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Uber est jugé légal à Bruxelles

Publié le par - 4908 vues

Uber remporte une victoire judiciaire importante. Le juge de l’entreprise bruxellois, saisi par des taxis mécontents, considère qu’Uber X ne viole pas la règlementation applicable. Il refuse d’ordonner la cessation d’un service qui n’est pas, de l’avis du tribunal, un service de taxi aux termes de la règlementation bruxelloise.

Acte I : Uber Pop

En février 2014, l’entreprise lance UberPop à Paris (première ville en dehors des USA dans laquelle Uber se lance). UberPop vise les conducteurs particuliers. Pas difficile de s’inscrire : avoir 21 ans, avoir un permis B depuis 1 an minimum, et produire un casier judiciaire vierge.

Aussitôt, c’est un déluge de protestations et de procès entamés par les taximen.

Madrid : Uber Pop est condamné en décembre 2014.

Bruxelles : condamnation aussi en septembre 2015.

Paris : pour la première fois, Uber subit une condamnation pénale en juin 2014, avant une autre décision qui interdit le service en septembre 2016.

Dans la rue, on assiste à des bagarres, des faits de violence, des confiscations de véhicules. C’en est trop et le service est suspendu en France par Uber à partir de juillet 2015.

Acte II : de Uber Pop à Uber X

Uber X est un changement du modèle de service, visant essentiellement à quitter le monde des conducteurs privés désireux de transporter d’autres personnes, pour viser dorénavant les conducteurs professionnels. Le système est décrit comme suit dans le jugement commenté.

(a) téléchargement et création d’un compte

UberX comprend deux versions différentes: une pour les entreprises LVC et une pour les utilisateurs-passagers; toutes deux sont téléchargeables gratuitement et peuvent être installées sur un même smartphone.

Après le téléchargement de l’application, l’utilisateur-passager doit se créer un compte; il doit notamment indiquer son nom, son numéro de téléphone mobile, son mot de passe et ses données de carte de crédit (ou ses données Paypal); les personnes qui ne disposent pas d’une carte de crédit (ou d’un compte Paypal) ne peuvent pas créer de compte; Le passager-utilisateur doit ensuite accepter les conditions générales d’Uber et devenir membre de la « Platform Rider Association» (« PRA ») pour pouvoir commander des courses par le biais de l’application.

Il n’est pas possible de commander une course par le biais de UberX sans être membre de la PRA; le simple téléchargement de l’application ne suffit donc pas.

Les entreprises LVC souhaitant fournir leurs services par le biais de l’application, doivent également créer un compte, et doivent faire parvenir à Uber les documents suivants :

  • Documents relatifs à l’entreprise LVC (certificat d’enregistrement à la Banque carrefour des entreprises et à la TVA ; licence LVC).
  • Documents relatifs au(x) véhicule(s) (Certificat d’immatriculation ; Assurance pour le transport rémunéré de personnes ; Contrôle technique ; Trois photos du-véhicule : avant, profil et intérieur (banquette arrière).
  • Documents du ou des chauffeurs conduisant le ou les véhicules : Une pièce d’identité permettant d’attester que le ou les chauffeurs qui conduisent les véhicules ont minimum 21 ans ; Un permis de conduire datant d’au moins 3 ans avec un certificat médical d’aptitude à la conduite; Un extrait de casier judiciaire.

Enfin, le ou les chauffeurs de l’entreprise LVC suivent une séance d’activation, où sont notamment expliquées les modalités de fonctionnement de l’application, la facturation, le payement, etc.

Après l’accomplissement de ces différentes formalités, l’entreprise LVC et son ou ses chauffeurs peuvent utiliser, entre autres, le service UberX pour exercer leurs activités.

(b) La demande de course

Dès que l’utilisateur-passager est devenu membre de la PRA, il peut commander une course, en déterminant son point de départ et son point d’arrivée;

L’application permet ensuite à l’utilisateur-passager de localiser, grâce à la fonction GPS de son téléphone, les véhicules disponibles les plus proches; l’utilisateur-passager est alors mis en relation avec une entreprise LVC; avant de confirmer sa demande, l’utilisateur-passager est informé de l’heure d’arrivée estimée et du prix approximatif de la course (ex. : 11-13 EUR);

Après avoir confirmé sa commande, l’utilisateur-passager peut suivre sur l’écran de son téléphone la progression du véhicule réservé; l’identité du chauffeur, le modèle du véhicule et sa plaque d’immatriculation lui sont explicitement indiqués;

