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Faire un don par SMS pour les victimes du Tsunami : il faut clarifier d’urgence le cadre juridique !

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L’élan de solidarité en faveur des sinistrés du Tsunami croît de jour en jour. Dans le drame que vivent les centaines de milliers de sinistrés, l’optimiste que nous sommes décèle une source de joie : il est réconfortant de voir que le monde entier est capable de se mobiliser aussi vite et aussi fort pour…

L’élan de solidarité en faveur des sinistrés du Tsunami croît de jour en jour. Dans le drame que vivent les centaines de milliers de sinistrés, l’optimiste que nous sommes décèle une source de joie : il est réconfortant de voir que le monde entier est capable de se mobiliser aussi vite et aussi fort pour aider son prochain.

L’aide d’urgence est un métier ; les associations spécialisées, les policiers fonctionnaires et militaires détachés s’en occupent.

Mais l’aide d’urgence coûte cher et tout est bon pour lever les fonds aussi vite que possible. C’est ce que l’on appelle, d’une manière parfois péjorative, le charity business.

Dans la recherche d’argent, les nouvelles technologies sont largement sollicitées.

Pour la première fois, les SMS surtaxés font leur apparition comme moyen d’effectuer rapidement un don. Hélas ! L’analyse de ce nouveau moyen de donner montre à quel point il est urgent que le cadre juridique des moyens électroniques de paiement soit clarifié.

Quelques initiatives permettant de faire un don via un SMS surtaxé

Ces initiatives sont en général de deux ordres : des sociétés privées qui ne sont en principe pas impliquées dans le charity business, ou des organismes spécialisés.

  1. Quasiment toutes les associations internationales incontournables utilisent le SMS comme moyen de récolte de fonds. A titre d’exemple, 4 jours après le séisme, l’Unicef (Suisse) diffusait le communiqué de presse suivant :

    Plusieurs millions de francs sont nécessaires à l’UNICEF pour pouvoir apporter l’aide d’urgence indispensable aux enfants touchés par le raz de marée en Asie. L’UNICEF a lancé des appels de dons dans le monde entier. Grâce à la collaboration avec Orange Suisse, les clientes et les clients d’Orange peuvent faire un don par SMS dès maintenant en tapant le numéro 864233 (UNICEF). Par SMS, 5 francs [NDR : francs suisses] sont versés directement en faveur de l’aide d’urgence de l’UNICEF.

  2. Du côté des sociétés privées, c’est l’ampleur de la catastrophe qui a suscité l’envie d’apporter sa contribution à l’aide urgente. On distingue, parmi ces initiatives privées, deux volets :
    • Le premier volet vise les opérateurs télécoms. De façon isolée ou conjointe, ils ont mis en place des systèmes de récolte de fonds par SMS.

      Par exemple, en France, depuis le 2 janvier, les abonnés de SFR, Orange et Bouygues Telecom peuvent faire un don à trois associations humanitaires en leur envoyant un simple SMS, facturé 1 euro, plus le coup de l’envoi. Cette opération commune permet à leurs clients de faire un don à trois organisations humanitaires: la Croix rouge (SMS au 80222 en mentionnant « asie »), le Secours populaire (SMS au 80333 en mentionnant « asie ») et le Secours catholique (SMS au 80444 en mentionnant « asie »). Les opérateurs s’engagent à reverser intégralement cet euro à l’association. La filiale de France Télécom aurait même pris l’engagement de reverser 1 euro supplémentaire pour chaque don réalisé entre le 2 et le 10 janvier.

      En Belgique aussi, les trois opérateurs se sont unis pour ouvrir un numéro unique (Le 3108) qui permettra à leurs abonnés de faire des dons pour le Tsunami. Le SMS sera Premium et facturé 1 € au client. Les opérateurs s’engagent à reverser l’entièreté aux ONG.

