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Des rapports parfois difficiles entre le droit de propriété et le droit d’auteur

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C’est une évidence, les rapports entre le droit de propriété et le droit d’auteur peuvent être conflictuels. Le problème se pose la plupart du temps en ces termes : le propriétaire d’une oeuvre peut-il ou non en interdire la reproduction ? En l’état actuel de la doctrine et de la jurisprudence, aucune réponse certaine n’est…

C’est une évidence, les rapports entre le droit de propriété et le droit d’auteur peuvent être conflictuels. Le problème se pose la plupart du temps en ces termes : le propriétaire d’une oeuvre peut-il ou non en interdire la reproduction ? En l’état actuel de la doctrine et de la jurisprudence, aucune réponse certaine n’est possible. Néanmoins, il peut être intéressant de procéder en distinguant les lieux où ces deux droits peuvent s’affronter.

L’objet que l’on veut reproduire se trouve dans un espace librement accessible au public (parc, rue, place publique etc.)

A cet égard, une doctrine majoritaire, tant en France qu’en Belgique, estime que le droit de propriété ne permet pas en lui-même de s’opposer à la reproduction de l’image d’une chose qui est accessible sans l’autorisation du propriétaire. Pour que le propriétaire puisse s’opposer avec succès à la reproduction de l’image de son bien, il faudra qu’il démontre en outre qu’il y a là atteinte à son droit au respect de la vie privée. Cela pourra sans doute être le cas si d’aventure l’œuvre que l’on vise à reproduire se trouve dans son jardin privé. (R. LINDON, “ La création prétorienne en matière de droit de la personnalité et son incidence sur la notion de famille : la vie privée et l »image, le nom, la sépulture, les souvenirs de famille, les lettres missives, la défense de la considération, le droit moral de l’auteur”, Paris, Dalloz, 1974, p.40, n° 80; H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, Les personnes, p.66 ; KAYZER, “L’image des biens”, D., 1995, Chron., p. 292 et Paris, 27 mars 1987, D., 1987, IR, p.116.)

