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Comme la France avant elle, la Belgique nationalise la gestion du .be

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Vu l’importance du ccTLD pour l’économie nationale, la Belgique crée un cadre juridique qui lui permet de reprendre la main sur la gestion du .be. Une entité privée est chargée de gérer le domaine .be conformément à la loi et sous la supervision de l’autorité de régulation des télécoms. C’est une première dans un pays habitué depuis 20 ans à une gestion privée du domaine national.

Pourquoi l’Etat reprend-il la main ?

Pourquoi, dans un pays habitué à une gestion purement privée du ccTLD national, changer son fusil d’épaule ?

La réponse est dans les travaux préparatoires de la loi : « Le domaine géographique de premier niveau.be(ccTLD) est une composante importante de l’infrastructure Internet belge et le bon fonctionnement du système des noms de domaine est vital pour notre économie.

L’hypothèse de base des nouveaux articles 164/1 et 164/2  est que même dans le cas où les autorités belges n’ont pas de responsabilité directe à l’égard du bureau d’enregistrement de noms de domaine qui gère le nom de domaine de premier niveau belge.be, un échec sérieux du bureau d’enregistrement de noms de domaine aura pour conséquence que les autorités devront prendre les mesures nécessaires, ne fût-ce qu’en raison de l’absence de parties ou structures stables, afin d’assurer l’accessibilité de noms de domaine basés sur le suffixe.be et d’assurer ainsi la continuité de l’Internet belge. Une implication des autorités en cas d’échec sérieux du bureau d’enregistrement de noms de domaine est également inévitable vu le rôle important de l’économie numérique et les attentes légitimes de l’utilisateur Internet et des entreprises. Les autorités adopteront les mesures appropriées lorsque c’est nécessaire dans l’intérêt public afin d’assurer la stabilité de l’Internet belge.

Bien que pour des raisons historiques, il n’y ait pas d’intervention publique dans la gestion du nom de domaine de premier niveau belge.be, il ne fait aucun doute qu’une telle gestion équivaut à l’exercice de l’autorité publique et sert à certains aspects de l’ordre public belge. Des aspects importants du fonctionnement de la société belge, tels que l’exercice de la liberté d’expression, la liberté de la presse, les services publics (e-government et autres initiatives publiques) et le fonctionnement économique et social des entreprises et les liens sociaux des citoyens, sont ainsi basés dans une large mesure et de manière sans cesse croissante sur des noms de domaine de type.be. »

Le système mis en place

La loi définit le « Bureau  d’enregistrement  de  noms  de  domaine  Internet » comme suit : « une entité qui tient à jour un registre de noms de domaine et qui exploite un système de sorte que ces noms de domaine puissent être utilisés pour obtenir un accès à des adresses de protocole Internet ou d’autres informations via l’Internet. » Concrètement, le bureau d’enregistrement est donc chargé d’administrer le .be : fixer les règles, assurer la continuité du service, prévoir les procédures nécessaires, etc. Il est l’équivalent de l’Afnic en France.

Plutôt que de confier cette mission à l’autorité de régulation des télécoms, la loi en délègue l’exercice à une entité privée qui :

  • Possède un lieu d’établissement et un siège d’exploitation permanents en Belgique, sans préjudice de la possibilité pour l’intéressé de dédoubler une partie de son infrastructure technique à l’étranger, dans le seul but d’améliorer la fiabilité du service;
  • Se présente sous la forme d’un organisme sans but lucratif (l’équivalent belge de l’association-loi 1901 en France).

On eût préféré que le lieu d’établissement soit impérativement fixé « à Bruxelles » plutôt que « en Belgique ». Cela aurait permis à tous les citoyens d’exercer un éventuel recours contre le bureau dans la langue de leur choix. Actuellement, le siège de DNS.be est situé en Flandre ce qui contraint en principe les 4 millions de francophones à assigner en néerlandais, ce qui est pour le moins malaisé. Certes, DNS.be se montre courtois et accepte généralement de comparaître volontairement à Bruxelles en français, si la demande lui est faite, mais il aurait été plus sage de profiter de l’adoption de la loi pour imposer le siège à Bruxelles, capitale de l’État fédéral.

La loi stipule que le bureau d’enregistrement « organise, administre et gère le domaine de premier niveau ".be" dans l’intérêt général et selon les principes de qualité, d’efficacité, de fiabilité et d’accessibilité. » Par ailleurs, le bureau est tenu par la loi de respecter les critères de qualités qui font parti du cahier des charges ayant précédé sa désignation.

Au niveau financier, la loi reprend un principe bien connu dans les télécoms selon lequel le bureau « facture pour ses prestations une indemnité directement liée aux frais réellement encourus ». Il s’agit donc d’une tarification orientée vers les coûts réels, ce qui est cohérent avec l’exigence relative à la forme du bureau qui doit être une association sans but lucratif.

Une procédure d’urgence permet à l’autorité de régulation des télécoms de reprendre les choses en main si le bureau est défaillant dans l’exercice de sa mission ou ne l’exerce pas correctement. « En cas d’urgence, l’Institut peut désigner immédiatement un nouveau bureau d’enregistrement de noms de domaine Internet du domaine de premier niveau " .be " à titre provisoire. » Egalement, le Bureau « met, selon les modalités déterminées par l’Institut, gratuitement à la disposition de l’Institut les installations qu’il a prévues de sorte que le passage à un nouveau bureau d’enregistrement des noms de domaine puisse se faire de manière efficiente et efficace, sans interruption de service sérieuse. Ces installations comprennent au minimum un registre actualisé des noms de domaine et de toutes les informations afférentes des titulaires des noms de domaine selon la périodicité et les modalités fixées par l’Institut sous une forme pouvant être utilisée immédiatement en cas d’échec sérieux du bureau d’enregistrement des noms de domaine Internet et afin de garantir la stabilité de l’Internet belge. »

Un Etat peut-il ainsi reprendre la main ?

