharp & Dohme GmbH / Merckle GmbH

Droit & Technologies

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