Après avoir confirmé la demande de course, l’utilisateur-passager peut encore l’annuler en cliquant sur « annuler la course », moyennant le paiement d’un montant de 5 E ; il peut donc toujours renoncer à sa commande, même si une entreprise LVC a déjà marqué son accord sur la commande et même si elle est déjà en route pour venir le chercher;

(c) Après la course

Après la course, le chauffeur de l’entreprise LVC doit noter l’utilisateur-passager (avec un maximum de cinq étoiles); l’utilisateur-passager peut, mais n’est pas obligé, de noter le conducteur (également avec un maximum de cinq étoiles); Uber n’intervient en aucune manière dans le processus de notation; dans certains cas, les chauffeurs des entreprises LVC ainsi que les utilisateurs-passagers peuvent se voir exclus de l’utilisation d’UberX, notamment sur la base des notes et commentaires émis à leur égard;

Le paiement de la course intervient par carte de crédit ou via Paypal, dont chaque utilisateur-passager doit disposer et qu’il indique lorsqu’il crée son compte;

A cet égard, Uber encaisse, au nom et pour le compte de l’entreprise LVC, le paiement dû par l’utilisateur-passager pour la course; le paiement intervenu est assimilé à un paiement fait à l’entreprise LVC; Uber reverse sur base régulière les montants dus aux entreprises LVC tout en retenant un certain pourcentage du prix de la course à titre de rémunération de l’utilisation d’UberX ;

Le système de paiement automatique par carte de crédit ou Paypal rend impossible toute forme de travail non déclaré.

Acte III : les arrêts de la CJUE

Dans la cadre des nombreuses procédures contre UberPop, le tribunal de grande instance de Lille d’une part, et le tribunal de Madrid d’autre part, font ce que beaucoup de juristes attendent en Europe : ils renvoient l’affaire à la Cour de justice.

Derrière ces questions préjudicielles il y a une question fondamentale : Uber Pop est-il un « service de la société de l’information » ?

  • Le 20 décembre 2017, la CJUE rend un arrêt qui fait date : dans l’affaire Uber Espagne, elle juge que UberPop relevait du domaine du transport et ne constituait pas un service de la société de l’information au sens de la directive. Traduction concrète : les États peuvent règlementer à peu près comme ils le veulent.
  • Le 10 avril 2018, la CJUE rend un second arrêt dans l’affaire française : elle juge que les États membres peuvent interdire et réprimer l’exercice illégal d’une activité de transport telle que UberPop sans devoir notifier au préalable à la Commission le projet de loi incriminant un tel exercice.

Uber sort dès cet instant du radar du droit européen des services de la société de l’information, pour devenir un service de transport soumis au droit national (souvent local).

En d’autres termes, chaque pays (ou chaque ville, selon ce que permet le droit national), peut règlementer comme il veut. Dès cet instant, Uber devient une affaire politique : selon ce que l’Etat ou la ville souhaite faire, elle adoptera une règlementation pro- ou anti- Uber.

Acte IV : Uber X jugé légal à Bruxelles

Conséquence logique du paragraphe précédent : le juge commence par rappeler le cadre juridique bruxellois en la matière. Les règles applicables au transport de personnes dans la Région de Bruxelles-Capitale sont contenues dans l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur et ses arrêtés d’application (dont l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 29 mars 2007 relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur, l’arrêté de la Région de Bruxelles-Capitale du 26 août 2010 relatif à la fixation de tarifs applicables aux services de taxis, l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 20 mars 2008 fixant les tarifs minima applicables aux services de location de voitures avec chauffeur).

(a) Uber B.V.

Concernant la société Uber UBER B.V. (de droit néerlandais), le juge considère que celle-ci « ne fournit pas de service de transport; elle n’est propriétaire d’aucun véhicule; elle ne détient ni licence de taxi, ni licence de LVC; parmi les constats que les défenderesses ont fait réaliser et qui sont à la base de la présente instance, aucun des véhicules en cause n’était exploité par la société UBER B.V.;

L’activité de UBER B.V. consiste en l’exploitation de la plate-forme d’intermédiation UberX; ce service dans le domaine des transports ne peut être confondu avec un service de transport proprement dit;

Le service d’intermédiation dans le domaine des transports fourni par UBER B.V. ne relève pas du champ d’application de la réglementation bruxelloise relative au transport de personnes; (…). »

Le tribunal estime que, bien qu’offrant un service dans le domaine des transports consistant en une intermédiation entre un utilisateur-passager et un chauffeur, UBER B.V. n’ « assure » elle-même aucun « transport rémunéré de personnes » au sens de l’ordonnance précitée.