    • Le second volet vise les sociétés privées étrangères à la téléphonie mobile, qui veulent assumer leur rôle citoyen et ouvrent des numéros spéciaux auxquels un SMS surtaxé peut être envoyé, en prenant l’engagement de reverser les fonds récoltés à des oeuvres qu’elles désignent.

      Ces entreprises n’utilisent pas exclusivement les nouvelles technologies pour cela. Par exemple, en Belgique, tant Carrefour que Delhaize proposent, à la caisse, d’ajouter 2 ou 5 euros à l’addition en s’engageant à reverser les fonds au collectif créé par les associations caritatives.

La collecte de fonds pour les œuvres : une activité réglementée

Sans vouloir jouer le trublion dans ce foisonnement d’initiatives louables et bienvenues, il faut rappeler que l’appel lancé au public en vue d’effectuer des dons est une activité réglementée soumise à une autorisation préalable de l’Etat. On en parle pas ici de déduction fiscale ou d’autres subtilités de ce genre, mais bien de l’appel qu’une société privée ou une association peut lancer au public en vue de donner au bénéfice d’une oeuvre.

C’est ainsi qu’en France, la collecte de fonds (à ne pas confondre avec la simple réception d’un don spontané) est soumise à un cadre strict fixé par l’article 3 de la loi 91-772 du 7 août 1991 :

Les organismes qui, afin de soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l’environnement, souhaitent faire appel à la générosité publique dans le cadre d’une campagne menée à l’échelon national soit sur la voie publique, soit par l’utilisation de moyens de communication, sont tenus d’en faire la déclaration préalable auprès de la préfecture du département de leur siège social.

Cette déclaration précise les objectifs poursuivis par l’appel à la générosité publique.

Les organismes effectuant plusieurs campagnes successives peuvent procéder à une déclaration annuelle.

Les moyens mentionnés ci-dessus sont les supports de communication audiovisuelle, la presse écrite, les modes d’affichage auxquels s’appliquent les dispositions de l’article 2 de la loi no 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ainsi que la voie postale et les procédés de télécommunications.

En Belgique, où tout est plus compliqué à cause des querelles linguistiques, les régimes diffèrent selon la région du pays. Grâce à l’aide de la Croix-Rouge, de Caritas et de l’association pour une éthique dans les récoltes de fonds, nous avons pu établir que :

Un Arrêté Royal du 22 septembre… 1823 régit les collectes à domicile pour de moins en moins d’associations caritatives ayant recours à cette méthode de récolte de fonds. Par ailleurs, le champ d’application ne couvre plus du tout l’ensemble des causes altruistes en faveur desquelles des appels à la générosité de la population peuvent légitimement être organisées. § En vue de pallier les insuffisances de l’AR de 1823, recours a parfois été fait aux dispositions de l’AR du 28 novembre 1939 et de la loi du 13 août 1986 relative aux activités ambulantes, toutes les deux largement inopérantes. § Des dispositions pénales relatives aux « abus de confiance », de « détournement de fonds » ou de « publicité mensongère » permettraient la répression de certaines formes de détournement mais n’ont guère d’effet préventif.

Il est probable que nombre des initiatives privées qui foisonnent actuellement ne respectent pas cette disposition. Est-ce grave ou non ? Chacun jugera. Est-ce que les autorités poursuivront ? Nul ne le sait aujourd’hui. Il est par contre certain que l’idée qui sous-tend cette autorisation préalable vise la protection du public parfois trop facilement abusé par des images choquantes ou des malheurs dont quelques escrocs abusent.

En plus de cette disposition, le code pénal sanctionne comme une escroquerie le fait de prétendre que le don est destiné à une œuvre sans que cette promesse soit suivie d’effet.

Les dons par SMS : une activité interdite dans certains pays

Parfois, les appels à des dons directs par SMS+ entrent en conflit avec des normes qui interdisent spécifiquement ce type de collecte !

Par exemple, en France, l’article E des « Recommandations déontologiques relatives aux services télématiques » édictées par le Conseil Supérieur de la Télématique, énonce que « les services télématiques utilisés dans le but de faire appel à la générosité du public ne doivent en aucun cas user de la fonction kiosque comme moyen intrinsèque de paiement des dons ». Il est difficile d’être plus clair !

