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Bras de fer entre la marque et le nom de domaine (chronique de jurisprudence)

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Depuis les premières décisions jusqu’à nos jours, la jurisprudence en matière de nom de domaine et de marque a acquis une certaine maturité. L’heure est aux premiers bilans. A l’origine, la jurisprudence concernait essentiellement la protection de la marque face au nom de domaine (I). Aujourd’hui, elle protège aussi le nom de domaine face à…

Depuis les premières décisions jusqu’à nos jours, la jurisprudence en matière de nom de domaine et de marque a acquis une certaine maturité. L’heure est aux premiers bilans. A l’origine, la jurisprudence concernait essentiellement la protection de la marque face au nom de domaine (I). Aujourd’hui, elle protège aussi le nom de domaine face à la marque (II).

I) La protection de la marque face au nom de domaine

La protection de la marque face au nom de domaine varie selon que la marque est (A) ou non (B) notoirement connue.

A/ En présence de notoriété de la marque

En présence de notoriété de la marque, la jurisprudence a très tôt condamné sur le fondement de la contrefaçon de marque, le « cybersquatting », pratique consistant à déposer en nom de domaine une marque notoirement connue, dans le but de le revendre au titulaire de la marque (Affaire SFR / W3 System Inc., Tribunal de Grande Instance de Nanterre, 18 janvier 1999). La protection de la marque contre ce type de pratique s’effectue que le nom de domaine soit enregistré en France ou à l’étranger (Saint-Tropez, T.G.I Draguignan, 21 août 1997).

De façon parallèle, la jurisprudence condamne le « typosquatting », technique dérivée du « cybersquatting », qui consiste à enregistrer, non pas la marque elle même, mais un signe similaire résultant notamment d’une erreur de frappe (Affaire Lancôme Parfums et beauté c/ La S.A Grandtotal Finances Ltd, référé, TGI Nanterre 16 septembre 1999 ).

Il ressort de cette jurisprudence que la marque notoirement connue peut être protégée même en l’absence d’exploitation du nom de domaine. Les juges considèrent en effet que le seul fait d’enregistrer en nom de domaine, une marque notoirement connue, constitue un acte de contrefaçon (Affaire S.F.R précitée).

Une solution sans doute mal fondée au regard du droit des marques, mais qui pourrait se justifier par l’article L.713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle (C.P.I), lequel protège sur le terrain de la responsabilité civile, l’emploi d’une marque renommée. En référé, un magistrat a aussi considéré que, lorsque le nom de domaine n’est pas exploité, il renvoie à un message d’erreur, et avilit par conséquent la notoriété de la marque (Affaire Sony France c/ Serge A, 4 novembre 1999, référé, Tribunal de Grande Instance de Nanterre).

La marque notoirement connue est donc protégée contre son enregistrement en nom de domaine à l’identique ou similaire ; et ce, indépendamment du fait qu’il ait été exploité.

B/ En l’absence de notoriété de la marque

En l’absence de notoriété de la marque, la jurisprudence applique le principe de spécialité. Autrement dit, la marque n’est protégée qu’en fonction des produits et services désignés dans son acte d’enregistrement.

Dans un premier temps, la jurisprudence se focalisait sur l’existence ou non du dépôt de la marque en classe 38, laquelle est relative aux télécommunications.

La contrefaçon était alors rejetée (Affaire Célio, T.G.I Paris, 19 octobre 1999) ou admise (Affaire SFR précitée). Mais, dans l’affaire Zebank (SA Zebank / Sté 123 Multimédia Canada Ltd et SA 123 Multimédia, Tribunal de Grande Instance de Nanterre, 2 avril 2001), les magistrats sont revenus sur cette solution en considèrant qu’il fallait examiner le contenu des sites : « il est certain que la société Zebank a protégé ses marques dans la classe 38 liée à Internet ; néanmoins, pour apprécier le risque de confusion entre le site de la société Zebank et les sites ouverts par la société 123 Multimédia Canada, il convient d’examiner leur contenu » (solution confirmée en appel : SA ZeBank c/ Sté Multimedia Canadia LTD et SA 123 Multimedia Cour d’appel de Versailles, 22 novembre 2001).

Depuis l’affaire « Zebank », les juges ne tiennent donc plus compte du dépôt de la marque en classe 38, mais de l’identité ou de la similarité des produits et services désignés, d’un côté dans l’acte d’enregistrement de la marque, de l’autre, dans le contenu du site. Si les produits et services sont identiques ou similaires, la personne ayant enregistrée le nom de domaine postèrieurement à l’enregistrement de la marque, encourt une condamnation sur le fondement de la contrefaçon.

En sens inverse, si les produits ou services sont distincts, la jurisprudence exclue la contrefaçon (Commune d’Elancourt, CA Versailles, 29 mars 2000 ; Norwich Union, ordonnance de référé, 12 mai 1999 ; Mutuelles du Mans assurances/Multimédia academy, T.G.I Bordeaux ; Affaire Léonardo TGI Nanterre, 28 mai 2001 ; Affaire Zebank précitée ).

