Cabinet d’avocats franco-belge, moderne et humain,
au service de la création et de l’innovation

9 pôles d’activités dédiés au
droit de la création et de l’innovation

Nos activités scientifiques & académiques

Faisons connaissance !

Un procès en vue ?
Lisez le guide destiné à mieux vous préparer

Le portail du droit des technologies, depuis 1997
Powered by

Un site pour tout savoir sur le RGPD
Powered by

La classification des films projetés au cinéma : le Conseil d’Etat annule 15 ans de régulation en Belgique

Publié le par - 567 vues

Dans un arrêt du 18 novembre 2004, le Conseil d’Etat belge a constaté l’illégalité d’un accord conclu le 21 décembre 1989 entre les différentes communautés du pays, en vue de la création, composition et règlement du fonctionnement de la Commission intercommunautaire de contrôle des films. Cette commission avait pour but de délivrer aux films projetés…

Dans un arrêt du 18 novembre 2004, le Conseil d’Etat belge a constaté l’illégalité d’un accord conclu le 21 décembre 1989 entre les différentes communautés du pays, en vue de la création, composition et règlement du fonctionnement de la Commission intercommunautaire de contrôle des films. Cette commission avait pour but de délivrer aux films projetés en salle de cinamé le fameux visa « enfants admis ». La commission fonctionnait normalement jusqu’à l’arrêt du Conseil d’Etat qui met un terme à l’aventure, et repose toute l’épineuse question de l’équilibre entre, d’une part, l’accès aux films projetés dans les salles de cinéma et, d’autre part, la nécessaire protection des mineurs.

La règlementation applicable aux salles de cinéma

La classification des films est fondée en Belgique sur une loi de 1920 prévoyant une interdiction générale de l’accès des cinémas aux mineurs, sauf exception pour les films dont une commission estime qu’ils peuvent être vus par les jeunes de moins de 16 ans.

En charge de cette classification, la Commission de contrôle des films dépendait jusqu’en 1989 du Ministère de la Justice.

Considérant qu’une telle compétence relevait de la protection de la jeunesse, matière communautarisée, les Communautés ont conclu le 21 décembre 1989 un accord de coopération portant création, composition et règlement de fonctionnement de la Commission intercommunautaire de contrôle des films.

Dans un arrêt du 18 novembre 2004, le Conseil d’Etat a constaté l’illégalité de cet accord et par conséquent, de la Commission intercommunautaire de contrôle des films et de ses décisions.

Selon le Conseil d’Etat, la compétence de déterminer quels films peuvent être vus par des mineurs de moins de 16 ans relève de l’autorité fédérale et non des Communautés.

Cette position n’est pas nouvelle puisque dans son avis rendu le17 février 2004 sur une proposition de loi modifiant la loi de 1920, le Conseil d’Etat avait déjà considéré que le contrôle des films ne faisait pas partie des matières transférées aux Communautés.

Les conséquences de l’arrêt du Conseil d’Etat sont doubles.

  1. A défaut d’autorité compétente, l’interdiction générale prévue par la loi s’applique, et tout jeune de moins de 16 ans est en principe interdit d’entrée dans une salle de cinéma en Belgique.

  2. Par ailleurs, toute décision de la Commission intercommunautaire de contrôle des films attribuant le visa « enfants admis » à un film pourra être attaquée devant le Conseil d’Etat avec l’assurance d’en obtenir l’annulation.

Si une telle insécurité juridique nécessite une réaction des autorités publiques, elle leur offre également l’occasion de moderniser l’actuel système de contrôle des films en salles et de l’adapter aux besoins de la société.

Dans une société où un enfant est souvent dès son plus jeune âge exposé à un flot d’images, sa perception et son rapport à celles-ci seront différents selon qu’il aura 6, 12 ou 16 ans.

Le visa « enfant admis » ou « enfants non admis » fixant la barre unique à 16 ans apparaît dès lors comme simpliste si on le compare notamment avec la signalétique télévisée en Belgique.

La règlementation applicable aux télévisions

L’arrêté du 1er juillet 2004 du Gouvernement de la Communauté française relatif à la protection des mineurs contre les programmes de télévision susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental et moral classifie ces programmes selon 4 catégories : les programmes déconseillés aux mineurs de moins de 10 ans, de 12 ans, de 16 ans et aux mineurs tout court :

  1. Catégorie I : programmes déconseillés aux mineurs de moins de 10 ans;

  2. Catégorie II : programmes déconseillés aux mineurs de moins de 12 ans;

  3. Catégorie III : programmes déconseillés aux mineurs de moins de 16 ans;

  4. Catégorie IV : programmes déconseillés aux mineurs.

Les journaux télévisés et la publicité ne sont pas des programmes au sens de cette classification et ne sont donc pas soumis aux contraintes que l’on verra ci-dessous. Néanmoins, dans les journaux télévisés, le présentateur est tenu de faire un avertissement oral en cas de scène susceptible de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs.