Au contraire, la jurisprudence, récemment confirmée par un arrêt de la Cour de cassation française, a tendance à considérer que le droit de propriété de la chose (meuble ou immeuble) confère à son propriétaire le droit de s’opposer à toute reproduction de l’image de celle-ci (sur les arrêts de cassation voir Cass. Civ. (fr.), 10.3.1999, D. 1999, Jur., p.319, avec les conclusions de l’avocat général Sainte-Rose. Bien qu’en l’espèce, il était surtout question de condamner l’utilisation commerciale de l’image du bien, la motivation de l’arrêt laisserait entendre, selon certains commentateurs, que le droit de jouissance qu’accorde l’article 544 du Code civil au propriétaire d’un bien matériel, meuble ou immeuble, lui permettrait d’exploiter seul ce dernier de la manière la plus absolue qui soit ( !), M. CORNU, note sous Cass. Civ. (fr.) du 10 mars 1999, RIDA, n° 182, Octobre 1999, pp. 151 à 173. Pour sa part, Cornu recommande plutôt aux juridictions qui seraient saisies de ce cas d’espèce de rechercher un équilibre plus mesuré des droits en présence, dès lors qu’il admet, sous toutes réserves des circonstances, le principe d’un usage privatif dans le chef du propriétaire, en tout cas vis-à-vis d’un bien mobilier, qui n’est pas d’ordinaire au public, p. 173 ; A. FRANCON, « Chronique de législation et de jurisprudence françaises », RTD com, 52 (2), Avril/Juin 1999, p. 398, qui souligne que cet arrêt confère au propriétaire un droit sur l’image de son bien (!). Il précise toutefois que deux limites peuvent facilement surgir : l’abus de droit, d’une part, et le refus de reconnaître ce droit au propriétaire lorsque l’image de son bien se fond dans un ensemble, d’autre part. Enfin, il relève les griefs formulés, à raison nous semble-t-il, par d’autres auteurs : selon Crombez, il n’est pas normal qu’un propriétaire, qui n’a pas participé à l’élaboration originale de l’œuvre, puisse se prévaloir de quelque droit que ce soit sur l’image de cette création, tandis que Cornu estime, quant à lui, qu’il est choquant que le propriétaire dispose de par cette qualité d’un droit perpétuel sur l’œuvre, alors que l’auteur ne peut exercer ses droits que de façon temporaire; Egalement vis-à-vis de la gestion de l’image comme prérogative du propriétaire, voy. la note critique de P.-Y. GAUTIER, « Le droit subjectif sur l’image d’un bien, ou comment la Cour de Cassation crée de la « para-propriété intellectuelle », J.C.P., 1999, II, 10078, points 8 et suivants et M. SERNA dans sa note « Patrimonalisation de l’image et objectivation du droit à et sur l’image » sous l’intitulé de « L’exploitation d’un immeuble sous la forme de photographies porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire », J.C.P., 1999, ed. E., p. 819. Serna est cependant plus audacieux que d’autres auteurs, lorsqu’il aboutit à la conclusion selon laquelle le droit à et sur l’image du bien n’est en définitive pas un des composants du droit de propriété de son titulaire, tel que l’énonce la cour suprême, mais bien un droit parallèle sui generis; Contra. cette décision, celle de la CA Paris, 31 mars 2000, RIDA, n° 187, Janvier 2001, p. 300, qui a dénié aux propriétaires d’un bien immeuble un droit d’autoriser ou non la reproduction d’un dessin qui ne provoquait aucun trouble de jouissance. Au surplus, il n’existait, dans le chef de l’auteur, aucune considération commerciale. Au contraire, cette diffusion répondait d’abord et seulement à un souci de pédagogie et d’information, relevant du principe constitutionnel de la liberté d’expression ; in www.lexinter.net. Egalement en ce sens voy. l’arrêt rendu par la CA Angers, 06 septembre 2002, sur renvoi de la Cour de Cassation à propos du lien direct et irréfragable entre droit de propriété et droit sur l’image des biens. Cette affaire opposait la SCI Roch Arhon, propriétaire de l’île de Roch Arhon, au Comité Régional du Tourisme de Bretagne et au photographe Philip Besson. La société reprochait au Comité d’avoir intégré une photographie prise par P. Besson et représentant l’estuaire du Trieux, dans une campagne destinée à promouvoir le tourisme en Bretagne. Elle invoquait, comme corollaire de son droit de propriété, un droit de s’opposer à l’exploitation de l’image de son bien, sans frais, par des tiers. En date du 02 mai 2001, la Cour de Cassation cassa l’arrêt rendu par la CA Rennes qui considérait favorablement l’existence d’un lien direct entre droit de propriété et droit sur l’image du bien objet de cette propriété. Elle jugea en effet que l’arrêt n’avait pas précisé « en quoi l’exploitation de la photographie apportait un trouble à l’usage et au droit de jouissance du propriétaire », excluant ainsi tout lien direct et irréfragable entre propriété et droit sur l’image des biens. La Cour d’Appel d’Angers a confirmé la solution, constatant en outre l’absence de motivation mercantile de la part du Comité Régional et du photographe, et le caractère purement hypothétique du trouble allégué par les propriétaires, www.courdecassation.fr, www.legalnews.fr. et L. RAPHAEL, « Dur, dur d’immortaliser le patrimoine », La Libre Belgique, 02 janvier 2003, p. 35. ; CA Grenoble, 15.7.1919, DP 1920, 2, p.9, note Rouat; Civ. Seine, 15 janvier 1952, Gaz.Pal.,1952, 1, p.164; TGI Seine, 1 avril 1965, J.C.P., 1966, II, p.14 572; TGI Paris, 8 octobre 1970, J.C.P., 1971, IV, p.182; TGI Paris, 13.6.1973, Gaz.Pal.1974, 1, p.27, note Frémond; CA Metz, 26.11.1992, D. 1994, som. p.161, obs. Robert; CA Paris, 12.4.1995, JCP 1997 II n°22805-22806).

Certains auteurs réagissent et estiment qu’en tout état de cause, le propriétaire commettrait un abus de droit s’il empêchait, sans aucune raison valable, qu’une oeuvre dont il est propriétaire puisse être portée à la connaissance du public (C. CARON, « Abus de droit et droit d’auteur : une illustration de la confrontation du droit spécial et du droit commun en droit civil français », RIDA, n° 176, Avril 1998, p. 47. En ce sens également, M. CORNU, op. cit.,p. 157 et C. V. LOPEZ, «Nouveaux aspects du droit d’exposition : analyse comparative », RIDA, n° 179, Janvier 1999, pp. 79 et 105.).

