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Mort numérique : pour la Toussaint, la CNIL ouvre le débat !

Publié le par - 468 vues

Que deviennent après votre mort les données que vous avez librement publiées sur la Toile de votre vivant ? Telle est la question posée par la CNIL dans deux récents articles publiés à l’approche de la Toussaint. Il s’agit là d’une véritable question de société qui se double d’un véritable casse-tête juridique.

Pour se faire une idée de l’étendue du problème, il suffit de relever que, selon les données publiées par la CNIL, le réseau social Facebook compterait près d’un profil sur cent portant sur une personne décédée, ce qui reviendrait à un total de 130 millions de profils de personnes décédées ! Et puis, tôt ou tard, le problème se posera malheureusement pour chacun d’entre nous…

Quelles sont les principales difficultés juridiques qui se posent à l’égard de la mort numérique ?

Une première difficulté réside dans le fait que les droits qui dérivent de la directive sur les données à caractère personnel ne visent que les personnes « physiques ».

Est-ce qu’une personne décédée est encore (i) une personne, (ii) physique ? La question est loin d’être saugrenue et mérite d’être posée. Les débats doctrinaux sur le sujet montrent que sur le plan juridique, la réponse est incertaine. Que dire alors des plans moral et politique ? (c’est en effet le législateur qui, in fine, devra trancher si la loi doit être précisée.)

Par ailleurs, la plupart des droits qui sont prévus par la loi doivent être exercés par la « personne concernée ». Il en va ainsi du droit d’accès, d’opposition et de rectification. A nouveau, même question : un héritier qui agit pour son père ou sa mère décédé exerce-t-il les droits réservés au de cujus?  La thèse majoritaire semble voir dans ces droits une prérogative personnelle de la personne concernée, mais on n’ose pas être trop affirmatif en cette matière.

Certains pays y ont pensé. La France en fait partie. La loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 prévoit que « les héritiers d’une personne décédée justifiant de leur identité peuvent, si des éléments portés à leur connaissance leur laissent présumer que les données à caractère personnel la concernant faisant l’objet d’un traitement n’ont pas été actualisées, exiger du responsable de ce traitement qu’il prenne en considération le décès et procède aux mises à jour qui doivent en être la conséquence » (art. 40).

C’est mieux, mais seule la possibilité d’une mise à jour est prévue et nullement celle de la fermeture d’un compte, ou tout au moins pas expressément.

Cela dit, les héritiers restent en mesure de faire valoir leur droits en tant qu’ils seraient eux-mêmes des personnes physiques « concernées » par les données publiées sur le profil du défunt !

Les héritiers peuvent aussi utiliser d’autres outils juridiques, tel le droit à l’image ou le droit à la réputation, qui s’arrête moins clairement à la mort. On ne peut pas insulter, maltraiter ou impunément salir la réputation d’un défunt et les héritiers peuvent, sous conditions, agir. Le cas est fréquent en cas d’accident d’avion ou de car où la famille du pilote apprécie peu de voir "son" défunt accusé de tous les maux sans plus pouvoir se défendre. Egalement, certaines lois spécifiques peuvent être utiles, comme celle qui protège les mineurs.

Un second problème est celui de la confidentialité des informations que le défunt partageait avec ses amis (dont les héritiers ne font pas nécessairement partie !). Si le problème n’est pas neuf (il existait déjà à propos de la question de la possibilité pour les héritiers d’accéder aux adresses de courrier électronique du proche défunt), il se révèle avec une acuité nouvelle compte tenu de la multiplication des réseaux sociaux et des plates-formes de partage d’informations.

Le principe qui prévaut en la matière doit rester celui du secret des correspondances, sauf consentement exprimé par le défunt de son vivant. A cette fin, les grands acteurs de l’internet offrent la possibilité à leurs utilisateurs de paramétrer eux-mêmes l’avenir de leurs données numériques après leur mort.

Une troisième difficulté est d’ordre contractuel et concerne la prévisibilité pour la personne concernée, de ce qui adviendra de ses données une fois qu’elle sera décédée.

Les conditions générales des sites de partage et de réseaux sociaux ne règlent pas toujours expressément la question et, en tout cas, les internautes n’y accordent pas l’importance que cette dernière mériterait.

Le problème concerne pourtant les vivants à plusieurs titres. D’une part, la pratique révèle différentes manières par lesquelles les personnes tentent de s’assurer une vie numérique après la mort. La CNIL évoque à cet égard le fait de créer un avatar pour dialoguer avec les vivants, le fait de laisser des messages ou des biens dématérialisés pour ses héritiers et ses proches ou de mettre à leur disposition un espace de recueillement pour commémorer la mémoire du défunt. D’autre part, la mort numérique concerne directement les vivants dans la mesure où il apparaît difficile pour un fournisseur de service de faire la différence entre une simple inactivité prolongée de la personne concernée et l’inactivité résultant du décès d’une personne. De cette manière, le régime de la mort numérique semble directement concerner les vivants ! Il serait pour le moins préjudiciable d’être tenu pour mort et de voir ses données effacées sur une simple présomption fondée sur une inactivité prolongée.

Comment remédier aux difficultés suscitées par la mort numérique ?

A ce stade, à défaut de disposition légale expresse, la question de la mort numérique se règle aujourd’hui essentiellement en fonction de la volonté exprimée de son vivant par la personne concernée, aussi bien à l’égard des fournisseurs de service qu’à l’égard de ses héritiers.

Ce n’est pas idéal car ces volontés ne sont pas toujours exprimées et quand elles le sont, elles visent surtout le patrimoine matériel et non le patrimoine informationnel.

Des solutions sont progressivement mises en place par les fournisseurs de service pour permettre à la personne concernée de paramétrer ses préférences. D’autres pourraient voir le jour sous la forme de dispositions testamentaires. Si la CNIL vient de mettre la question à l’ordre du jour et invite le législateur européen à tenir compte de la question de la mort numérique dans l’élaboration future du règlement sur la protection des données, dans l’intervalle, on ne saurait trop conseiller aux vivants de se donner la peine de prendre une parcelle de leur temps de vie pour s’y intéresser.

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