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Affaire Areva/Greenpeace : la Cour d’appel rappelle les limites de la liberté d’expression

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Une pierre à l’édifice de la liberté d’expression en droit des marques vient d’être ajoutée par les juges de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire opposant la société Spcea dite « Areva » à l’association écologique Greenpeace (Cour d’appel Paris, 17 novembre 2006) Le Code de la propriété intellectuelle ne règlementant pas la liberté…

Une pierre à l’édifice de la liberté d’expression en droit des marques vient d’être ajoutée par les juges de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire opposant la société Spcea dite « Areva » à l’association écologique Greenpeace (Cour d’appel Paris, 17 novembre 2006)

Le Code de la propriété intellectuelle ne règlementant pas la liberté d’expression en matière de marques, les juges ont dû définir eux-mêmes, non sans hésitation, le cadre juridique et la mise en œuvre de la liberté d’expression en tant que limite au droit des marques.

Le caractère absolu du droit des marques face à la valeur constitutionnelle de la liberté d’expression ne leur rendit pas la tache aisée.

En effet, après un imbroglio juridique manifesté dans deux autres affaires célèbres, dites « jeboycottedanone » (Cour d’appel Paris, 30 avril 2003) et « Esso/ Greenpeace » (Cour d’appel Paris, 16 novembre 2005), la Cour d’appel de Paris dans l’affaire Areva vient de confirmer les solutions des ces deux espèces affirmant que le droit des marques doit céder face à la liberté d’expression lorsqu’il n’y a aucun risque de confusion du public et que la marque est utilisée en dehors de la vie des affaires.

Toutefois, les juges de la Cour d’appel dans Areva /Greenpeace, à l’inverse des deux affaires précédentes, ont reconnu le dénigrement de la marque fondé sur l’article 1382 du Code civil constituant un abus du droit à la liberté d’expression.

Les faits de l’affaire Areva/ Greenpeace

La société Spcea dont le nom commercial est Areva est titulaire de deux marques : l’une constituée par la lettre « A » stylisée et l’autre par le terme « A Areva ».

Cette société a relevé en 2002 que les sites internet de l’association Greenpeace dans le cadre de leur campagne contre l’activité nucléaire, reproduisaient la lettre stylisé « A » et la dénomination Areva associées à une tête de mort et au slogan « Stop plutonium- l’arrêt va de soit » dont les lettres reprenaient le logo, plaçant la lettre A sur le corps d’un poisson mort ou du moins mal en point.

La société Areva a donc assigné Greenpeace sur les fondements des articles L. 713.2 et L713.3 du Code de la propriété intellectuelle consacrant respectivement la contrefaçon par reproduction et par imitation.

S’enchaînent alors pas moins de quatre arrêts rendus en référé et au fond.

La liberté d’expression en tant que limite du droit des marques : une position assise des juges

Les juges des référés tant du TGI que de la Cour d’appel rejettent les demandes d’Areva fondées sur la contrefaçon pour deux raisons déjà évoquées dans les arrêts Danone et Esso :

  1. La finalité de ces imitations ne se situe pas sur le terrain commercial mais sur le terrain de la liberté d’expression et plus précisément le droit à la critique et à la caricature. En d’autres termes, l’usage de la marque par Greenpeace se situe en dehors de la vie des affaires. ;
  2. Le risque de confusion n’existe pas dans la mesure où un internaute ne pourrait pas croire que les informations diffusées sur les sites de Greenpeace proviennent de la société Areva.

Les juges du fond en première instance et en appel ont confirmé cette solution en reprenant les mêmes conditions déjà énoncées dans les arrêts Danone et Esso.

Ainsi, le cadre de la liberté d’expression au sein du droit des marques est clairement établi. La liberté d’expression doit primer sur le droit des marques et aucune contrefaçon ne peut être reconnue lorsque deux conditions sont réunies :

  1. Une absence de risque de confusion du public.
  2. Une absence d’utilisation de la marque à finalité commerciale.

L’élaboration d’un critère de reconnaissance du dénigrement

Devant les juges du fond, Areva ne se fonde plus seulement sur la contrefaçon mais également sur l’article 1382 du Code civil relatif à la responsabilité délictuelle.

Ce deuxième argument a été entendu à la fois par les juges de première instance et d’appel qui condamnent Greenpeace pour dénigrement de la marque Areva.

En effet, les juges estiment que l’association du logo Areva à la mort (une tête de mort et un poisson mort) suggérait que tout produit ou service diffusé sous ce signe était mortel et qu’Areva semait la mort.

