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La cour de justice élargit encore plus la notion d’extraction d’une base de données.

Publié le par - 277 vues

Pour la CJCE, la reprise d’éléments d’une base de données protégée dans une autre base de données à l’issue d’une consultation de la première base sur écran et d’une appréciation individuelle des éléments contenus dans celle-ci est susceptible de constituer une « extraction ».

 

Les faits soumis aux juges

 M. Knoop dirige, à l’Albert-Ludwigs-Universität Freiburg, le projet «Klassikerwortschatz» (Vocabulaire des classiques), qui a débouché sur la publication de Freiburger Anthologie (Anthologie de Fribourg-en-Brisgau), un recueil de poèmes écrits entre 1720 et 1933.

Cette anthologie repose sur une liste de poèmes établie par M. Knoop, Die 1 100 wichtigsten Gedichte der deutschen Literatur zwischen 1730 und 1900 (Les 1 100 plus importants poèmes de la littérature allemande entre 1730 et 1900, ci-après la «liste de poèmes établie par M. Knoop»), publiée sur l’Internet.

Après une explication introductive, cette liste de poèmes, dont le classement est fonction de la fréquence de citation de ces derniers dans différentes anthologies, indique l’auteur, le titre, la première ligne et l’année de publication de chaque poème. Cette liste repose ainsi sur une sélection de 14 anthologies choisies sur un total d’environ 3 000 d’entre elles, à laquelle a été ajoutée la compilation bibliographique de Mme Dühmert de 50 anthologies en allemand, Von wem ist das Gedicht? (Qui a écrit ce poème?).

À partir de ces ouvrages, qui contiennent environ 20 000 poèmes, ont été sélectionnés les poèmes cités, à tout le moins, dans trois anthologies ou à trois reprises dans la compilation bibliographique de Mme Dühmert. Afin de permettre leur exploitation statistique, les titres et les premières lignes des poèmes ont été uniformisés et une liste récapitulative des poèmes a été établie. Grâce à des recherches bibliographiques, tant les ouvrages dans lesquels les poèmes ont été publiés que la date de leur composition ont été identifiés. Environ deux ans et demi ont été nécessaires pour accomplir ce travail, dont les coûts, d’un montant total de 34 900 euros, ont été supportés par l’Albert-Ludwigs-Universität Freiburg.

Directmedia distribue un CD-ROM, 1 000 Gedichte, die jeder haben muss (1 000 poèmes qu’il faut avoir), publié au cours de l’année 2002. Parmi les poèmes figurant sur ce CD-ROM, 876 datent de la période comprise entre 1720 et 1900. 856 d’entre eux sont également cités dans la liste de poèmes établie par M. Knoop.

Pour la compilation des poèmes repris sur son CD-ROM, Directmedia s’est inspirée de cette liste. Elle a omis de reprendre certains poèmes figurant sur celle-ci, en a ajouté d’autres et a soumis, pour chaque poème, la sélection opérée par M. Knoop à un examen critique. Quant au texte même de chaque poème, Directmedia l’a tiré de son propre matériel numérique.

L’action entreprise et la question préjudicielle

Estimant que, à travers la diffusion de son CD-ROM, Directmedia portait atteinte tant au droit d’auteur de M. Knoop, en tant que créateur d’un recueil, qu’au droit voisin de l’Albert-Ludwigs-Universität Freiburg, en tant que «fabricant d’une base de données», ces derniers ont intenté une action en cessation et en réparation contre Directmedia. Leur action tendait également à ce que celle-ci remette, en vue de leur destruction, les exemplaires de son CD-ROM encore en sa possession.

Après un long parcours devant les tribunaux,  pour aboutir en révision devant la Bundesgerichtshof.

Soulignant qu’il ressort des constatations de la juridiction d’appel que Directmedia s’est inspirée de la liste de poèmes établie par M. Knoop pour sélectionner les poèmes devant figurer sur son CD-ROM, qu’elle a soumis dans chaque cas la sélection opérée par M. Knoop à un examen critique et qu’elle a finalement omis de reprendre, sur le support commercialisé, un certain nombre de poèmes figurant sur ladite liste tout en en ajoutant quelques autres, la juridiction de renvoi se demande si la reprise du contenu d’une base de données intervenue dans de telles circonstances constitue une «extraction» au sens de l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la directive 96/9.

