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Fichage et bracelet électronique, nouveaux remèdes contre la folie ?

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L’annonce, le 2 décembre 2008, par le Président de la République du projet de réforme de la psychiatrie a déjà suscité de nombreuses réactions de la part des professionnels du secteur. Si les mesures envisagées posent des questions du point de vue médical, elles soulèvent également – tant en leur principe qu’en leur mise en oeuvre – des interrogations tout aussi fondamentales en droit, notamment au regard de la loi Informatique et libertés.

Quiconque confronté à la maladie mentale le dira : trouver le bon remède à la folie est chose délicate[1]. Dans les cas les plus graves, comme ceux dont a été victime Luc Meunier, poignardé par un schizophrène échappé d’un hôpital psychiatrique, la solution paraît à première vue simple : renforcer la sécurité au sein de ces hôpitaux.

Telle est la direction que semble privilégier le président de la République, comme il l’a annoncé au cours de sa visite dans un établissement psychiatrique. Une première pour un chef d’État.

Parmi les mesures envisagées, deux attirent particulièrement l’attention : le fichage des personnes hospitalisées d’office sur décision du préfet et leur placement, sans qu’ils y consentent, sous bracelet électronique.

La première est un serpent de mer. Déjà envisagée par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, cette idée a été abandonnée à l’issue du débat sur la prévention de la délinquance[2], puis réintroduite discrètement lors de l’adoption de la loi sur la rétention de sûreté et la déclaration d’irresponsabilité pénale[3].

Rappelons en effet que toute personne déclarée irresponsable pour troubles mentaux est inscrite au casier judiciaire, dès lors que le juge l’assortit de mesures de sûreté aussi courantes que l’interdiction d’entrer en contact avec la victime.

Même étendu à toutes les personnes hospitalisées d’office, on comprend mal comment un fichier centralisant les informations déjà recueillies au sein de chaque hôpital psychiatrique peut être un remède à la folie, puisque, de toute évidence, il ne les empêchera pas, à lui seul, de commettre l’irréparable.

Fort de ce constat, l’autre mesure phare de réforme de la psychiatrie serait d’imposer aux patients jugés les plus dangereux de porter un bracelet électronique permettant de les localiser à tout instant.

La solution n’est pas nouvelle en matière de santé. Elle se généralise en effet au sein des maisons de retraite et des maternités. Leur finalité est simple. Il s’agit de protéger, contre les risques d’abus ou d’enlèvement par exemple, les personnes vulnérables, en raison de leur âge ou de maladies comme Alzheimer dont elles sont atteintes.

Aussi légitime soit-elle, cette utilisation soulève d’importantes questions au regard des libertés, notamment celle d’aller-et-venir.

Questions d’autant plus préoccupantes que le but poursuivi, dans le cas des malades mentaux les plus graves, n’est pas de les protéger contre les dangers de l’extérieur mais, à l’inverse, de protéger le public contre les agressions qu’ils pourraient commettre.

En cela, le bracelet électronique n’a pas d’aspect thérapeutique. Il s’apparente à son utilisation dans le cadre des articles 131-36-9 et suivants du Code pénal envers les personnes condamnées. Pourtant, la situation de ces personnes est différente de celle des malades mentaux, sauf à considérer ces derniers condamnables et déjà condamnés en raison des troubles dont ils sont atteints.

Dans le dispositif envisagé, cette différence serait prise en compte, en se passant du consentement du malade, alors qu’il est requis pour la personne condamnée. À tout le moins, devrait-on faire intervenir, en plus du préfet décidant l’hospitalisation d’office, le juge, seule autorité compétente pour apprécier l’altération des facultés mentales sur le consentement. Car ce qui est en jeu, c’est non seulement l’interdiction d’aller-et-venir pour garantir l’ordre public, mais aussi de se passer de l’accord préalable d’une personne.

En tout état de cause, l’obligation de placer les malades mentaux les plus graves sous bracelet électronique ne saurait constituer une peine, ni en avoir les effets, sous couvert d’éviter au personnel de jouer les surveillants au détriment de leur mission de soins.

Dans ce contexte, espérons que les voix de la famille de Luc Meunier comme celles des professionnels du milieu psychiatrique, appelant à ne pas se précipiter, seront entendues.

Espérons aussi que des autorités, à l’instar de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, compétente en matière de bracelet électronique et réfléchissant actuellement sur leur utilisation à l’égard des personnes vulnérables[4], interpellent le gouvernement comme cela a été le cas pour EDVIGE.

Ne pas prendre en compte ces considérations ferait un peu plus basculer l’idée de justice qui sous-tend notre modèle d’État dans un principe de précaution visant à protéger la société contre les individus « dangereux » ; concept auquel le droit français – méfiant à l’égard d’une analyse prétendument objective de la dangerosité – a toujours été réticent…jusqu’à l’adoption de la loi sur la rétention de sûreté.


[1] S. Luret, J-T. Ceccaldi, Vies de fous, Documentaire diffusé sur Canal + en octobre 2008.

[2] B. Viau, R. Perray, Vers le retour du fichage des personnes atteintes de troubles mentaux ?, Gaz. Pal., n°13, 13-15 janv. 2008, p. 7.

[3] Loi n°2008-174, 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour trouble mental.

[4] CNIL, La surveillance électronique des personnes vulnérables : une vraie question de société, 20 mai 2008, www.cnil.fr.

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