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Un site web doit-il toujours fournir un numéro de téléphone de contact ?

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C’est un arrêt très attendu qui se profile : la CJUE va clarifier la liste des informations de contact qu’un professionnel doit faire figurer sur son site. Pour l’avocat général, ce qui importe, ce n’est pas tant le moyen de communication considéré dans l’abstrait, que la capacité concrète de celui-ci à atteindre les objectifs suivants de la directive : (i) un contact rapide et une communication efficace entre le consommateur et le professionnel, et (ii) une information fournie sous une forme claire et compréhensible.

Une directive sibylline

L’article 6 de la directive 2011/83, intitulé « Obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement », prévoit que : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes :

(…) c) l’adresse géographique où le professionnel est établi ainsi que le numéro de téléphone du professionnel, son numéro de télécopieur et son adresse électronique, lorsqu’ils sont disponibles, pour permettre au consommateur de le contacter rapidement et de communiquer avec lui efficacement (…) ; »

La liste est-elle exhaustive ou un Etat peut-il en ajouter ? Ces informations-là sont-elles des informations minimales à toujours fournir ? Que signifie l’expression « lorsqu’ils sont disponibles » ?

Voilà autant de questions qui agitent le landerneau du commerce électronique avec un enjeu économique important :

  • Premier exemple : en termes de coûts, d’organisation, de gestion des langues disponibles, des horaires, … on ne peut pas comparer un centre d’appel en direct et un centre de rappel différé qui recontacte le consommateur après qu’il a fourni en ligne quelques informations sur son problème ou sa question.
  • Deuxième exemple : un télécopieur est-il encore justifié en 2019 ?

Des règles nationales insuffisamment harmonisées

Il n’en fallait pas plus pour que les Etats adoptent des règles différentes qui, même si elles s’expliquent souvent par de bonnes raisons, font néanmoins mauvais effet dès qu’on parle de marché unique.

Ainsi l’Allemagne, qui est extrêmement stricte en ce qui concerne la protection des consommateurs, a choisi une interprétation large de la directive : l’article 246a de l’EGBGB, intitulé « Obligations d’information concernant les contrats hors établissement et les contrats à distance, à l’exception des contrats concernant des services financiers », dispose, à son paragraphe 1, premier alinéa, point 2) que « Le professionnel est tenu, en vertu de l’article 312d, paragraphe 1, du BGB, de mettre à la disposition des consommateurs les informations suivantes :

(…) 2. son identité, par exemple son nom commercial, ainsi que l’adresse du lieu où il est établi, son numéro de téléphone et, le cas échéant, son numéro de télécopieur et son adresse électronique, ainsi qu’éventuellement, l’adresse et l’identité du professionnel pour le compte duquel il agit ».

Le litige Amazon

Amazon a été assignée devant les juridictions allemandes par la fédération allemande des associations de consommateurs (Bundesverband).

En particulier, pour le Bundesverband, Amazon ne respecterait pas, de manière claire et compréhensible, les obligations d’information à l’égard des consommateurs étant donné qu’au stade antérieur à la conclusion de la vente en ligne, aucun numéro de télécopie n’est indiqué sur le site et aucun numéro de téléphone n’est mis immédiatement à disposition (celui-ci ne pouvant être visualisé qu’après que le consommateur a dû accomplir une série d’actions). Les systèmes de rappel automatique et de discussion en ligne, également offerts par Amazon, ne sauraient suffire, selon le Bundesverband, pour que les obligations prévues par la loi soient considérées comme satisfaites.

Dans ce contexte, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), saisi du litige en dernier ressort, a décidé d’interroger la Cour sur l’interprétation correcte de l’expression « lorsqu’ils sont disponibles », qui fait référence aux moyens de communication entre le professionnel et le consommateur dans les contrats à distance et hors établissement, ainsi que sur la nature, exhaustive ou non, de la liste des moyens de communication (téléphone, télécopieur, courrier électronique) prévue dans ce cadre et sur le contenu de l’obligation de transparence imposée au professionnel.

L’opinion de l’avocat général

Dans ses conclusions, l’avocat général Giovanni Pitruzzella se penche d’abord sur la finalité de la directive : pour lui, elle tend à garantir un niveau de protection des consommateurs toujours plus élevé en assurant dans le même temps la compétitivité des entreprises.