Ici aussi, il est difficile de savoir si le CST poursuivra. C’est douteux, d’autant que comme nous l’avons ci-dessus, les trois opérateurs mobiles se sont associés à une initiative de ce style et que l’on imagine mal qu’ils déposent plainte contre eux-mêmes !

Les dons par SMS : que faire des marges des intermédiaires ?

Un SMS surtaxé génère une chaîne de valeur complexe comprenant de nombreux intermédiaires.

Un adolescent qui vote à une émission de téléréalité en envoyant un SMS surtaxé à 1 € paie tout d’abord son opérateur mobile, qui retient une partie du prix (entre 20 et 50% selon le cas et le pays). Puis, l’intermédiaire de paiement (s’il y en a un) touche aussi sa commission. Enfin le diffuseur de contenu (ce pour quoi l’abonné a réellement payé) touche le solde.

Cette chaîne de valeur oublie un dernier acteur important : l’Etat, qui touche une TVA de 19,5 à 21% selon le pays.

Bref, si cette chaîne de valeur est appliquée au SMS « caritatif », l’œuvre bénéficiaire touche au final bien peu de choses.

Pour palier cet inconvénient, les opérateurs mobiles peuvent s’engager à renoncer à leur marge. C’est ce qu’ils ont tous faits dans les exemples évoqués ci-dessus lorsqu’ils sont les initiateurs du projet. Les opérateurs y renoncent généralement lorsque la demande leur est faite par une association reconnue. Nous avons vu que l’Unicef a par exemple négocié un accord ad hoc avec un gros fournisseur. Mais il y a aussi des hypothèses dans lesquelles l’opérateur mobile ne sait pas que le prix du SMS ira en fait à une œuvre, et il est alors difficile pour lui de renoncer à sa marge. C’est ce qui se passe si une société privée disposant d’un numéro surtaxé l’affecte, temporairement, à la collecte de fonds à des fins caritatives.

Et la TVA dans tout cela ?

La TVA ajoute encore un peu plus à la complexité du dossier. Le SMS « surtaxé » n’a jamais aussi bien porté son nom puisqu’il génère au profit de l’Etat une TVA oscillant entre 19 et 21% selon le pays concerné. En d’autres termes, verser 1 € à une œuvre sur compte bancaire ne génère pas de TVA, mais le même euro payé via un SMS surtaxé rapporte 21 eurocents à l’Etat …

Ici aussi, des solutions ad hoc existent. Il peut y avoir un accord d’exception avec le ministère des finances pour être exonéré de TVA. Les opérateurs peuvent donc verser l’ensemble à l’œuvre choisie. Les initiatives signalées ci-dessus bénéficient de ce type d’accord, de sorte que les donateurs peuvent avoir leurs apaisements.

Mais à nouveau, ces accords ad hoc manquent de transparence et ne résolvent pas tous les problèmes. Notamment, ils impliquent une discussion avec l’Etat qui se pose en quelque sorte en juge de l’opportunité ou non d’accorder une dispense. S’il est certain que l’Etat sera souple pour les sinistrés asiatiques, aura-t-il la même largesse pour une œuvre consacrée à la liberté d’expression qui aurait critiqué son action ?

Et demain ?

A niveau de l’opportunité, il ne faut certainement pas brimer les élans de générosité que l’on voit fleurir un peu partout.

Mais il faut profiter de l’occasion pour lancer un débat de fond, par exemple quant à l’ouverture d’une nouvelle famille de numéros réservés aux SMS surtaxés destinés à des actions caritatives. Dans l’intervalle, il faut au moins espérer que l’administration de la TVA se montrera indulgente pour ceux qui ont pêché par ignorance, et qu’elle exonèrera facilement de TVA ces SMS frappés du sceau de la générosité. Et puis, surtout, il faut continuer à donner.

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