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Brevetabilité des programmes d’ordinateurs : Une nécessaire harmonisation des décisions au sein de l’UE ?

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Deux décisions récentes soulignent à nouveau les approches différentes suivies par l’Office des brevets du Royaume Uni et l’Office européen des brevets (O.E.B.) en matière de brevetabilité de programmes d’ordinateurs. Pour rappel, les programmes d’ordinateurs relèvent des « inventions mises en œuvre par ordinateur », cette expression couvrant des revendications qui font intervenir des ordinateurs, des réseaux…

Deux décisions récentes soulignent à nouveau les approches différentes suivies par l’Office des brevets du Royaume Uni et l’Office européen des brevets (O.E.B.) en matière de brevetabilité de programmes d’ordinateurs.

Pour rappel, les programmes d’ordinateurs relèvent des « inventions mises en œuvre par ordinateur », cette expression couvrant des revendications qui font intervenir des ordinateurs, des réseaux informatiques ou d’autres dispositifs programmables classiques dans lesquels il apparaît à première vue que les caractéristiques nouvelles de l’invention revendiquée sont réalisées grâce à un programme ou des programmes d’ordinateur.

Lorsqu’il s’agit de déterminer la brevetabilité, les considérations de base sont en principe les mêmes que pour tout autre objet.

Bien que les « programmes d’ordinateurs » figurent parmi les éléments exclus de la brevetabilité qui sont énumérés à l’art. 52(2) de la Convention sur le brevet européen (C.B.E.), si l’objet revendiqué présente un caractère technique, il n’est pas exclu de la brevetabilité par les dispositions de l’art. 52(2) et (3) de cette même Convention.

La production d’un effet technique supplémentaire

Si lorsqu’il est mis en œuvre sur un ordinateur, un programme d’ordinateur est capable de produire un effet technique supplémentaire allant au-delà des effets techniques normaux (par ex. des courants électriques), il n’est pas exclu, selon l’O.E.B., de la brevetabilité et ce, qu’il soit revendiqué en tant que tel ou en tant qu’enregistrement sur un support.

Cet effet technique supplémentaire peut être connu dans l’état de la technique.

A titre d’exemple, un effet technique supplémentaire susceptible de conférer un caractère technique à un programme d’ordinateur peut résider dans la commande d’un processus industriel, dans le traitement de données représentant des entités physiques ou dans le fonctionnement interne de l’ordinateur proprement dit ou de ses interfaces sous l’influence du programme.

La décision du 2 juin 2006 de la Chambre de recours de l’Office européen des brevets

La décision T 0928/03 du 2 juin 2006 de la Chambre de recours de l’Office européen des brevets a été rendue sur la base d’un appel formé par la société Konami, un important développeur et éditeur japonais de jeux vidéos, dont Pro Evolution Soccer ou Metal Gear Solid.

Cet appel visait une décision de rejet de la Division d’examen de l’O.E.B. rendue le 22 avril 2003 et concernant un procédé de représentation visuelle d’un indicateur graphique de direction dans un jeu vidéo interactif de football.

Cet indicateur s’affichait à la demande de l’utilisateur sur l’écran et lui permettait d’identifier immédiatement le détenteur de la balle ainsi que le joueur le plus proche auquel il pouvait la passer au cours d’une partie de football.

La Chambre de recours note d’abord que la question de la brevetabilité conformément à l’article 52 (1) (2) (3) de la C.B.E. n’a pas été contestée en première instance.

Selon elle, le dispositif d’affichage de direction vise ici une entité physique revêtant un caractère technique par sa nature.

En ce qui concerne la question de la résolution d’un problème technique, la Chambre a considéré que le caractère fonctionnel du dispositif n’était pas annulé du simple fait que l’information visualisée allait également dépendre d’une décision de l’utilisateur interagissant avec le jeu sur l’écran.

En ce qui concerne l’apport d’une contribution technique inventive à l’état de la technique, la Chambre rappelle son approche développée dans Comvik.

Selon cette approche, il convient de s’assurer, d’une part, que des contributions non techniques ne soient pas prisent en compte, d’autre part, que toute contribution au caractère technique par un élément quelconque d’une invention soit prise en compte.

Dans le cas d’espèce, la Chambre a jugé que l’un des éléments du dispositif d’affichage de direction revendiqué constituait une contribution inventive à l’état de la technique.

La décision du 10 août 2006 de l’Office des brevets du Royaume Uni

La décision du 10 août 2006 a été rendue par l’Office des brevets du Royaume Uni dans le cadre de l’examen national de deux revendications par la société Sony conformément au Traité de coopération en matière de brevets.