Les juges en ont conclu que ces agissements dépassaient le cadre de la liberté d’expression et constituaient un abus de droit sanctionnable sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Cette décision pourrait paraître étonnante de prime abord. Les juges s’étant déjà penchés sur l’usage d’une marque dans un contexte polémique, n’avaient pas reconnu le dénigrement des marques Danone et Esso.

Pourtant, les faits étaient relativement similaires à ceux de l’arrêt Areva/ Greenpeace.

Dans l’affaire « Danone », deux sites internet dénommés « jeboycottedanone.com » et « jeboycottedanone.net » reproduisaient et parodiaient la marque Danone. Les juges avaient considéré ces pratiques licites dans la mesure où le risque de confusion du public n’existait pas, les sites n’avaient aucune finalité commerciale et possédaient simplement une nature polémique, les produits n’étaient pas dénigrés.

Dans l’affaire « Esso », Greenpeace avait parodié la marque en la transformant en E$$O associant ainsi le groupe pétrolier à l’argent et au profit. Une fois encore, les juges avaient débouté la société Esso de ses prétentions en reprenant les mêmes arguments que dans l’affaire Danone notamment celui affirmant que les produits n’étaient pas dénigrés.

Dès lors, on peut se demander quel paramètre a bien pu changer la donne dans l’usage du logo AREVA. A partir de quand la parodie d’une marque devient-elle dénigrante ?

En réalité, les juges opèrent une distinction entre la critique de la politique de l’entreprise (ce qui était le cas dans les arrêts Danone et Esso) et le dénigrement des produits protégés par la marque.

Dans les affaires Danone et Esso, la polémique visait l’entreprise et non la marque.

En effet, dans l’affaire Danone, les sites protestaient contre le projet de restructuration sociale de la compagnie et sa politique de licenciement tout en affirmant « on aime nos produits. On a envie de continuer à les fabriquer, on a envie que les gens continuent à les acheter« . L’absence de dénigrement ne faisait donc pas de doute.

Dans l’affaire Esso, la Cour d’appel avait relevé que sur le site de Greenpeace, les produits et services d’Esso ne souffraient d’aucune critique. La Cour avait ajouté qu’il n’était pas établi que la défenderesse avait cherché à discréditer aux yeux du public les produits protégés par la marque Esso.

En d’autres termes, la parodie de la marque servait de support pour critiquer l’entreprise et sa politique commerciale sans pour autant mettre en cause la qualité des produits et services de cette société.

Ce raisonnement a conduit les magistrats à conclure que le dénigrement n’était pas constitué, « la critique concernant la politique de la société Esso, ouverte au public par l’association Greenpeace France sur son site Internet, n’excédant pas les limites de la liberté d’expression ».

Dans l’arrêt Areva, l’association de la marque avec la mort dénonçait clairement que les produits et les activités d’Areva liés au nucléaire étaient nocifs pour la santé. La Cour reconnaissait d’ailleurs qu’en associant les marques de la société SPCEA « à une tête de mort et à un poisson au caractère maladif », Greenpeace « conduit à penser que tout produit et service diffusé sous ce sigle est mortel ». La Cour ajoute que « les associations Greenpeace vont, en raison de la généralisation qu’elles induisent sur l’ensemble des activités de la société intimée, au-delà de la liberté d’expression permise, puisqu’elles incluent des activités qui ne sont pas concernées par le but que les associations Greenpeace poursuivent en l’espèce, c’est-à-dire la lutte contre les déchets nucléaires ; qu’elles ont par cette généralisation, abusé du droit à la liberté d’expression, portant un discrédit sur l’ensemble des produits et services de la société Spcea et ont ainsi commis des actes fautifs dont elles doivent réparation ».

Par conséquent, la parodie de la marque AREVA avait pour effet de mettre en cause la qualité des produits et services d’AREVA constituant ainsi un dénigrement au sens de l’article 1382 du Code civil.

La frontière entre la critique de la politique menée par l’entreprise et le dénigrement des produits et services de cette même entreprise reste mince et subtile. En bref, l’enseignement de cette dernière décision semble être : s’il est permis d’exprimer son opinion sur la politique d’une certaine entreprise (liberté d’opinion et d’expression), il n’est pas permis de faire des affirmations ou sous entendus factuels, par ailleurs incorrects, relativement à l’entreprise ou à ces produits.

Plus d’infos ?

En lisant l’arrêt commenté sur le site Legalis.net .

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