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Brevet communautaire : vers une vraie harmonisation européenne ?

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Comme le rappelait récemment Frits Bolkestein, commissaire européen en charge du marché intérieur, les entreprises européennes réclament depuis longtemps l’accès à une protection paneuropéenne par les brevets à un coût raisonnable, avec un minimum de formalités administratives et un maximum de sécurité juridique. Pour stimuler l’innovation, il faut en effet pouvoir garantir aux inventeurs que…

Comme le rappelait récemment Frits Bolkestein, commissaire européen en charge du marché intérieur, les entreprises européennes réclament depuis longtemps l’accès à une protection paneuropéenne par les brevets à un coût raisonnable, avec un minimum de formalités administratives et un maximum de sécurité juridique.

Pour stimuler l’innovation, il faut en effet pouvoir garantir aux inventeurs que leur création puisse bénéficier d’un système de protection efficace et adapté. Or, faute d’harmonisation suffisante, l’Europe présente, sur ce plan, quelques faiblesses.

Et ce constat n’est pas récent. Depuis plusieurs décennies déjà, la protection uniforme du brevet donne lieu à des débats houleux en Europe.

Il semblerait toutefois que l’on ne soit plus très loin d’une solution. Lors du Conseil européen du 26 mars dernier, la présidence irlandaise a d’ailleurs rappelé la nécessité de régler cette question rapidement.

L’idée du brevet communautaire existe déjà depuis 30 ans

Depuis plus de trente ans, les Etats européens tentent d’harmoniser leur droit des brevets. Ainsi, en 1973, ils posent le premier jalon de cette harmonisation en adoptant la Convention de Munich sur le brevet européen. C’est d’ailleurs toujours cette convention qui régit notre système actuel en matière de brevet. Elle prévoit une procédure unique de délivrance de brevets européens et crée à cette fin l’Office européen des brevets (OEB) à Munich. Si la procédure est unique, le titre délivré, lui, ne l’est pas. Dès sa délivrance, le brevet européen se décompose en un faisceau de brevets nationaux, relevant chacun du droit interne des Etats que son titulaire a désignés. C’est bien là la limite du système.

L’idée d’instaurer un brevet “communautaire”, c’est-à-dire un titre unique couvrant le territoire de l’Union Européenne, est venue très peu de temps après l’adoption du brevet européen. Dès 1975, cette idée a pris corps dans une convention signée à Luxembourg. Toutefois, faute de ratification par l’ensemble des Etats membres, cet instrument communautaire n’est jamais entré en vigueur. Une nouvelle tentative en 1989 n’a pas connu plus grand succès. L’Accord de Luxembourg de 1989 n’est en effet, lui non plus, jamais entré en vigueur.

Relance du projet en 2000

C’est finalement en 2000 que les discussions sur le futur brevet communautaire ont été relancées par le Conseil européen à l’occasion du congrès de Lisbonne annonçant un programme général destiné à accroître la compétitivité des entreprises européennes. Immédiatement après cette réunion, la Commission Européenne a présenté une proposition de Règlement sur ce sujet.

Sur base de cette proposition de la Commission, un accord politique est intervenu le 3 mars 2003 au sein du conseil des ministres de l’Union européenne. Une approche politique commune a pu être adoptée concernant les grandes lignes du futur brevet communautaire.

On espérait que la réunion du Conseil “compétitivité” du mois de mars 2004 finalise le projet mais malheureusement les quinze n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les derniers aspects du brevet communautaire qui posent problème. On attend donc avec hâte que le Conseil arrive à régler ces derniers points.

Inconvénients du système actuel de droit des brevets en Europe

A l’heure actuelle, l’inventeur qui veut protéger son invention en Europe a deux solutions : soit, il dépose une demande de brevet auprès de chacun des offices nationaux des pays dans lesquels il souhaite protéger sa création, soit, il opte pour la procédure de délivrance de brevet européen et s’adresse alors à l’OEB en désignant les Etats dans lesquels il veut obtenir la protection. Dans les deux cas, une fois délivré, les brevets sont des brevets nationaux.