Ainsi, les dispositions du droit de l’Union en la matière doivent être interprétées de manière à garantir le niveau le plus élevé de protection du consommateur sans affecter la liberté d’organisation de l’entrepreneur, sauf dans une mesure strictement nécessaire à la mise en œuvre de cette protection. Dans cette perspective, l’avocat général souligne qu’une protection efficace des consommateurs ne nécessite pas l’imposition d’une modalité spécifique de contact (par exemple, le téléphone) mais en garantissant aux consommateurs la possibilité de bénéficier des voies de communication les plus efficaces en fonction du support utilisé pour la transaction. À l’opposé, l’imposition d’une modalité spécifique de communication comme l’utilisation du téléphone, non nécessaire aux fins d’une protection efficace du consommateur, risquerait d’être une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs de protection du consommateur car elle serait susceptible d’imposer des charges inappropriées aux entreprises concernées et, surtout, à celles qui ne sont pas des « géants d’Internet » comme Amazon.

Donc, pour l’avocat général, ce qui importe, ce n’est pas tant le moyen de communication considéré dans l’abstrait que la capacité concrète de celui-ci à atteindre les objectifs suivants de la directive :

  1. un contact rapide et une communication efficace entre le consommateur et le professionnel, et
  2. une information fournie sous une forme claire et compréhensible.

L’avocat général propose donc à la Cour de déclarer que, pour les contrats à distance et les contrats hors établissement, l’énumération des moyens de contact (téléphone, télécopie, courrier électronique) dans la directive n’est qu’indicative. Le professionnel est donc libre de choisir les moyens de contact qu’il met à la disposition du consommateur, y compris des moyens de communication non expressément mentionnés dans la directive comme un système de discussion en ligne (évolution technologique de la télécopie) ou un système de rappel téléphonique (évolution technologique du service de centre d’appel), pour autant que les objectifs de la directive rappelés ci-dessus soient réalisés. En outre, de l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection du consommateur et de la nature indicative des moyens de communication énumérés découle l’obligation pour le professionnel de mettre à la disposition du consommateur plusieurs moyens de communication, en assurant la liberté de choix de ce dernier.

Ensuite, abordant le second objectif visé ci-dessus, l’avocat général observe que la clarté et le caractère compréhensible de l’information sont des aspects de l’obligation générale de transparence des conditions contractuelles. Cette obligation s’applique, de toute évidence, également aux modalités de contact et oblige le professionnel à veiller à ce que le consommateur soit en mesure de comprendre de manière non équivoque quelles sont les modalités de contact dont il dispose, en cas de nécessité, pour communiquer avec le professionnel. En outre, pour l’avocat général, la simplicité de l’accès à l’information constitue une condition nécessaire de la transparence. Ainsi, une navigation qui, en raison de sa complexité, rendrait difficile l’accès à l’information serait incompatible avec les objectifs de la directive. Par conséquent, l’avocat général propose à la Cour de déclarer qu’en vertu de l’obligation de transparence du professionnel, l’information qu’il fournit sur les moyens de contact mis à la disposition du consommateur doit être accessible par celui-ci de manière simple, efficace et raisonnablement rapide.

Quant à la signification de l’expression « lorsqu’ils sont disponibles », en référence aux trois modalités courantes de communication entre le professionnel et le client (téléphone, télécopie, courrier électronique), l’avocat général propose à la Cour de déclarer que, d’une part, elle implique l’absence d’une obligation pour le professionnel de mettre en place une nouvelle ligne téléphonique, ou de télécopieur, ou de créer une nouvelle adresse de courrier électronique s’il décide de passer des contrats à distance et que, d’autre part, cette expression signifie « lorsqu’ils sont mis à la disposition des consommateurs » et non « lorsqu’ils existent dans l’organisation de l’entreprise » : en effet, tout ce qui se trouve dans un contexte donné n’est pas nécessairement disponible ou à la disposition de tous ceux qui souhaitent en faire usage. Par conséquent, l’avocat général conclut que, lorsque l’entreprise dispose d’une ligne téléphonique, elle ne doit pas nécessairement être mise à la disposition des consommateurs, pour autant, comme précédemment exposé, que la réalisation de l’objectif de la directive soit assurée.

Enfin, après avoir rappelé l’interdiction expresse faite aux États membres, dans la directive, d’adopter dans leur droit national des dispositions s’écartant de celles fixées par cette directive, l’avocat général propose à la Cour de déclarer que la directive s’oppose à une législation nationale, telle que la législation allemande, qui imposerait au professionnel une obligation non prévue par la directive, comme celle de mettre, dans tous les cas, une ligne téléphonique de contact à la disposition du consommateur.

Plus d’infos ?

En lisant les conclusions de l’AG, disponibles en annexe.

Droit & Technologies

Annexes

Conclusions de l’avocat général

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