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La Cour recale l’accord PNR avec le Canada

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Cet accord est relatif au transfert des données personnelles des voyageurs européens allant au Canada. Saisie par le Parlement, la Cour déclare que l’accord ne peut pas être conclu sous sa forme actuelle. Si le transfert, la conservation et l’utilisation systématiques de l’ensemble des données des passagers sont pour l’essentiel admissibles, plusieurs dispositions du projet d’accord ne répondent pas aux exigences découlant des droits fondamentaux de l’Union.

Antécédents

L’Union européenne et le Canada ont négocié un accord sur le transfert et le traitement des données des dossiers passagers (accord PNR) qui a été signé en 2014. Le Conseil de l’Union européenne ayant demandé au Parlement européen de l’approuver, ce dernier a décidé de saisir la Cour de justice pour savoir si l’accord envisagé était conforme au droit de l’Union et, en particulier, aux dispositions relatives au respect de la vie privée ainsi qu’à la protection des données à caractère personnel. On notera que c’est la première fois que la Cour doit se prononcer sur la compatibilité d’un projet d’accord international avec la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

Dans son avis du 26 juillet, la Cour répond que l’accord PNR ne peut pas être conclu sous sa forme actuelle en raison de l’incompatibilité de plusieurs de ses dispositions avec les droits fondamentaux reconnus par l’Union.

Qu’est-ce qu’un accord PNR ?

L’accord envisagé permet le transfert systématique et continu des données PNR (Passenger Name Record) de l’ensemble des passagers aériens à une autorité canadienne en vue de leur utilisation et de leur conservation, ainsi que de leur éventuel transfert ultérieur à d’autres autorités et d’autres pays tiers, dans le but de lutter contre le terrorisme et les formes graves de criminalité transnationale. À cet effet, l’accord envisagé prévoit, entre autres, une durée de stockage des données de cinq ans ainsi que des exigences en matière de sécurité et d’intégrité des données PNR, un masquage immédiat des données sensibles, des droits d’accès aux données, de rectification et d’effacement et la possibilité d’introduire des recours administratifs ou judiciaires.

Prises ensemble, les données PNR peuvent, entre autres, révéler un itinéraire de voyage complet, des habitudes de voyage, des relations existant entre deux ou plusieurs personnes ainsi que des informations sur la situation financière des passagers aériens, leurs habitudes alimentaires ou leur état de santé, voire fournir des informations sensibles sur ces passagers. En outre, les données PNR transférées sont destinées à être analysées de manière systématique avant l’arrivée des passagers au Canada par des moyens automatisés, fondés sur des modèles et des critères préétablis. De telles analyses sont susceptibles de fournir des informations supplémentaires sur la vie privée des passagers. Enfin, la durée de conservation des données PNR pouvant aller jusqu’à cinq ans, cet accord permet de disposer d’informations sur la vie privée des passagers sur une durée particulièrement longue.

L’ingérence est-elle justifiée ?

La Cour relève que le transfert des données PNR de l’Union vers le Canada ainsi que les règles de l’accord envisagé sur la conservation des données, leur utilisation et leur éventuel transfert ultérieur à des autorités publiques canadiennes, européennes ou étrangères comportent une ingérence dans le droit fondamental au respect de la vie privée. De même, l’accord envisagé comporte une ingérence dans le droit fondamental à la protection des données à caractère personnel.

La Cour examine ensuite si ces ingérences peuvent être justifiées.

Elle relève à cet égard que les ingérences en cause sont justifiées par la poursuite d’un objectif d’intérêt général (garantie de la sécurité publique dans le cadre de la lutte contre des infractions terroristes et la criminalité transnationale grave) et que le transfert des données PNR vers le Canada et le traitement ultérieur de celles-ci sont aptes à garantir la réalisation de cet objectif.

L’ingérence est-elle nécessaire ?

S’agissant du caractère nécessaire des ingérences, la Cour considère que plusieurs dispositions de l’accord ne sont pas limitées au strict nécessaire et ne prévoient pas des règles claires et précises.

En particulier, la Cour relève que les parties à l’accord ont admis la possibilité d’un transfert des données sensibles vers le Canada (les données sensibles recouvrent l’ensemble des informations révélant « l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l’appartenance syndicale » ou concernant « l’état de santé ou la vie sexuelle d’une personne »). Compte tenu du risque d’un traitement contraire au principe de non-discrimination, un transfert des données sensibles vers le Canada nécessiterait une justification précise et particulièrement solide, tirée de motifs autres que la protection de la sécurité publique contre le terrorisme et la criminalité transnationale grave. Or, en l’occurrence, une telle justification fait défaut. La Cour en conclut que les dispositions de l’accord sur le transfert des données sensibles vers le Canada ainsi que sur le traitement et la conservation de ces données sont incompatibles avec les droits fondamentaux.

La Cour considère par ailleurs que l’accord envisagé ne dépasse pas les limites du strict nécessaire en ce qu’il permet le transfert des données PNR de l’ensemble des passagers aériens vers le Canada. En effet, l’analyse automatisée des données PNR vise à identifier le risque pour la sécurité publique que pourraient éventuellement présenter des personnes qui ne sont pas connues des services compétents et qui pourraient être, en raison de ce risque, soumises à un examen approfondi aux frontières. Ce traitement des données facilite et accélère les contrôles de sécurité (notamment aux frontières) auxquels, conformément à l’article 13 de la convention de Chicago, l’ensemble des passagers aériens désireux d’entrer au Canada ou de sortir de ce pays sont soumis, ces derniers étant tenus de respecter les conditions d’entrée et de sortie prescrites par le droit canadien en vigueur.