Cette jurisprudence implique que, contrairement à la marque notoire, la marque dénuée de notoriété est protégée contre son enregistrement en nom de domaine, uniquement si ce dernier est exploité. Mais il n’en reste pas moins que le juge peut condamner, sur le fondement du droit commun, le titulaire d’un nom de domaine simplement enregistré, s’il est prouvé qu’il a, par son action, empêché le titulaire de la marque d’effectuer un tel enregistrement (Affaire Célio précitée et, en référé, Affaire Lumipharma ).

Lorsque la marque n’est pas notoire, pour qu’elle puisse prévaloir sur un nom de domaine enregistré postèrieurement, ce dernier doit, en principe, être exploité. En toute logique, la marque notoire bénéficie donc d’une meilleure protection que la marque dénuée de notoriété.

II) La protection du nom de domaine face à la marque

La protection du nom de domaine face à la marque varie selon que le nom de domaine est (A) ou non (B) notoirement connu.

A/En l’absence de notoriété du nom de domaine

La jurisprudence qualifie de droit d’occupation, le droit qui porte sur le nom de domaine (Association Le Commerce du Bois, Fédération française des bois tropicaux et américain  » FFBTA  » / Michel Pobeda et Codina Inc., TGI de Lille, Ordonnance de référé, 10 juillet 2001). Par ailleurs, dans l’affaire « Market Call », le tribunal a considèré que la protection du nom de domaine ne pouvait s’acquérir que par son exploitation (Market Call, MM. F.d.C. et Y.B. c/ Mille Mercis, Tribunal de Grande Instance de Paris, Ordonnance de référé, 27 juillet 2000).

Par conséquent, le seul fait d’enregistrer un nom de domaine ne suffit pas pour qu’il puisse antérioriser un autre signe, comme une marque. Il doit en outre faire l’objet d’une exploitation. Ensuite, il doit être disponible, ce qui signifie qu’il ne doit pas être antériorisé par un autre droit, comme une marque. Enfin, il doit être distinctif.

Pour être protégé, le nom de domaine doit ainsi être exploité, distinctif et disponible. En ce sens, sa nature juridique s’apparente à celle des autres signes distinctifs protégés sur le fondement du droit commun (nom patronymique, nom commercial, dénomination sociale). En contrepoint, il se distingue de la marque, en raison du fait que celle-ci n’a pas à être exploitée pour être protégée.

En effet, selon l’article L. 713-1 du C.P.I, « l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu’il a désignés« .

A supposer les conditions de la protection du nom de domaine réunies, la marque déposée postérieurement est en principe nulle (Affaires Océanet, T.G.I du Mans, 29 juin 1999 ; Agaphone T.G.I Paris, 23 septembre 1999 ; SA No Problemo / Sarl Capitale Studio et Sarl COMFM, Tribunal de grande instance de Paris, 3e Chbre, 27 juin 2000).

Précisons que, conformément au principe de spécialité, pour que la marque soit nulle, il convient que les produits ou services désignés par cette dernière dans l’acte d’enregistrement soient identiques ou similaires à ceux désignés par le nom de domaine (Affaire No problemo précitée).

En conclusion, un nom de domaine dénué de toute notoriété ne peut être protégé que s’il est exploité et sa protection est soumise au principe de spécialité.

B/En présence de notoriété du nom de domaine

Conformément au droit commun des signes distinctifs, le nom de domaine notoirement connu, est protégé au delà des produits ou services qu’il désigne. Autrement dit, un nom de domaine notoirement connu peut prévaloir sur une marque enregistrée postèrieurement, quelles que soient les classes de produits ou services qu’elle désigne.

Outre la marque, ce sont tous les signes distinctifs, y compris les noms de domaine eux mêmes, qui sont concernés par ce principe. Il en résulte qu’un nom de domaine notoirement connu, enregistré dans un domaine générique (.com, .net, .info, .biz etc…) ou de pays (.fr, .it, .de, etc…) donné, ne peut être enregistré postèrieurement dans un autre domaine.

Dans l’affaire « Altavista », le célèbre moteur de recherche a ainsi obtenu gain de cause à l’encontre du titulaire du nom de domaine « Altavista.fr », enregistré postérieurement à son nom de domaine « Altavista.com » (AV Internet Solutions Limited c/ Monsieur R. P., Sarl Adar Web 28/01/2000, Tribunal de commerce de Paris). En l’espèce, le nom de domaine en « .fr » n’avait pas fait l’objet d’une exploitation. Autrement dit, un nom de domaine notoirement connu est protégé indépendamment du fait que l’usurpateur l’exploite ou non.

La protection du nom de domaine notoire n’est donc pas soumise au principe de spécialité. Mais cela n’exclut pas le fait que, quelque soit sa notoriété, pour être protégé, le nom de domaine doit être exploité.

En conclusion, la jurisprudence en matière de nom de domaine et de marque protège l’un comme l’autre signe, contre les empiétements respectifs de chacun. Il ressort de ce bilan que, dans le bras de fer qui oppose la marque au nom de domaine, c’est la marque qui l’emporte en raison de sa protection en l’absence même de son exploitation.

Néanmoins, cette supériorité de la marque par rapport au nom de domaine doit être relativisée, dans la mesure où, en application de l’article L. 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, la déchéance de la marque peut être demandée en justice, lorsqu’elle n’a pas fait l’objet d’un usage pendant une durée ininterrompue de cinq ans.

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