Quant aux magazines d’actualité, ils ne sont soumis que à l’obligation de signalétique (pas aux restrictions de diffusion), et seulement s’ils sont déconseillés aux mineurs de moins de 16 ans (catégorie III) ou à tous les mineurs (catégorie IV).

C’est à l’éditeur d’opérer la classification : comme le veut l’article 2, « chaque éditeur de services relevant de la Communauté française classifie les programmes … ».

Pour cela, l’éditeur de services constitue un comité de visionnage chargé de proposer une classification des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs. La composition de ce comité est laissée à l’entière responsabilité de l’éditeur de services. Dans les dix jours qui suivent la constitution du comité de visionnage, l’éditeur de services informe le Conseil supérieur de l’Audiovisuel de la composition dudit comité. De la même manière, si la composition du Comité est modifiée, l’éditeur de service dispose de dix jours pour informer le Conseil supérieur de l’Audiovisuel de la nouvelle composition.

Des repères sont néanmoins donnés :

  1. Catégorie I : Les programmes déconseillés aux mineurs de moins de dix ans sont des programmes comportant certaines scènes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs de moins de dix ans ;

  2. Catégorie II : Les programmes déconseillés aux mineurs de moins de douze ans sont, le cas échéant, des oeuvres cinématographiques interdites d’accès en salles aux mineurs de moins de douze ans, ou des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs de moins de douze ans, notamment lorsque le scénario recourt de façon systématique et répétée à la violence physique ou psychologique ;

  3. Catégorie III : Les programmes déconseillés aux mineurs de moins de seize ans sont des oeuvres cinématographiques interdites d’accès en salles aux mineurs de moins de seize ans, ainsi que les programmes à caractère érotique ou de grande violence, susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral des mineurs de moins de seize ans ;

  4. Catégorie IV : Les programmes déconseillés aux mineurs sont des programmes pornographiques ou de très grande violence et susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral.

Bien entendu, les contraintes de diffusion vont en croissant au fur et à mesure de la sensibilité du contenu.

Ainsi au niveau des horaires et du caractère codé ou du signal :

  1. Catégorie I : Les horaires de diffusion sont laissés à l’appréciation des éditeurs de services.

  2. Catégorie II : Ces programmes sont interdits de diffusion entre 6 heures et 20 heures en semaine et entre 6 heures et 22 heures les vendredis, samedis, jours fériés, veilles de jours fériés et pendant les périodes de vacances scolaires, sauf à l’aide de signaux codés.

  3. Catégorie III : Ces programmes sont interdits de diffusion entre 6 heures et 22 heures, sauf s’ils sont diffusés à l’aide de signaux codés et en recourant à un ou des dispositifs qui permette à l’abonné de n’y accéder qu’après avoir saisi un code d’accès personnel. Sans introduction de ce code, le dispositif doit avoir pour effet de diffuser une image monochrome en plein écran, non accompagnée de son.

  4. Catégorie IV : Les programmes sont interdits de diffusion sauf s’ils sont diffusés à l’aide de signaux codés et en recourant à un ou des dispositifs qui permette à l’abonné de n’y accéder qu’après avoir saisi un code d’accès personnel. Sans introduction de ce code, le dispositif doit avoir pour effet de diffuser une image monochrome en plein écran, non accompagnée de son.

Par ailleurs, chaque catégorie a reçu une signalétique propre qui doit apparaître plus ou moins longtemps et en taille plus ou moins grande selon la sensibilité du contenu.

Cent fois, sur le métier, remettre son ouvrage … et penser à l’internet

La signalétique télévisée présente au moins l’avantage de faire la part des choses selon l’âge du mineur qui accède au contenu. Nous l’avons vu, dans une société où un enfant est souvent dès son plus jeune âge exposé à un flot d’images, sa perception et son rapport à celles-ci seront différents selon qu’il aura 6, 12 ou 16 ans, de sorte que le visa « enfant admis » ou « enfants non admis » fixant la barre unique à 16 ans apparaît simpliste.

