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Le marché des dispositifs médicaux va-t-il connaitre une crise juridique majeure ?

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Selon l’avocat général, les organismes chargés de surveiller le système de qualité des fabricants de dispositifs médicaux sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée à l’égard des patients en cas de manquement à leurs obligations découlant des règles de l’Union relatives à la sécurité des produits. Si un tel organisme est informé qu’un dispositif médical est susceptible d’être défectueux, il est tenu d’adopter toutes les mesures nécessaires pour déterminer si la certification qu’il délivre pour ce dispositif peut être maintenue.

En décembre 2008, Mme Elisabeth S. s’est fait poser en Allemagne des implants mammaires en silicone fabriqués par l’entreprise française Poly Implant Prothèse (PIP). En 2010, les autorités françaises ont constaté que cette entreprise avait utilisé de la silicone industrielle de moindre qualité pour fabriquer les implants. Sur avis médical, Mme S. s’est alors fait retirer ses implants en 2012.

Mme S. a ensuite introduit une action devant les juridictions allemandes, par laquelle elle demande des dommages et intérêts d’un montant de 40 000 euros au titre du préjudice moral subi ainsi qu’une déclaration ouvrant la voie à la réparation de tout préjudice matériel qu’elle pourrait subir à l’avenir en raison des implants défectueux.

Le fabricant ayant fait faillite, Mme S. a dirigé son action à l’encontre de TÜV Rheinland LGA Products, une entreprise allemande chargée, en tant qu’« organisme notifié » au sens de la directive sur les dispositifs médicaux, de la surveillance du système de qualité du fabricant.

Saisi d’un pourvoi, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) interroge la Cour sur la nature des obligations incombant aux organismes notifiés et sur la portée de leur responsabilité à l’égard des patients en cas de manquement à leurs obligations.

Dispositif médical ?

Ce matin, vous vous êtes senti mal et avez pris votre température grâce à votre thermomètre. Pour lire le résultat, vous avez préalablement mis vos lentilles. Ouf, tout va bien. La tension aussi. Avant de partir, il vous faudra changer la compresse sur le genou du petit-dernier. N’oubliez pas que ce soir, votre maman vient manger : sa prothèse de hanche la fait souffrir et cela lui changera les idées.

Du préservatif au lit médicalisé, en passant par des milliers d’objets courants (compresse, thermomètre, preneur de tension) ou moins courants (prothèse de hanche), votre vie croise sans cesse de nombreux dispositifs médicaux. Ils sont pourtant nettement moins connus que leur omniprésent grand-frère : le médicament. Celui-ci accapare l’attention du public, laissant dans l’ombre des milliers de produits, fabriqués par des centaines d’entreprises, qui contribuent tout autant au bien-être.

Des enjeux économiques importants

Que la santé soit un enjeu économique important, tombe sous le sens. Aussi bien du côté des pouvoirs publics (sécurité sociale) que du privé (les fabricants), les dispositifs médicaux représentent un pan entier de l’économie de la santé, en plein développement.

La croissance est énorme.

Ce tissu économique est souvent composé de petites sociétés innovantes, qui font figure de petits poucets face aux géants de l’industrie pharmaceutiques, mais leur nombre en fait un enjeu majeur pour l’économie.

Un cadre juridique harmonisé

A l’instar des médicaments, le cadre juridique est harmonisé au niveau européen.

Aux termes de l’article 1er de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux, le dispositif médical désigne : « Tout instrument, appareil, équipement, logiciel, matière ou autre article, utilisé seul ou en association, y compris le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostique et/ou thérapeutique, et nécessaire au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins:

·         De diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie,

·         De diagnostic, de contrôle, de traitement, d’atténuation ou de compensation d’une blessure ou d’un handicap,

·         D’étude ou de remplacement ou modification de l’anatomie ou d’un processus physiologique,

·         De maîtrise de la conception,

et dont l’action principale voulue dans ou sur le corps humain n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. »

Les dispositifs médicaux sont appréhendés au niveau européen par trois directives différentes (le texte général repris ci-dessus ; un texte particulier concernant les dispositifs médicaux de diagnostiques in vitro – directive 98/79 ; et un texte sur les dispositifs médicaux implantables actifs – directive 90/385/CEE).

La matière fait l’objet d’une refonte initiée en septembre 2012, non adoptée à ce jour.

Le dispositif médical est donc une catégorie spécifique, qui ne se confond pas avec le médicament.

Qui est responsable quand tout déraille ?

Dans ses conclusions, l’avocat général Sharpston relève que la directive, tout en prévoyant que la responsabilité du fait des produits défectueux repose en premier lieu sur le fabricant, n’empêche pas d’étendre cette responsabilité à d’autres acteurs. Il souligne que la Cour a déjà admis que, s’agissant d’obligations spécifiques découlant des règles de l’Union relatives à la sécurité des produits, une législation nationale puisse imposer une telle responsabilité aux importateurs.

À cet égard, l’avocat général observe que, dès lors qu’un État membre peut imposer une telle responsabilité aux importateurs – lesquels jouent un rôle relativement mineur dans la garantie de la sécurité des produits –, il doit également être en droit de le faire vis-à-vis des organismes notifiés qui, eux, jouent un rôle crucial en la matière. Dans de telles circonstances, l’avocat général considère que de tels organismes sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée à l’égard des patients et des utilisateurs en cas de manquement fautif à leurs obligations découlant des règles de l’Union relatives à la sécurité des produits, pour autant que les principes d’équivalence 3 et d’effectivité 4 soient respectés.

S’agissant de la nature des obligations incombant aux organismes notifiés, l’avocat général considère qu’il peut généralement être présumé que les fabricants agissent conformément à leur système de qualité approuvé, les organismes notifiés pouvant se fonder sur une telle présomption. Dès lors, les organismes notifiés ne sont pas soumis à l’obligation générale d’inspecter les dispositifs, d’examiner les documents commerciaux du fabricant ou de procéder à des inspections inopinées.

Néanmoins, si un organisme notifié est informé qu’un dispositif médical est susceptible d’être défectueux, il est soumis à l’obligation d’exercer les prérogatives dont il dispose au titre de la directive afin de déterminer si la certification qu’il délivre pour ce dispositif peut être maintenue. Dans ce contexte, il appartient à l’organisme en cause de choisir, au regard de ses compétences scientifiques, les moyens d’action ainsi que les mesures précises qu’il souhaite prendre, à condition de toujours agir avec la diligence et les précautions requises.

Enfin, compte tenu du risque de répercussions économiques sérieuses de la solution qu’elle propose, l’avocat général propose à la Cour de limiter dans le temps les effets de son arrêt.

On verra si la Cour suivra cet avis mais dans l’affirmative, c’est tout un secteur de l’économie médicale qui va devoir se réorganiser (aff. C-219/15).

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