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Eurostar.eu : rien ne sert de rouler vite, il faut déposer à point !

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Les premiers noms de domaine en .eu déposés le 7 décembre 2005 sont à présent en cours de validation. Pas encore enregistrés, encore moins exploités par le biais d’un site, ils soulèvent déjà du contentieux judiciaire comme en témoigne l’Ordonnance de référé rendue le 10 janvier 2005 par le Tribunal de Commerce de Paris dans…

Les premiers noms de domaine en .eu déposés le 7 décembre 2005 sont à présent en cours de validation. Pas encore enregistrés, encore moins exploités par le biais d’un site, ils soulèvent déjà du contentieux judiciaire comme en témoigne l’Ordonnance de référé rendue le 10 janvier 2005 par le Tribunal de Commerce de Paris dans un litige opposant la Société Eurostar UK Limited associée à la SNCF et à la SNCB, à la société Eurostar Diamond Traders N.V.

La procédure d’enregistrement des domaines .eu prévoit plusieurs phases dont la première, dite Sunrise 1, est réservée notamment aux titulaires et licenciés de marques enregistrées (valides dans au moins un pays de l’Union Européenne). Ces propriétaires de marques ont la possibilité de revendiquer l’enregistrement du nom de domaine en .eu correspondant à leur marque, par l’intermédiaire obligatoire d’un registrar accrédité. Dans un délai de 40 jours suivant la demande, le candidat doit fournir des preuves justificatives visant à établir la réalité du droit antérieur invoqué. Si deux demandes visent à obtenir l’enregistrement du même nom de domaine (par exemple dans le cas où des marques identiques désignant des produits et services différents coexistent), la règle du « premier arrivé, premier servi » est appliquée par l’Eurid.

La Sunrise 1 est une illustration du lien fort entre marque et nom de domaine. Le nom de domaine est un vecteur de communication permettant d’exploiter la marque à une échelle mondiale, avec les avantages économiques qu’un tel marché peut procurer. Plus la marque est connue, plus grand est l’intérêt à détenir le nom de domaine correspondant. Il peut donc être désagréable de se faire souffler le nom de domaine en .eu correspondant par un concurrent plus prompt.

Telle est la mésaventure survenue à la société Eurostar U.K. Limited, qui souhaitait obtenir l’enregistrement prioritaire de eurostar.eu, sur la base de sa marque EUROSTAR. En effet, la demande d’enregistrement de eurostar.eu pour le compte de la société Eurostar Diamond Traders N.V., également titulaire d’une marque EUROSTAR a été déposée le 7 décembre à 11 : 00 : 34.004, précédant la demande déposée à 11 : 06 : 33.487 au nom d’Eurostar UK Ltd.

Surprise de ce retard au départ dont elle n’est pas coutumière, Eurostar UK Ltd tente de le combler devant les juges. Eurostar Uk Ltd (associée pour la cause à la SNCF et à la SNCB) demande en référé, au Tribunal de Commerce de Paris, d’ordonner à son concurrent heureux de retirer sa demande d’enregistrement de eurostar.eu et de lui interdire de fournir les preuves justificatives à l’appui de sa demande, en application d’un accord de coexistence passé en 2004 par les sociétés en question.

Les juges du Tribunal de Commerce de Paris rejettent la demande de Eurostar UK Limited au motif que les conditions du référé ne sont pas réunies. Il ne faut pas donner à cet arrêt une portée supérieure à sa portée réelle, il s’agit avant tout d’un arrêt d’espèce, qui devrait néanmoins inciter les titulaires de droits de propriété intellectuelle à prêter encore plus d’attention aux noms de domaine.

Les conditions du référé ne sont pas réunies mais d’autres actions restent ouvertes

Afin d’obtenir le retrait de la demande déposée par la société Eurostar Diamond Traders N.V, Eurostar UK Ltd s’appuie sur un accord de coexistence passé entre les deux entités en 2004. Or, comme le soulèvent les juges, cet accord « concerne les usages de la marque « EUROSTAR » mais ne contient aucune disposition relative aux noms de domaine qui existaient déjà en 2004 (eurostar.com ou eurostar.fr) ».