Malheureusement, on observe une certaine réticence de la part des investisseurs à protéger leurs inventions dans l’Union européenne. Le nombre de brevets déposés dans l’Union est de 2,5 pour 10.000 habitants, alors que les USA sont à 4,5 et le Japon à 7.

Ce déficit est vraisemblablement dû au fait que le système du brevet européen présente deux inconvénients majeurs. Tout d’abord, une fois que le brevet est délivré à Munich, il faut le faire traduire intégralement dans les langues de tous les Etats dans lesquels le déposant veut que le brevet s’applique. Les coûts cumulés de ces traductions rendent le brevet européen excessivement cher. Le prix d’un brevet européen est en moyenne trois à cinq fois plus élevé qu’aux Etats-Unis ou au Japon (environ 50.000 € dans l’Union contre 10.300 € aux Etats-Unis et 16.450 € au Japon). La deuxième faiblesse du brevet européen provient du fait que les effets de la protection conférée par le brevet sont différents dans chaque pays désigné.

Lorsqu’une entreprise constate que son invention a été copiée dans plusieurs pays, elle doit pour se défendre entamer des procédures dans chacun des pays concernés par la contrefaçon, ce qui entraîne pour elle des frais d’avocats importants. En outre, l’entreprise s’expose à une certaine insécurité juridique dans la mesure où il y a toujours un risque que les tribunaux nationaux ne se prononcent pas tous dans le même sens.

Cette situation entraîne pour les entreprises européennes une perte importante de compétitivité par rapport à leurs concurrentes américaines et japonaises. Il est donc devenu plus qu’urgent de pallier ces inconvénients.

Le brevet communautaire s’intégrera dans le système du brevet européen

Actuellement en Europe, 27 Etats sont affiliés au système du brevet européen. On y retrouve presque tous les Etats membres de l’Union européenne agrandie. Seuls 4 futurs membres n’ont pas adhéré au système : Malte, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne.

Il ne s’agit pas d’une organisation communautaire mais bien d’une coopération inter-étatique basée sur un traité international classique: la convention de Munich de 1973.

Initiative communautaire cette fois, la proposition de règlement de la commission européenne sur le brevet communautaire n’a pas pour objectif de supprimer le brevet européen mais bien de coexister avec lui. Le brevet communautaire consiste en un titre de protection unitaire, c’est-à-dire qu’il produit des effets dans l’ensemble de l’Union européenne. Il ne peut être délivré, transféré ou annulé que pour l’ensemble du territoire de l’Union.

Pour un inventeur qui souhaite protéger son innovation dans un certain nombre de pays de l’Union, il sera financièrement plus intéressant de recourir à la formule du brevet communautaire qu’à celle du brevet européen. En pratique, le brevet communautaire sera plus avantageux dès qu’on visera une protection dans plus de 7 pays.

Le brevet communautaire devrait vraisemblablement séduire les grandes entreprises, il ne fera pas pour autant disparaître les brevets nationaux ni le brevet européen. Ces formules restent en effet intéressantes dans un certain nombre de cas. Ainsi, un inventeur pourra, pour des raisons financières, préférer ne protéger son invention que dans un seul pays. Il s’adressera alors à l’office national concerné pour demander un brevet national, ce qui constituera une solution abordable et lui permettra d’obtenir une date de priorité. La formule du brevet européen conserve également son intérêt.

Plus flexible que le brevet communautaire puisqu’elle laisse le choix des pays de protection, elle sera adaptée à celui qui désire une protection limitée à certains Etats de l’Union. De même, cette solution sera choisie si l’on veut une protection dans des Etats signataires de la Convention de Munich mais qui ne sont pas membres de l’Union.

Le système du brevet communautaire est d’ailleurs appelé à s’intégrer dans l’organisation existant pour le brevet européen organisé par la Convention de Munich. Ainsi, l’Office Européen des Brevets continuera à jouer un rôle central puisqu’il sera le seul responsable de l’examen et de la délivrance des brevets communautaires et appliquera à cette occasion les conditions de brevetabilité fixées par la Convention de Munich. Ce sera en fait un brevet européen désignant le territoire de l’Union européenne au lieu des Etats membres individuels. Il faudra d’ailleurs modifier la Convention de Munich pour permettre à l’OEB de délivrer ce nouveau type de brevet.