La réutilisation des données

Pour les mêmes raisons, aussi longtemps que les passagers se trouvent au Canada ou en partance de ce pays tiers, le rapport nécessaire entre ces données et l’objectif poursuivi par cet accord existe, de telle sorte que celui-ci ne dépasse pas les limites du strict nécessaire du seul fait qu’il permet la conservation et l’utilisation systématiques de leurs données PNR.

Cependant, s’agissant de l’utilisation des données PNR pendant le séjour des passagers aériens au Canada, la Cour relève que, dès lors que les passagers aériens ont, après vérification de leurs données PNR, été admis à entrer sur le territoire de ce pays tiers, l’utilisation de ces données pendant leur séjour au Canada doit se fonder sur des circonstances nouvelles justifiant cette utilisation. Celle-ci nécessite donc, ainsi que l’exige la jurisprudence de la Cour, des règles prévoyant les conditions matérielles et procédurales régissant une telle utilisation afin, notamment, de protéger les données concernées contre les risques d’abus. De telles règles doivent se fonder sur des critères objectifs pour définir les circonstances et les conditions dans lesquelles les autorités canadiennes visées par l’accord envisagé sont autorisées à les utiliser. Afin de garantir, en pratique, le plein respect de ces conditions, l’utilisation pendant le séjour des passagers aériens au Canada des données PNR conservées doit, en principe et sauf cas d’urgence dûment justifiés, être subordonnée à un contrôle préalable effectué par une juridiction ou par une entité administrative indépendante, la décision de cette juridiction ou de cette entité devant intervenir à la suite d’une demande motivée des autorités compétentes, présentée, notamment, dans le cadre de procédures de prévention, de détection ou de poursuites pénales.

Après le départ des passagers aériens du Canada, le stockage continu des données PNR de l’ensemble des passagers aériens que l’accord envisagé permet n’est pas limité au strict nécessaire. En effet, s’agissant des passagers aériens pour lesquels un risque en matière de terrorisme ou de criminalité transnationale grave n’a pas été identifié à leur arrivée au Canada et jusqu’à leur départ de ce pays, il n’apparaît pas exister, une fois qu’ils sont repartis, de rapport, ne serait-ce qu’indirect, entre leurs données PNR et l’objectif poursuivi par l’accord envisagé, qui justifierait la conservation de ces données. En revanche, un stockage des données PNR des passagers aériens pour lesquels sont identifiés des éléments objectifs permettant de considérer qu’ils pourraient, même après leur départ du Canada, présenter un risque en termes de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale grave est admissible au-delà de leur séjour dans ce pays, même pour une durée de cinq ans. L’utilisation des données PNR est alors soumise aux mêmes conditions que celles concernant l’utilisation des données PNR pendant le séjour des passagers aériens au Canada.

Les pistes d’amélioration

La Cour considère également que d’autres dispositions de l’accord envisagé sont incompatibles avec les droits fondamentaux, à moins que celui-ci ne soit révisé pour mieux encadrer et préciser les ingérences. Ainsi, la Cour considère que l’accord devrait :

  • déterminer de manière plus claire et précise certaines des données PNR à transférer ;
  • prévoir que les modèles et critères utilisés pour le traitement automatisé des données PNR seront spécifiques et fiables ainsi que non discriminatoires ;
  • prévoir que les bases de données utilisées seront limitées à celles exploitées par le Canada en rapport avec la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale grave ;
  • prévoir que les données PNR ne puissent être communiquées par les autorités canadiennes aux autorités publiques d’un pays non UE que s’il existe un accord entre l’Union et ce pays équivalent à l’accord envisagé ou bien une décision de la Commission européenne dans ce domaine ;
  • prévoir un droit à l’information individuelle des passagers aériens en cas d’utilisation des données PNR les concernant pendant leur séjour au Canada et après leur départ de ce pays ainsi qu’en cas de divulgation de ces données à d’autres autorités ou à des particuliers ;
  • garantir que la surveillance des règles sur la protection des passagers aériens à l’égard du traitement de leurs données PNR est assurée par une autorité de contrôle indépendante.
  • Étant donné que les ingérences que comporte l’accord envisagé ne sont pas toutes limitées au strict nécessaire et ne sont pas ainsi entièrement justifiées, la Cour en conclut que l’accord envisagé ne peut pas être conclu sous sa forme actuelle.

La base légale d’un accord PNR

Enfin, il convient de noter que le Parlement souhaitait également savoir si l’accord envisagé doit se fonder juridiquement sur les articles 82 et 87 TFUE (coopération judiciaire en matière pénale et coopération policière) ou bien sur l’article 16 TFUE (protection des données à caractère personnel).

À cet égard, la Cour répond que l’accord doit être conclu à la fois sur la base des articles 16 et 87 TFUE. En effet, l’accord envisagé poursuit deux objectifs indissociables et d’importance égale, à savoir, d’une part, la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale grave – qui ressort de l’article 87 TFUE – et, d’autre part, la protection des données à caractère personnel – qui ressort de l’article 16 TFUE.

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