(b) Les sociétés qui travaillent avec Uber

Il reste encore à voir si les sociétés LVC qui travaillent avec UberX sont, elles soumises à la règlementation.

Les demanderesses affirment à cet égard que le schéma de Uber X trompe le public : « le système de contrats mis en place par UBER et ses co-contractants serait « totalement artificiel » et serait « destiné à contourner la législation régionale applicable » aux services de transport de personnes; elles ajoutent que UBER et les autres défenderesses feraient un « usage frauduleux » des licences LVC qu’elles ont obtenues. »

Pas du tout dit le tribunal : « il ne peut être soutenu que le système UberX consisterait à mettre des véhicules à la disposition du public sur la voie publique, ce qui est la définition d’un service de taxi. »

Le juge va plus loin, et prend soin de distinguer Uber X, et Uber Pop. Pour lui, « contrairement au système UberPOP, par lequel des chauffeurs ne possédant aucune licence fournissaient des services de transport rémunéré de personnes, les entreprises LVC défenderesses dans la présente cause disposent toutes d’une licence dont la validité en tant que telle n’est pas remise en cause par les demanderesses; munies de ces licences, les défenderesses se sont affiliées au système UberX en concluant avec UBER B.V. le contrat-cadre de prestation de services, et elles ont conclu avec la PRA des contrats de location; de plus, contrairement au système UberPOP, les courses fournies via UberX ne le sont qu’à des membres de la PRA, laquelle a conclu préalablement avec l’entreprise LVC un contrat de location; ainsi, aucune course sous UberX n’est fournie en dehors du cadre d’une location. »

(c) La PRA et le schéma de paiement

Les demanderesses sont d’avis que « la PRA serait une société écran et artificielle ».

A nouveau, réponse négative du juge : il ne voit pas d’élément lui permettant de penser que le fait que les locations soient payées directement par les utilisateurs non pas à la PRA, mais à UBER, laquelle en reverse une partie aux entreprises LVC, serait contraire à la réglementation applicable. Pour lui, « celle-ci n’impose que trois conditions à l’exploitation d’un service de location de véhicule avec chauffeur : que le contrat de location soit écrit, qu’il soit conclu pour une durée minimale de trois heures, et que le prix minimal de 90 € soit respecté. Ces trois conditions sont prévues par les contrats de location conclus entre les défenderesses et la PRA. »

Il écarte aussi les autres griefs relatifs notamment à l’inscription de la location dans un registre tenu au siège de l’exploitation, l’exigence d’un contrat écrit, la durée des courses, ou le fait que les véhicules des entreprises LVC circuleraient librement sur la voie publique, etc.

Seul un grief est retenu, visant une des société à la cause, dont le véhicule ne répond pas au critère de confort et à de qualité (article 73 de l’arrêté du 3 juin 2009 portant exécution du décret wallon du 18 octobre 2007).

Concernant la requalification en « contrat de travail »

Se référant à divers arrêts rendus récemment, les demanderesses étaient d’avis que « la relation existant entre les « chauffeurs UBER » et UBER B.V. devrait être qualifiée de contrat de travail salarié. »

Le juge écarte l’argument au terme d’une analyse en fait, passant en revue les critères habituels que sont :

  • la volonté des parties telle qu’exprimée dans leur convention;
  • la liberté d’organisation du temps de travail;
  • la liberté d’organisation du travail;
  • la possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique

Sur ce point, la décision commentée prend nettement distance par rapport aux arrêts français rendus récemment par la Cour de cassation dans l’affaire Take Eat Easy et par la Cour d’appel de Paris dans l’affaire Uber.

Cette apparente contradiction peut s’expliquer par l’importance des faits dans les affaires portant sur une requalification en contrat de travail.

On verra ce que la Cour d’appel de Bruxelles en pensera si elle devait saisie suite à un recours des taximen.

Plus d’infos ?

En lisant la décision commentée, disponible en annexe (précision : la décision est susceptible d’appel).

Nous joignons également la décision (en néerlandais), rendue en 2018 concernant UberPop.

Droit & Technologies

Annexes

Jugement du 16 janvier 2019 (Uber X)

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Jugement du 18 décembre 2018 (Uber Pop)

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