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Responsabilité des propos tenus par des salariés sur des réseaux sociaux : vers un assouplissement de la jurisprudence ?

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Selon la jurisprudence constante des cours et tribunaux français, lorsqu’un salarié critique ou injure son employeur par le biais de réseaux sociaux, son licenciement est justifié. Néanmoins, récemment, deux arrêts de Cours d’appel ont interpellé en écartant le licenciement. Mais, comme nous allons le voir, ces deux arrêts n’apportent en réalité qu’un faux changement en la matière.

De nos jours, nombreux sont ceux qui font parties d’un, voire de plusieurs réseaux sociaux, tels que Twitter ou Facebook. Ceux-ci nous permettent de nous exprimer sur divers sujets, que ce soit sur l’actualité, sur nos vies privées, mais aussi sur nos vies professionnelles. Certains employés tiennent parfois, en abordant ce dernier sujet, des propos négatifs, voire injurieux envers leurs employeurs. Cela a souvent débouché sur les licenciements des employés en question, ceux-ci étant fréquemment confirmés par les cours et tribunaux.

Mais vient alors cette question : est-ce que les propos tenus par un employé sur un « mur » privé, depuis son domicile (donc en dehors de ses heures de travail, ce qui induit qu’il n’emploie pas le matériel (un ordinateur portable, par exemple) de l’entreprise) révèlent-ils de la sphère privée ou, au contraire, de la sphère publique ? Dans les deux cas, une autre question se posait : ces propos tiennent-ils du droit d’expression, prévu à l’article L.2281-1 du Code du travail, octroyé aux salariés en ce qui concerne les conditions d’exercice et d’organisation du travail ?

Jusqu’à présent, les tribunaux rendaient des décisions dans lesquelles ils considéraient que les propos tenus publiquement (puisque tenus sur des réseaux sociaux) n’étaient pas couverts par le secret de la correspondance privée. Cependant, deux arrêts récents de Cour d’appel semblent changer la donne.

En effet, tout d’abord, la Cour d’appel de Versailles a rendu une décision, le 22 février 2012, dans le cadre du cas très médiatisé « Alten ». Pour rappel, dans cette affaire, trois salariées avaient rédigé des propos critiques vis-à-vis de leur hiérarchie et d’un responsable des RH lors d’une conversation Facebook, à leur domicile, en 2008. Suite à une dénonciation, elles ont été licenciées pour dénigrement de l’entreprise et incitation à la rébellion. Si le Tribunal des Prud’hommes de Boulogne Billancourt a confirmé ce licenciement en novembre 2010, la Cour d’appel donne raison aux salariées, jugeant que le licenciement n’avait pas de motif réel et sérieux. Les juges ne se sont pas penchés sur le fond de l’affaire, à savoir sur le dénigrement possible de l’employeur sur un réseau social dans un cadre privé ou semi-privé. En fait, la Cour a juste considéré qu’il y avait vice de procédure, étant donné qu’elles avaient déjà été mises à pied. Dès lors, elles ne pouvaient pas être licenciées, puisqu’« une même faute ne peut faire l’objet de deux sanctions successives ».

Un autre arrêt, de la Cour d’appel de Douai du 16 décembre 2011, retient également l’attention. Dans cette affaire, un animateur radio avait publié, en 2009, sur le mur Facebook d’un collègue, des propos injurieux vis-à-vis de la direction. Là encore, suite à une dénonciation, l’employeur a décidé de rétracter la promesse d’embauche qu’il avait faite à l’animateur. Le Conseil des Prud’hommes de Tourcoing a déclaré que la rupture de cette promesse était justement motivée en raison des menaces et injures prononcées à l’égard de la direction sur un réseau social. Mais selon la Cour d’appel de Douai a considéré qu’il s’agissait d’une rupture de contrat de travail abusive, arguant que « des propos diffamatoires ou injurieux, tenus par un salariés à l’encontre de l’employeur ne constitue pas un événement irréversible ou insurmontable faisant obstacle à la poursuite du contrat, cette rupture ne procède pas non plus d’un cas de force majeure ».

En réalité, cet arrêt ne s’est pas prononcé non plus sur le caractère privé ou public des propos reprochés. En effet, il s’est plutôt penché sur le fait que l’on se trouvait en présence d’un CDD.A la lecture de l’article L.1243-1 du Code du travail, un tel contrat ne peut être rompu que pour motif grave ou en cas de force majeure. Comme la Cour a pu le constaté, l’employeur n’avait pas rompu le contrat de travail pour faute grave, et la matière ne relevait pas de la force majeure. Par conséquent, la rupture était abusive et il n’était pas nécessaire d’examiner le fond de l’affaire, à savoir la question et la portée des propos tenus sur le réseau social Facebook.

Ces deux arrêts ne se sont pas réellement penchés sur la question du caractère public ou privé des propos tenus sur des réseaux sociaux. Nous ne pouvons donc pas dire qu’il y ait un réel bouleversement de jurisprudence en la matière. Néanmoins, ils semblent introduire une nuance aux décisions précédentes. Les salariés ne doivent cependant pas croire qu’ils peuvent désormais injurier ou critiquer leurs patrons en toute impunité sur Facebook ou Twitter. Par ailleurs, ils s’exposeraient à d’éventuelles condamnations pénales, comme l’a montré une décision récente du Tribunal correctionnel de Paris du 17 janvier 2012.

Dans cette affaire, un délégué CGT avaient tenus des propos négatifs envers son employeur via le mur Facebook du syndicat. La particularité ici est que cela a été provoqué par le suicide d’un salarié dans l’entreprise. Vu que l’employé était protégé par son statut de membre de syndicat, l’employeur a décidé de l’attaquer au pénal pour injures publiques. Le Tribunal a considéré que les « expressions utilisées excédaient les limites de la critique admissible, y compris lorsqu’elle s’exerce dans un cadre syndical par l’utilisation de mots ou de termes insultants ou injurieux voire vexatoire ».

Ainsi, mesdames et messieurs les salariés, méfiez-vous des propos que vous tenez sur vos réseaux sociaux envers vos employeurs, car il serait fort probable que non seulement un autre salarié zélé vous dénonce, mais aussi que vous vous exposiez de cette façon à un licenciement ou à des sanctions pénales.

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