Les juges décident ainsi « n’y avoir lieu à référé, car il n’est pas possible au juge des référés, juge de l’évidence, d’interdire à une société de déposer un nom de domaine au motif que cela constituerait un dommage imminent, alors que l’accord entre les parties est totalement muet à ce sujet ».

Bien que la demande de référé soit rejetée, des possibilités de recours pour Eurostar UK Ltd demeurent.

En premier lieu, Eurostar UK Ltd pourrait emprunter la voie extrajudiciaire expressément prévue par l’Eurid, et dont le seul objet est de « vérifier si la décision pertinente prise par le registre est contraire à ces règlements. » (Règles de la période de Sunrise, chapitre VIII, article 26).

Néanmoins, la société Eurostar Diamond Trader a demandé la première l’enregistrement du nom de domaine eurostar.eu sur le fondement d’une marque enregistrée. Il ressort du site whois de l’Eurid que la demande est aujourd’hui acceptée et que s’est donc ouverte la période de 40 jours permettant d’engager une procédure de règlement extrajudiciaire des litiges. Son droit à l’enregistrement semble difficile à contester.

En second lieu, la voie judiciaire est toujours ouverte. En l’espèce, Eurostar UK Ltd pourrait soit demander l’application (et donc) l’interprétation du contrat passé en 2004, soit assigner Eurostar Diamond Traders en contrefaçon de marque. D’une part, l’accord passé en 2004, alors même que des noms de domaine existaient déjà n’a pas pris cette donnée en compte. On imagine mal la justice pallier une telle carence des rédacteurs du contrat. Il ne nous semble pas que Eurostar UK Limited soit « plus fondé » (même si plus notoire), que Eurostar Diamond Traders à obtenir le nom de domaine eurostar.eu. Les règles mises en place par l’Eurid sont claires et visent à permettre d’éviter autant que possible les fraudes. Quant à l’éventualité d’une action en contrefaçon, alors même que le site n’est pas exploité, elle semble compromise. La Cour de Cassation a récemment rendu un arrêt « Locatour » établissant que le simple enregistrement d’un nom de domaine, sans exploitation du site correspondant n’est pas constitutif de contrefaçon, ce qui ne devrait pas rassurer Eurostar UK Ltd. (Cour de Cassation, chambre commerciale, financière et économique, 13 décembre 2005 (Soficar vs./ Le Tourisme Moderne).

Une décision riche d’enseignements ?

L’Ordonnance rendue par le Tribunal de Commerce de Paris ne saurait être interprétée au-delà des seules circonstances de l’espèce. L’accord de coexistence aurait pu prendre en compte les noms de domaine (certains existaient déjà à cette époque, rappelons-le) et la solution toute différente, mais tel n’est pas le cas.

Néanmoins, les efforts mis en œuvre par Eurostar UK Ltd sont significatifs, bien sûr de l’importance croissante des noms de domaine en tant que droits de propriété intellectuelle, mais surtout de la prise de conscience des acteurs du marché.

Véritables jumeau du droit de marque, il est encore concevable de déposer un nom de domaine sans détenir la marque correspondante mais beaucoup moins de détenir une marque sans être titulaire du (des) nom(s) de domaine associé(s). L’intérêt à être titulaire du nom de domaine correspondant à sa marque est double : il est juridique (prévention) parce qu’il évite une atteinte potentielle à son droit de marque et il est économique (promotion), Internet constituant un moyen de communication dont l’impact n’est plus à démontrer. Le nom de domaine est donc une valeur à protéger.

Cette protection peut s’exercer a priori, par une politique de dépôts préventifs bien menée et une surveillance régulière, comme en matière de marques.

Pour ceux qui ne mènent pas (encore) une telle politique, reste la possibilité d’agir a posteriori, par le biais des procédures UDRP ou des actions judiciaires telles que les actions en contrefaçon. En effet les « cybers atteintes » sont variées et nous ne saurions trop recommander à Eurostar Uk Ltd et ses partenaires SNCF et SNCB de vérifier, parmi d’autres, les whois des noms de domaine: eurostarfrance.com ou urostar.com, et de se connecter aux sites correspondants. Ces domaines nous semblent constituer de parfaits exemples de contrefaçon dans le premier cas (avec usage abusif de « Eurostar » dans les balises meta), et de typo-squatting dans le second cas.

Plus d’infos ?

En lisant la décision, disponible sur notre site.

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