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La riposte graduée est-elle une solution dans d’autres pays ? L’exemple de la Belgique.

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Ces dernières années, le phénomène de lutte contre le piratage en ligne n’a jamais autant fait parler de lui. La préoccupation n’est pas neuve et a déjà fait couler beaucoup d’encre, principalement en France autour du projet de loi HADOPI. Cette tendance fera-t-elle des émules ? L’exemple du droit belge.

La question qui se pose est de savoir comment parvenir à maintenir la qualité et l’engouement pour la création dans un système dans lequel la gratuité s’est installée, favorisée par le développement du net ? Autrement dit, comment rémunérer justement les acteurs du monde artistique dans cette ère du numérique qui rend possible le téléchargement immédiat et en masse de leur œuvres (chansons, films,…).

Selon nos instances européennes, il faudrait voir émerger un marché intégré des contenus créatifs en ligne passant par une collaboration étroite entre les différents acteurs, afin de poser les assises d’une offre légale attractive et compétitive et de lutter parallèlement contre le piratage en ligne. Beaucoup de principes louables mais, jusqu’alors, rien de concret.

Certaines pistes ont certes été envisagées: le recours à des mesures techniques de protection ou Digital Rights Management (DRM), la licence légale (téléchargement autorisé en contrepartie d’un paiement forfaitaire mensuel) ou le financement par les recettes publicitaires, mais, sans succès, en raison de leur impopularité ou leur inadéquation par rapport aux besoins de la création.

Le Projet de loi Français instaurant la riposte graduée

Actuellement, la France est au centre des débats avec le projet de loi « création et Internet » qui instaure le principe de la riposte graduée. Il crée une autorité administrative (la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, dite « HADOPI ») qui, sur saisine des créateurs dont les œuvres auront été piratées, sera habilitée à suspendre l’accès Internet des individus identifiés par leur adresse IP. Cette suspension interviendrait seulement après que le fournisseur d’accès Internet (FAI) ait adressé un email d’avertissement et ensuite une lettre recommandée à son abonné. Selon Madame Albanel, Ministre de la culture, ce projet a été instauré dans une optique préventive et pédagogique, l’ambition étant de faire réfléchir et d’amener l’internaute à changer de comportement face au piratage. Il crée en outre une solution alternative aux condamnations pénales inadaptées.

Ce texte, à la finalité louable, reste cependant encore très polémique.

Ses opposants estiment notamment la mesure de suspension de l’accès à Internet ‘disproportionnée’ et ajoutent qu’une telle sanction, en tant que instaurée par une autorité administrative (HADOPI) pose problème en matière de procès équitable.

Ils ajoutent que ce texte est en contradiction avec de nombreux prescrits légaux.

  • Il empêche l’accès à Internet, un service pourtant universel (Directive « service universel »), voir même une liberté fondamentale (Parlement européen – résolution du 10 avril 2008) ;
  • Il en vient à imposer in fine une nouvelle obligation générale et active de surveillance du réseau aux fournisseurs d’accès internet en violant leur nécessaire neutralité (Directive commerce électronique);

Enfin, ils critiquent la philosophie même de ce projet en ce qu’il s’en prend non pas au pirate mais à l’abonné qui n’aura pas su empêcher que l’adresse IP attachée à sa ligne, figure sur les réseaux Peer to Peer.

Ces critiques, qu’il convient d’aborder prudemment et avec relativité, permettent toutefois de comprendre pourquoi le parcours législatif de ce projet de loi est à ce point houleux.

Pour rappel, le projet de loi, issu des accords de l’Elysée, signés le 23 novembre 2007 fut présenté en juin 2008 au conseil des Ministres. Après de très longs débats et un premier rejet par l’Assemblée nationale le 9 avril 2009, il fut finalement adopté le 12 mai 2009.

Le dernier fait important remonte toutefois au 10 juin dernier, date à laquelle, le Conseil Constitutionnel décida notamment de censurer la coupure d’accès internet par une autorité administrative en cas de téléchargement illégal, en estimant que seuls les juges pouvaient prononcer une telle suspension d’abonnement.