Selon elle, la définition de la notion d’« extraction » contenue dans cette disposition de la directive 96/9, plusieurs considérants de ladite directive, les points 43 à 54 de l’arrêt du 9 novembre 2004, The British Horseracing Board e.a. (C-203/02, Rec. p. I-10415), des passages des conclusions présentées par l’avocat général Stix-Hackl dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 novembre 2004, Fixtures Marketing (C-338/02, Rec. p. I-10497), une certaine conception du but et de l’objet du droit sui generis ainsi que les impératifs de sécurité juridique paraissent plaider en faveur d’une interprétation stricte de cette notion, selon laquelle ledit droit autorise le fabricant d’une base de données à s’opposer au transfert physique de tout ou partie de celle-ci d’un support vers un autre, mais non à l’utilisation de cette base comme source de consultation, d’information et de recension, quand bien même des parties substantielles de la base en cause seraient ainsi progressivement recopiées et reprises telles quelles dans une autre base de données.

La juridiction de renvoi admet cependant que, selon une autre conception de l’objet du droit sui generis, il est permis de soutenir que la notion d’«extraction», au sens de l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la directive 96/9, englobe les actes consistant uniquement à reprendre, en tant que données, des éléments d’une base.

Eu égard à cette difficulté d’interprétation, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

« Le fait de reprendre des données d’une base de données protégée (en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la [directive 96/9]) dans une autre base de données peut-il également constituer une extraction au sens de l’article 7, paragraphe 2, sous a), de ladite directive lorsque cette reprise se fait sur la base de consultations de la base de données et après appréciation individuelle, ou une extraction au sens de ladite disposition suppose-t-elle un processus de copiage (physique) d’un ensemble de données? »

La réponse de la CJCE

L’article 7, paragraphe 2, sous a), de la directive 96/9 sur les bases de données définit l’extraction comme « le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit ».

Le producteur d’une base de données peut :

  • Interdire les actes d’extraction portant sur la totalité ou sur une partie substantielle du contenu de cette base (article 7, paragraphe 1).
  • Faire obstacle aux actes d’extraction répétés et systématiques portant sur une partie non substantielle du contenu de ladite base, qui, par leur effet cumulatif, aboutiraient à reconstituer, sans autorisation du fabricant, la base de données dans son ensemble ou, à tout le moins, une partie substantielle de celle-ci, et qui porteraient ainsi gravement atteinte à l’investissement de ce fabricant, à l’instar des extractions visées à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive (article 7, paragraphe 5, et arrêt British Horseracing Board, C-203/02, Rec. p. I-10415).

En l’espèce, il n’était pas disputé que le demandeur était bien le producteur d’une base de données, c’est-à-dire qu’il a consenti un investissement substantiel, d’un point de vue quantitatif ou qualitatif.

Il reste que le cas soumis à la CJCE est remarquable en ce sens que si Directmedia admet s’être inspirée de la liste du professeur, elle précise avoir omis de reprendre certains poèmes figurant sur celle-ci, en avoir ajouté d’autres et avoir soumis, pour chaque poème, la sélection opérée par M. Knoop à un examen critique. Quant au texte même de chaque poème, Directmedia l’a tiré de son propre matériel numérique.

Ceci est mis en avant par la juridiction de renvoi, qui se demande si la reprise du contenu d’une base de données intervenue dans de telles circonstances constitue une «extraction» au sens de l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la directive 96/9.