Première nouveauté: centralisation du contentieux

Le premier grand changement proposé par rapport au système du brevet européen est la création d’un Tribunal du Brevet Communautaire (avec une possibilité de recours devant le Tribunal de Première Instance de Luxembourg et un éventuel pourvoi devant la Cour de Justice de Luxembourg).

Toutefois, il faudra attendre 2010 pour que cette instance soit mise en place. Sous la pression de l’Allemagne, il a été décidé de prévoir une période de transition pendant laquelle les Etats membres auront la possibilité de nommer sur leur territoire des tribunaux et des cours habilités à rendre des jugements ou des décisions concernant les brevets communautaires.

On peut comprendre les réticences de l’Allemagne puisque à l’heure actuelle, avec ses trois tribunaux spécialisés, ce pays traite à lui seul plus de 50% des litiges en matière de brevets en Europe. Ce nouveau système va donc inévitablement entraîner des pertes d’emplois et de compétence pour ce pays.

Le futur Tribunal du Brevet Communautaire est organisé par deux propositions de décision du Conseil européen présentées au mois de décembre 2003 par la Commission européenne.. Cette nouvelle juridiction sera appelée à traiter les litiges en matière de contrefaçon et de validité des brevets communautaires. Les arrêts qu’elle rendra produiront leurs effets dans toute l’Union européenne, ce qui permettra d’éviter les confusions qui peuvent apparaître lorsque différentes juridictions nationales sont appelées à statuer.

Dans cette phase définitive, les tribunaux des Etats membres ne conserveront quant à eux qu’une compétence minime (contestations quant au droit au brevet entre l’employeur et l’employé, actions relatives à l’exécution forcée du brevet communautaire).

L’instauration de cette instance communautaire constituera une véritable révolution juridique. Grâce à une modification du Traité de Rome par le Traité de Nice en 2001, la Cour de Justice aura pour la première fois dans son histoire à trancher des litiges mettant en cause non plus des Etats mais des personnes privées. Pour rappel, jusqu’à présent, la Cour ne connaît des litiges privés que dans le cadre de questions préjudicielles.

On peut espérer que ce système centralisé simplifiera la vie des entreprises. Celles-ci n’auront plus à intenter des actions parallèles devant les juridictions nationales de chacun des pays où une contrefaçon est constatée. Ce système leur permettra de ne plus s’adresser qu’à une seule juridiction. De plus, il entraînera une harmonisation de la jurisprudence communautaire.

Un aspect de la procédure laisse toutefois sceptique : la langue de la procédure. Celle-ci se déroulera obligatoirement dans la langue de l’Etat membre où le défendeur est domicilié. A ce niveau là, le système du brevet européen est plus souple pour le demandeur: comme il a le choix de saisir le tribunal du domicile du défendeur ou celui du fait dommageable, il n’est pas dans tous les cas soumis à la langue de son adversaire. En optant d’office pour la langue du défendeur, la procédure du brevet communautaire met automatiquement des frais de traduction à charge du demandeur dès que celui-ci n’est pas domicilié dans le même Etat membre que son adversaire.

Deuxième nouveauté: simplification linguistique

Jusqu’à la délivrance du brevet, le régime linguistique du brevet communautaire sera le même que celui prévu dans la Convention sur le brevet européen. Cela signifie que le déposant doit présenter une demande complète dans l’une des trois langues officielles de l’OEB (français, anglais, allemand). Toutefois, le déposant aura la possibilité de déposer sa demande dans une langue autre qu’une langue de l’OEB en fournissant une traduction dans l’une des langues de l’OEB. Le coût de cette traduction sera mutualisé, c’est-à-dire supporté par le système.