Loin d’abandonner son projet, la Ministre de la Culture décida de le réviser conformément à cette décision en confiant dès lors au juge, dans le cadre d’une procédure judiciaire accélérée, le dernier stade de la riposte graduée, à savoir le pouvoir de suspendre l’accès internet aux auteurs de téléchargements illégaux.

Ainsi renommé, le texte de l’Hadopi II, fut à nouveau longuement examiné par les députés en Assemblée durant ce mois de juillet 2009. Il ne sera toutefois soumis au vote solennel qu’à la mi-septembre.

Parallèlement, le nouveau Ministre de la Culture, François Mitterrand, a lancé une nouvelle mission « Création et Internet » afin de réfléchir au développement de l’offre légale de contenus sur Internet et de proposer de nouveaux outils de rémunération des créateurs. Ce que certains appellent l’ « Hadopi III » mais qui finalement, ne viendrait que compléter le projet existant, semble poursuivre une philosophie moins répressive s’intéressant d’avantage au droit d’auteur, à la mise en place d’une offre légale riche et facilement accessible et à la création de nouveaux modèles économiques pour financer la création. Un rapport devrait être rendu début novembre, preuve à nouveau que le débat est loin d’être clos.

La riposte graduée en Europe

Sauf nouveau soubresaut, la riposte graduée pourrait donc finalement être appliquée en France, dans une version plus judiciarisée, mais également en Italie. Elle est en outre déjà présente en Irlande, où elle est appliquée par le plus grand Fournisseur d’Accès Internet irlandais Eircom et elle est encouragée en Autriche.

Les anglais, eux, après avoir adopté ce système de riposte graduée en été 2008, sont revenus en arrière. Le ministre en charge de la propriété intellectuelle, Mr David Lamy, estima en effet la sanction disproportionnée vis-à-vis des internautes. Un régime alternatif est en passe d’être présenté en automne prochain.

Certains pays ont également refusé la riposte graduée tels que la Norvège, où une approche favorisant la licence globale semble se dessiner et l’Allemagne qui a décidé de réprimer le téléchargement mais en refusant la sanction de blocage d’accès à Internet.

Au niveau européen, ce type de sanction a été discuté lors des négociations du « paquet telecom » mais en raison de la radicalisation du débat la Commissaire Viviane Reding a reporté sa décision.

La lutte contre le piratage en ligne en Belgique

En Belgique, nos Ministres ne se sont pas encore positionnés à cet égard. Ils attendent une décision ferme des instances européennes mais ont déjà mené des initiatives juridiques, politiques et commerciales.

Sur le plan juridique, la Belgique a transposé la Directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle. L’article 87§1 de la loi belge sur le droit d’auteur permet aux détenteurs de droits de s’adresser aux juridictions civiles afin d’obtenir la cessation d’une atteinte à leurs droits. Ils peuvent en outre obtenir une injonction de cessation à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers en atteinte à un droit d’auteur. C’est d’ailleurs en application de cette disposition que la Société Belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM) a obtenu, le 29 juin 2007 un jugement ordonnant à la SA Scarlet (FAI), de « faire cesser les atteintes au droit d’auteur » et ce, « en rendant impossible toute forme, au moyen d’un logiciel P2P, d’envoi ou de réception par ses clients de fichiers électroniques reprenant une œuvre musicale du répertoire de la SABAM». Il s’agit d’une décision inédite puisque prônant une solution de filtrage face à ce phénomène de téléchargement illégal. Elle fait toutefois actuellement l’objet d’une procédure en appel. La SA Scarlet estime en effet que par la mise en place d’un filtrage systématique des contenus de son offre d’accès à Internet, le juge viole l’interdiction d’imposer une obligation générale de surveillance des réseaux de la directive sur le commerce électronique.