Au niveau de l’ICANN

On sait que le système mondial des noms de domaine est géré au sommet par l’ICANN.

Comment l’ICANN voit-elle donc l’intervention des états ? Réponse : de façon assez détachée.

Autant l’ICANN se mêle étroitement des gTLDs, autant il prend soin de laisser la main aux Etats dans la gestion des extensions nationales. Cette liberté laissée aux Etats va jusqu’à la désignation du registre national responsable de la gestion du système. Ceci découle expressément des « principles and guidelines for the delegation and administration of ccTLDs » (version du 5 avril 2005, toujours applicable) qui prévoient même la faculté de remplacement du registre : “3.4 ‘Re-delegation’ means the change of the person or body responsible for the administration of a ccTLD Registry effected by ICANN/IANA upon receipt of an authoritative request”. Quant à l’article 7 stipule que : “Delegation and re-delegation is a national issue and should be resolved nationally and in accordance with national laws, taking into account the views of all local stakeholders and the rights of the existing ccTLD Registry. Once a final formal decision has been reached, ICANN should act promptly to initiate the process of delegation or re-delegation in line with authoritative instructions showing the basis for the decision”.

Au niveau national

Et sur le plan national, est-ce sans problème ?

Réponse : non, pas vraiment, du moment que c’est le législateur qui encadre système, et non le pouvoir exécutif. Le problème est donc plus politique que juridique.

La façon dont la France a réglé le problème montre bien les contraintes qui existent en droit interne.

Le cadre juridique des noms de domaines rattachés au territoire national est défini par les articles L. 45 et L. 45-1 à 6 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE), tel qu’amendé par la Loi no. 2011-302 du 22 mars 2011. Il est prévu que l’attribution et la gestion des noms de domaine rattachés à la France « sont centralisées par un organisme unique dénommé office d’enregistrement » qui est désigné par « le ministre chargé des communications électroniques, (…) par arrêté, (…) après consultation publique, pour une durée fixée par voie réglementaire. » La même loi prévoit les conditions d’enregistrement des noms de domaine.

Dans sa première version, le législateur français avait délégué entièrement au ministre compétent, à la fois la désignation de l’office d’enregistrement et la mise au point des conditions d’attribution des noms de domaine en .fr.

L’opposition a introduit un recours devant le Conseil constitutionnel, au motif que l’ancien article 45 était inconstitutionnel parce qu’il « laiss[ait] à l’autorité administrative [le Ministre compétent] et aux organismes [les offices d’enregistrement] désignés par elle une latitude excessive pour définir les principes d’attribution des noms de domaine et omet[tait] ainsi de fixer un cadre minimal et des limites à leur action, en méconnaissance de l’étendue de sa propre compétence par le législateur. »

Le 6 octobre 2010, le Conseil a rendu une décision confirmant l’inconstitutionnalité en se fondant sur la liberté d’entreprendre, protégée par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le droit a la libre communication des pensées et des opinions, protégé par son article 11, et le droit a la propriété, protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, argumentant « qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services dans la vie économique et sociale, notamment pour ceux qui exercent leur activité en ligne, l’encadrement, tant pour les particuliers que pour les entreprises, du choix et de l’usage des noms de domaine sur internet affecte les droits de la propriété intellectuelle, la liberté de communication et la liberté d’entreprendre ».

Le Conseil poursuit : « Considérant que l’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques confie à des organismes désignés par le ministre chargé des communications électroniques l’attribution et la gestion des noms de domaine "au sein des domaines de premier niveau du système d’adressage par domaines de l’internet, correspondant au territoire national"; qu’il se borne à prévoir que l’attribution par ces organismes d’un nom de domaine est assurée "dans l’intérêt général, selon des règles non discriminatoires rendues publiques et qui veillent au respect, par le demandeur, des droits de la propriété intellectuelle"; que, pour le surplus, cet article renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser ses conditions d’application ; que, si le législateur a ainsi préservé les droits de la propriété intellectuelle, il a entièrement délégué le pouvoir d’encadrer les conditions dans lesquelles les noms de domaine sont attribués ou peuvent être renouvelés, refusés ou retirés ; qu’aucune autre disposition législative n’institue les garanties permettant qu’il ne soit pas porté atteinte à la liberté d’entreprendre ainsi qu’à l’article 11 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; qu’il en résulte que l’article L. 45 du code des postes et des communications électroniques doit être déclaré contraire à la Constitution. » (Nous soulignons.)

Le Conseil constitutionnel a enfin précisé qu’aucune autre disposition législative n’instituait les garanties permettant qu’il ne soit pas porté atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté de communication.

En conclusion, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur aurait dû lui-même encadrer les conditions dans lesquelles les noms de domaine en .fr sont octroyés, y voyant une garantie minimale de nature à s’assurer qu’il n’est pas porté atteinte aux droits précités et en particulier à la liberté d’entreprendre.

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