S’inspirer du système en vigueur à la télévision permettrait à tout le moins de nuancer l’accès aux contenus dans les salles de cinéma, et en définitive de mieux rencontrer l’objectif premier qui était la protection des mineurs.

D’autres pays l’ont fait. Le modèle québécois mis en place par la Régie du Cinéma est souvent montré en exemple ; il pourrait même être accompagné d’indications complémentaires lorsque le classement seul ne paraît pas évident telles que :

  • « pour enfants » : si le film convient particulièrement aux jeunes enfants ;

  • « déconseillé aux jeunes enfants » : si le film est de nature à heurter la sensibilité des enfants de moins de 8 ans ;

  • « langage vulgaire » : si les dialogues du films sont caractérisés par un langage grossier ou vulgaire ;

  • « érotisme » : si le film comporte assez d’éléments visuels se rattachant à la sexualité pour que cette dernière en constitue l’un des aspects dominants ;

  • « violence » : si celle-ci constitue l’un des aspects dominants du film ;

  • « horreur » : si le film est caractérisé de façon dominante par des scènes destinées provoquer le dégoût, la répulsion ou la peur.

Et puis, on peut toujours rêver, pourquoi ne pas profiter de cette réflexion pour l’étandre à l’internet. La Belgique, la France, et beaucoup d’autres pays sont empêtrés dans une règlementation inadaptée qu’il est nécessaire et urgent de remodeler.

L’exemple français est presque une caricature. La disposition-clef est l’article 227-24 du Code pénal, selon lequel le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni lorsque ce message est susceptible [nous soulignons] d’être vu ou perçu par un mineur.

Le texte est particulièrement large puisqu’il vise le message susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.

La jurisprudence récente a connu un cas qui est presque un cas d’école. Les faits sont simples. Une dénonciation pour contenu pédophile aboutit à la brigade de protection des mineurs. Celle-ci vérifie sur les trois sites concernés et s’aperçoit qu’aucun mineur n’est représenté. Par contre, les enquêteurs trouvent des images « hard », notamment zoophiles. Bien que les sites ne visent pas les mineurs, leur propriétaire reconnaît qu’un mineur pourrait contourner les mesures qu’il a mises à l’entrée. L’accès se fait obligatoirement par une page d’accueil ne contenant aucune image pornographique mais indiquant explicitement la nature et le contenu du site et avertissant qu’il est réservé aux adultes ou « strictement interdit aux mineurs ».

Sur cette page, un lien permet d’entrer dans un guide destiné aux parents où sont expliquées les méthodes permettant d’en empêcher l’accès à leurs enfants. En confirmant l’entrée sur le site, on accède aux pages de présentation qui comportent un échantillon de photos représentatives (selon la pratique courante des teasing pages et autres free tours gratuits). Certaines photos sont en outre cryptées (la partie zoophile). L’accès complet au site est payant, soit via une carte de crédit soit via une déconnexion-reconnexion sur une ligne surtaxée.

Pour la cour d’appel, « Il appartient à celui qui décide à des fins commerciales de diffuser des images pornographiques sur le réseau internet dont les particulières facilités d’accès sont connues, de prendre les précautions qui s’imposent pour rendre impossible l’accès des mineurs à ces messages. (…) Dans ces conditions, dès lors que Monsieur E. avait conscience, comme il l’a reconnu devant les services de police, que les précautions prises par lui n’empêchaient pas que ses sites soient susceptibles d’être vus par des mineurs, et qu’il a néanmoins continué à les exploiter, l’élément intentionnel est caractérisé. (…) ».

Le secteur plaide pour un assouplissement, en soulignant notamment qu’il est impossible de garantir à 100% un système de filtre à l’entrée des services. Par ailleurs, les professionnels voient dans l’article 227-24 un double emploi avec l’article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui impose à ceux dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication en ligne autres que de correspondance privée, d’informer leurs abonnés de l’existence de moyens techniques permettant de restreindre l’accès à certains services ou de les sélectionner, et de leur proposer au moins un de ces moyens.

Conscient du champ d’application très large de la loi, le Forum des droits de l’internet a plaidé pour une application raisonnable de l’article 227-24, mais en l’état la disposition demeure appliquée avec la même sévérité.

Droit & Technologies

Soyez le premier au courant !

Inscrivez-vous à notre lettre d’informations

close

En poursuivant votre navigation sur notre site, vous acceptez l’utilisation de cookies afin de nous permettre d’améliorer votre expérience utilisateur. En savoir plus

OK