Ensuite, lorsque le brevet sera octroyé – et c’est là la grande nouveauté – , seule la partie “revendication” du brevet (c’est-à-dire le cœur juridique du brevet comprenant entre 3 et 5 pages de texte) devra être traduite dans toutes les langues officielles de l’Union européenne (19 langues après l’élargissement). Les frais de traductions seront donc nettement moins élevés que dans le système du brevet européen qui oblige de traduire le brevet dans son intégralité avec toutes les descriptions techniques (souvent plusieurs dizaines de pages) dans les langues de tous les pays dans lesquels la protection est demandée.

D’après les estimations de la Commission, un brevet communautaire reviendra à environ 23.000 € contre 50.000 € pour un brevet européen couvrant les mêmes pays. En pratique toutefois, cet avantage est moins flagrant qu’il n’apparaît: on observe qu’actuellement, la majorité des entreprises choisissent d’investir dans une protection de leur invention limitée aux 8 pays les plus forts économiquement, c’est-à-dire l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse, ce qui leur coûte environ 28.500 €.

Cette simplification linguistique entraînera donc une réduction certaine du coût du brevet mais celle-ci ne sera pas exceptionnelle. Certains déplorent d’ailleurs que l’on n’aille pas plus loin en supprimant totalement les frais de traduction. Il faudrait alors se mettre d’accord sur une langue unique. On pense bien sûr à l’anglais. Mais on arrive ici sur un terrain délicat, celui de la défense de la langue et de la diversité culturelle.

Rôle des offices nationaux

A l’heure actuelle, celui qui veut protéger son invention dans plusieurs pays européens, peut contourner l’OEB et s’adresser directement à chacun des offices nationaux. Même si l’OEB joue un rôle centralisateur, les offices nationaux ont donc encore une part du gâteau.

Les Etats membres craignent toutefois que la mise en place d’un brevet communautaire ne réduise encore l’activité de leur office national. Il est évident que l’introduction du brevet communautaire viendra encore renforcer le rôle de l’OEB. Si l’inventeur opte pour la protection communautaire, il n’aura pas le choix, il devra passer par cet organisme. Le succès du brevet communautaire entraînera donc inévitablement une diminution de l’activité des offices nationaux.

Toutefois, ces offices continueront à exercer leur activité dans tous les cas où l’inventeur aura choisi, pour des raisons financières ou stratégiques, de ne déposer une demande de brevet que dans un ou dans quelques Etats. En outre, le système du brevet communautaire n’a pas totalement exclu les offices nationaux: le déposant aura en effet la possibilité de s’adresser à un office national pour effectuer les recherches d’antériorité à la place de l’OEB.

En laissant cette faculté aux inventeurs, on peut toutefois redouter que certains, qui veulent à tout prix protéger leur invention, s’adressent aux offices nationaux les moins rigoureux. Or, la recherche d’antériorité est une étape décisive puisque c’est elle qui fonde véritablement l’attribution du brevet. On risquerait alors de trouver sous le label “brevet communautaire” des brevets de qualités inégales. Ce risque devrait cependant être atténué puisque le projet prévoit que les offices nationaux qui souhaitent être compétents pour effectuer ces recherches d’antériorité devront présenter certains gages de qualité. Reste à savoir ce que cela signifiera dans la pratique.

Répartition des redevances

Les taxes de maintien en vigueur des brevets communautaires seront payables à l’Office Européen des Brevets qui en conservera la moitié pour couvrir ses coûts. L’autre moitié sera répartie entre les offices nationaux des Etats membres selon une clé de répartition qui sera déterminée par une décision du Conseil Européen.

Conclusions

On peut espérer que l’instauration à venir de ce brevet communautaire aura un impact favorable sur l’innovation en Europe. Le dépôt centralisé, la juridiction unique et la diminution des obligations de traduction devraient en effet encourager les entreprises à investir dans la création. Avec le gain de temps et d’argent que ce futur système devrait apporter, le marché du brevet pourrait également devenir accessible aux PME.

Plus d’infos ?

L’ouvrage de Paul Van den Bulck « Synthèses de Jurisprudence – Les brevets » (Kluwer, 1999).

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