La CJCE commence par rappeler sa jurisprudence British Horseracing Board par laquelle elle a souligné l’interprétation large de la notion d’extraction. Celle-ci s’autorise de l’emploi, à l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la directive 96/9, de l’expression « par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit », de l’objectif poursuivi par le législateur communautaire à travers l’institution d’un droit sui generis tel qu’il ressort, notamment, des septième, trente-huitième à quarante-deuxième et quarante-huitième considérants de la directive 96/9, de garantir à la personne qui a pris l’initiative et assumé le risque de consacrer un investissement substantiel, en termes de moyens humains, techniques et/ou financiers, à l’obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu d’une base de données la rémunération de son investissement en la protégeant contre l’appropriation non autorisée des résultats de celui-ci par des actes qui consisteraient notamment, pour un utilisateur ou un concurrent, à reconstituer cette base ou une partie substantielle de celle-ci à un coût très inférieur à celui qu’aurait nécessité une conception autonome (arrêts du 9 novembre 2004, Fixtures Marketing, C-46/02, Rec. p. I-10365, point 35 ; The British Horseracing Board e.a., précité, points 32, 45, 46 et 51 ; Fixtures Marketing (C-338/02), précité, point 25, ainsi que du 9 novembre 2004, Fixtures Marketing, C-444/02, Rec. p. I-10549, point 41).

Pour la CJCE, le critère décisif, réside dans l’existence d’un acte de « transfert » de tout ou partie du contenu de la base de données concernée vers un autre support, de même nature que le support de ladite base ou d’une nature différente. Un tel transfert suppose que tout ou partie du contenu d’une base de données se retrouve sur un autre support que celui de la base de données d’origine.

Il est donc indifférent, pour la Cour, que le transfert s’appuie sur un procédé technique de copie du contenu d’une base de données protégée, tel qu’un procédé électronique, électromagnétique, électro-optique ou tout autre procédé similaire (voir, à cet égard, treizième considérant de la directive 96/9), ou sur un simple procédé manuel.

Pour la CJCE, il est tout aussi indifférent que le transfert opéré par Directmedia n’a pas porté sur l’intégralité ou une partie substantielle du contenu d’une base de données protégée, car il découle d’une lecture combinée des paragraphes 1 et 5 de l’article 7 de la directive 96/9 que cette notion n’est pas tributaire de l’étendue du transfert du contenu d’une base de données protégée, puisque, en vertu de ces dispositions, le droit sui generis institué par ladite directive offre une protection au fabricant d’une base de données non seulement contre les actes d’extraction portant sur tout ou sur une partie substantielle du contenu de sa base protégée, mais aussi, à certaines conditions, contre ceux de ces actes qui portent sur une partie non substantielle de ce contenu (The British Horseracing Board e.a., précité, point 50).

Pour être certain que son enseignement soit bien compris, la CJCE en remet une couche,  pour répondre précisément à la juridiction de renvoi qui met en relief le trente-huitième considérant de la directive 96/9 en ce qu’il évoque l’hypothèse du contenu d’une base de données qui serait « copié et adapté électroniquement ».

Pour la CJCE, le considérant en cause vise à illustrer le risque particulier que fait courir aux fabricants de bases de données l’utilisation toujours croissante de la technologie numérique. Il ne saurait être lu comme réduisant le champ des actes soumis à la protection par le droit sui generis aux seuls actes de copiage technique, et ce sous peine, d’une part, de méconnaître les différents éléments mis en avant aux points 29 à 47 du présent arrêt et plaidant en faveur d’une interprétation large du concept d’extraction dans le contexte de la directive 96/9 et, d’autre part, de priver, en méconnaissance de l’objectif assigné audit droit, le fabricant d’une base de données d’une protection à l’encontre d’actes d’extraction qui, bien que ne prenant pas appui sur un processus technique particulier, n’en seraient pas moins de nature à léser les intérêts de ce fabricant d’une manière comparable à un acte d’extraction reposant sur un tel processus.

Le résultat est sans appel :

« La reprise d’éléments d’une base de données protégée dans une autre base de données à l’issue d’une consultation de la première base sur écran et d’une appréciation individuelle des éléments contenus dans celle-ci est susceptible de constituer une « extraction », au sens de l’article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, pour autant que – ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier – cette opération corresponde au transfert d’une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de la base de données protégée ou à des transferts de parties non substantielles qui, par leur caractère répété et systématique, auraient conduit à reconstituer une partie substantielle de ce contenu. »

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