L’objet que l’on veut reproduire se trouve dans un espace privé ouvert au public (musée, galerie etc.) ou dans un local privé non ouvert au public (maison particulière, entreprise, etc.)

En ce cas, le propriétaire des lieux pourra valablement subordonner l’accès à ces lieux privés aux conditions qu’il détermine. Le cas échéant, la réalisation de reproductions en violation des conditions imposées (règlement du musée, document de la société précisant les conditions d’accès du photographe à ses ateliers, etc.) pourrait engager la responsabilité contractuelle de leur auteur. (F. DE VISSCHER et B. MICHAUX, « Précis du droit d’auteur et des droits voisins », Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 60, n° 76, tandis que Lucas précise qu’un musée ne peut en principe pas prétendre à subordonner systématiquement à autorisation toute reproduction des œuvres en sa possession, A. LUCAS, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 1994, n° 228.)

En France, certains estiment cependant que l’Etat ou les collectivités publiques ne pourraient pas refuser dans certains cas la reproduction de leurs collections, à raison même de leurs destinations collectives (M. CORNU, op. cit., p. 161.). Il en serait de même pour les propriétés privées ouvertes au public dès lors que cette affectation ne fait aucun doute.

Par contre, si l’œuvre est dans un local privé non ouvert au public, le propriétaire du support matériel d’un oeuvre pourra le cas échéant s’appuyer sur son droit au respect à la vie privée pour refuser valablement l’accès à cette œuvre, « dès lors qu’il s’est clôt » dans sa propriété privée.( P.-Y. GAUTIER, « Le droit subjectif sur l’image d’un bien, ou comment la Cour de Cassation crée de la « para-propriété intellectuelle », op. cit., point 3 ; M. A. GALLOT LE LORIER et V. VARET, La création multimédia, Pratiques du Droit, Economica, 2000, pp. 46 et 47 et A. FRANCON, Ibidem, lorsqu’il cite une décision du Tribunal de Grande Instance de Seine du 1er avril 1965, J.C.P, 1996, éd. G.II.14572, note M.L.).

Toutefois, en Belgique, il résulte de l’article 3, §1, al.3, de la loi sur le droit d’auteur de 1994 que l’on ne peut s’opposer à la reproduction de l’objet en cause par le titulaire des droits d’auteur sur cet objet ou toute personne autorisée par lui. Par conséquent, un libre accès (raisonnable) à l’œuvre en cause pour réaliser les reproductions nécessaires doit être autorisé. (F.DE VISCCHER et B. MICHAUX, op. cit., p. 319, n° 399.)

L’objet que l’on veut reproduire est une photographie qui est la propriété matérielle d’autrui

Le propriétaire de la photographie ne peut en principe pas s’opposer à la reproduction sur base des droits d’auteur, sauf s’il bénéficie d’une cession de l’auteur. Par contre, comme propriétaire, il peut refuser de se dessaisir de la photographie, ou en subordonner l’usage par autrui aux conditions qu’il détermine. A nouveau, celui qui méconnaît ces conditions engage sa responsabilité contractuelle.

Conclusions finales

Ce n’est pas parce qu’on acquiert le support de l’œuvre que l’on acquiert les droits d’auteur, et inversement (Les dispositions contractuelles relatives à la cession d’un objet qui « incorpore » une œuvre sont de stricte interprétation. Elles ne peuvent impliquer aucun octroi de droits intellectuels, F. DE VISSCHER et B. MICHAUX, op. cit., p. 317, n° 397 et A. BERENBOOM, Le Nouveau Droit d’Auteur et les droits voisins, Larcier, Bruxelles, 1995, p. 102, n° 72.).

Ainsi, on peut acquérir les droits d’auteur sans avoir obtenu le consentement du propriétaire de l’objet matériel.

Cela signifie donc concrètement que le propriétaire de l’œuvre “matérielle” ne peut pas disposer du droit de reproduction sans le consentement de l’auteur. En outre, il ne peut pas porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre, car l’auteur peut en principe s’opposer à toute modification ou tout aménagement, sous réserve d’un éventuel…abus de droit dans le chef de ce dernier (P. VAN DEN BULCK, « Propriété Intellectuelle : le prix de l’originalité », Trends-Tendances, 25 mars 1999, pp. 70 et 71 et A. BERENBOOM, op. cit., p. 134, n° 101 et 102.) !

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