Ces deux revendications visaient un logiciel de partage de fichiers (P2P). Complémentaires, elles permettaient de lier à un fichier partagé un historique de commentaires et d’appréciations faits par les précédents utilisateurs. Grâce à un tel procédé, l’utilisateur final d’un fichier partagé pouvait, par exemple, identifier les membres du réseau recueillant et recommandant ses morceaux de musique préférés.

L’Office des brevets rappelle ici le test établi dans l’affaire CFPH (CFPH LLC’s Application [2005] EWHC 1589 Pat.).

Selon le test CFPH, il convient d’agir en deux étapes :

– identifier quelle contribution technique à l’état de la technique est nouvelle et non évidente (et susceptible d’application industrielle) ;
– déterminer si cette contribution est à la fois nouvelle et non évidente au regard de la définition d’une invention au sens de l’article 52 de la C.E.B.

Invocation de l’article 27 de l’Accord ADPIC et rejet du test CFPH par Sony

L’agent de Sony invoque d’abord l’article 27 de l’Accord ADPIC.

Le paragraphe 1 de cet article prévoit que, sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle.

Sur ce point, l’Office répond que l’Accord ADPIC n’a pas modifié les critères de brevetabilité pour le Royaume Uni.

L’agent de Sony conteste ensuite l’application du test CFPH dans le cas d’espèce en invoquant au contraire l’application de l’enseignement tiré des affaires Vicom (EPO T0208/84), Fujitsu (1997 EWCA Civ 1174), IBM (EPO T0935/97), Hitachi (EPO T0258/03), Shopalotto (2005 EHWC 2416), ARM (BL O/066/06) et Sun Microsystems (BL O/057/06).

Sur ce point, l’Office répond que le test CFPH a justement été établi pour réconcilier les approches des Offices européen et du Royaume Uni en matière de brevets. Ainsi, il note que ce test n’est pas en contradiction avec l’approche poursuivi dans IBM, Hitachi et Fujitsu.

L’Office souligne encore l’importance en matière de brevetabilité d’examiner la substance sous-jacente de l’invention et non la forme particulière sous laquelle l’invention est revendiquée.

La première invention revendiquée est décrite comme un procédé informatisé par lequel l’utilisation d’une donnée meta attachée au contenu de fichiers permet l’identification de l’alias d’un utilisateur précédent. Cette identification rend possible la recherche du contenu d’autres fichiers de cet utilisateur lors d’une connexion à un réseau P2P avec celui-ci.

Selon l’Office, il a été reconnu lors de l’audience que les techniques de communication et de recherche ne sont pas au cœur de l’invention. Dès lors, cette invention dépend d’abord du contenu des communications, du choix de l’information à enregistrer et du lieu d’enregistrement. Une fois que la décision est prise quant à ce qui va être stocké et demandé, il n’y a pas d’invention technique pour le faire ni d’amélioration sur le plan technique. Le « hardware » et les techniques de programmation pour implémenter l’invention (incorporé dans un « hardware » ou « software ») sont tout à fait banals.

Il s’agit bien dès lors d’un programme d’ordinateur en tant que tel.

La seconde invention revendiquée vise un procédé ou un dispositif qui permet au premier utilisateur d’envoyer une demande de renseignements à un second auquel il est lié par un réseau P2P et de savoir quelles informations ils ont en commun.

Là encore, l’Office considère qu’il s’agit d’un programme d’ordinateur en tant que tel car le « hardware » et les techniques de programmation pour implémenter l’invention (incorporé dans un « hardware » ou « software ») sont tout à fait communs.

La résolution du 12 octobre dernier du Parlement européen en faveur de l’adoption d’un système juridictionnel commun en matière de brevets européens

La brevetabilité de l’invention revendiquée par Konami n’a certes pas été examinée par l’O.E.B. en tant qu’interface mise en œuvre par un programme d’ordinateur dans sa décision du 6 juin 2006.

Cependant, compte tenu des stricts critères retenus par l’Office des brevets du Royaume Uni dans sa décision du 10 août 2006, une telle invention risquerait d’être considérée comme un programme d’ordinateur en tant que tel si on lui appliquait le test CFPH.

Cette différence d’appréciation entre Offices ainsi qu’entre tribunaux au sein de l’Union européenne souligne l’importance d’un cadre juridictionnel commun en matière de brevets européens.

En ce sens, le Parlement européen a adopté le 12 octobre 2006 une résolution demandant notamment à la Commission d’explorer toutes les voies permettant d’améliorer les systèmes de brevets et de règlement des litiges relatifs aux brevets dans l’UE, y compris la participation aux discussions ultérieures sur l’Accord sur le règlement des litiges en matière de brevet européen (EPLA).

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