En matière pénale, la Belgique a adopté la loi du 15 mai 2007 relative à la répression de la contrefaçon et de la piraterie de droits de propriété intellectuelle. Elle prévoit l’attribution de pouvoirs de recherches et de constatation des infractions à des agents du SPF Finance et aux agents de la Direction Générale du Contrôle et de la Médiation du SPF économie: la DGCM. Malgré ses nouveaux pouvoirs, la DGCM n’aurait encore reçu aucune plainte. Selon le Ministre Van Quickenborne (question parlementaire n°84 du 3 juillet 2008) « cela peut s’expliquer par le fait que l’asbl BAF (Belgian Anti-piracy Federation), dont l’objectif consiste à défendre les intérêts de l’industrie et du film et du jeu vidéo dans la lutte en Belgique contre les copies illégales et la piraterie en ligne, a toujours saisi jusqu’à présent les services de la police des atteintes aux droits de propriété intellectuelle de ses membres en matière de téléchargement illégal sur Internet. »

Parallèlement, mentionnons qu’il existe un outil qui est né de la concertation entre le SPF économie et le Fédéral Computer Crime Unit de la police judiciaire fédérale (FCCU). Il s’agit du point de contact en ligne « eCops » qui permet, à tous les utilisateurs d’Internet de signaler des délits commis sur ou via Internet.

Outre la voie juridique, les acteurs du secteur ont souhaités coopérer pour résorber l’offre illégale sur Internet. Ainsi, déjà en 1999, fut signé un protocole de coopération entre l’association belge des fournisseurs d’accès Internet (ISPA) et les ministres de justice et des Telecoms. Cet accord prévoit entre autre des mécanismes de relais d’informations entre les deux instances et des mesures plus concrètes liées au blocage d’accès des contenus illicites sous l’égide de l’autorité judiciaire. Plus récemment, en 2005, cette même association (ISPA) et les représentants de l’industrie musicale (IFPI) ont conclu un accord visant à lutter contre la distribution illicite de musique en ligne via les nouveaux groupes de discussions. Selon cet accord, l’IFPI peut solliciter de l’ISPA qu’elle bloque l’accès des groupes de discussion qui contiennent une quantité substantielle de contenus musicaux illicites ou de liens vers de tels contenus. Cette tendance se généralise en outre hors Belgique, notamment en Grande Bretagne ou encore en France avec les accords récents conclus entre la société Daily Motion et les sociétés de gestion des droits d’auteur, grâce auxquels elles pourront percevoir des droits pour les œuvres de leurs membres exploitées sur ce site de partage de vidéos.

Notons enfin que la lutte contre la contrefaçon est abordée dans le plan d’action 2008-2009 pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale présenté le 2 juillet 2008 par Carl Devlies qui milite pour une collaboration des services douaniers et les autres administrations fiscales avec des services tels la Federal Computer Crime Unit de la police fédérale et la cellule « Veille Internet » du SPF économie à cet effet.

Une réelle volonté de coordination

Il existe ainsi une réelle volonté politique de coordination entre les services compétents, au niveau fédéral, ce dont on peut se réjouir.

Par ailleurs, on constate que la Belgique est restée à l’abri des débats passionnés principalement en France, sur la riposte graduée, en attendant que l’Europe se prononce. Ce statut quo n’a toutefois pas empêché un juge d’ordonner d’un fournisseur d’accès internet qu’il bloque les sites de téléchargement illégaux, ni la mise en place dans la pratique, de mécanismes visant à endiguer le piratage en ligne.

Mais, au-delà de ces réactions éparses, face à un phénomène complexe appelé à évoluer impunément si rien n’est entrepris, il reste urgent de trouver une solution commune, équilibrée, durable et efficace permettant en outre la promotion d’offres légales attrayantes.

Une telle solution s’avère être du ressort de nos instance européennes dont on attend une réaction rapide qui pourrait, à terme, supplanter toutes les initiatives nationales ponctuelles inconciliables avec un instrument tel qu’Internet.

L’heure tourne.

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