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Vente d’objets contrefaits sur eBay: divergences franco-américaines

Publié le par - 41 vues

Les tribunaux de Paris et de New-York rendent des décisions contrastées quant à la responsabilité de eBay. Pour le juge new-yorkais, lorsqu’un problème de marque se pose, c’est aux ayant-droits d’agir pour protéger leurs droit et s’ils s’en abstiennent il peuvent difficilement accuser eBay de ne pas le faire à leur place. A Paris, par contre, les juges ont refusé de reconnaître à eBay le statut d’hébergeur ; ils considèrent que son activité correspond à du courtage en ligne soumis au droit commun de la responsabilité civile.

Contrefaçon et eBay: divergences franco-américaines

Le 30 juin 2008, le TGI de Paris a décidé de suivre les thèses des maisons Dior et Louis Vuitton Malletier. Selon ces maisons de luxe, eBay était responsable de la vente d’objets contrefaits et de détournement de circuit de distribution exclusif de marques.
Le 15 juillet 2008, un tribunal new-yorkais a décidé (également en première instance) de ne pas suivre les thèses de la maison Tiffany. Selon le célèbre joaillier, eBay était responsable de la vente de bijoux contrefaits.

New-york : eBay n’est pas responsable
Devant le juge américain, les défenseurs des ayant-droits ont exposé que eBay avait préféré fermer les yeux sur un série de ventes d’objets Tiffany contrefaits dont le site Internet avait pourtant parfaitement connaissance. Activement, il est établi que eBay avait acheté des liens commerciaux chez Yahoo et Google en choisissant le terme « Tiffany » comme mot-clef, de telle sorte qu’un internaute faisant une recherche sur « Tiffany » se voyait proposer des liens vers eBay.

L’opérateur aux enchères en ligne a pour sa part défendu l’idée selon laquelle il lui est techniquement très difficile de distinguer les originaux des copies et que malgré ces difficultés, il a mis en place un programme de lutte contre la vente d’objets contrefaits (VeRO). Etonnement, selon eBay, la maison Tiffany ne s’est pas associée au programme. La Cour le constate en ces termes : « First, the evidence doest not demonstrate that anything about the VeRO Program made it unreasonably burdensome to capture the counterfeit listings on eBay. Instead, the evidence shows that Tiffany’s commitment to reporting infringing listings through the VeRO Program has been sporadic and relatively meager.”

Aussi, alors que la maison Tiffany accusait eBay de passivité, c’est finalement elle qui s’est vue reprocher de ne pas suffisamment concourir à la protection de ses marques.
Or, et le juge new-yorkais l’a rappelé, c’est aux ayant-droits d’agir pour protéger leurs marques. A défaut, il devient difficilement acceptable d’accuser eBay de ne pas le faire à leur place.
« While the Court is sympathetic to Tiffany’s frustrations in this regard, the fact remains that rights holders bear the principal responsibility to police their trademarks. In effect, Tiffany’s contributory trademark infringement argument rests on the notion that because eBay was able to screen out potentially counterfeit Tiffany listings more cheaply, quickly, and effectively than Tiffany, the burden to police the Tiffany trademark should have shifted to eBay. Certainly, the evidence adduced at trial failed to prove that eBay was a cheaper cost avoider than Tiffany with respect to policing its marks. But more importantly, even if it were true that eBay is best situated to staunch the tide of trademark infringement to which Tiffany and countless other rights owners are subjected, that is not the law.”

En conséquence, parce que eBay n’a qu’une connaissance imprécise de faits constituant (potentiellement seulement) des actes contrefaisants, eBay ne peut être déclaré responsable. « Companies like eBay cannot be held liable for trademark infringement based solely on their generalized knowledge that trademark infringement might be occurring on their websites. »

Paris : eBay est responsable

Rejet de l’argumentaire technique
Devant les juges parisiens, l’opérateur aux enchères en ligne avait tenu un discours similaire principalement appuyé par des réalités techniques : eBay est un hébergeur au sens de l’article 6.I.2 de la Loi pour la Confiance en l’Economie Numérique (LCEN). En tant que tel, selon l’article 6.I.7 LCEN, eBay ne doit pas surveiller les contenus mis en vente par ses visiteurs. Pourtant, pour preuve de sa bonne volonté, eBay avait mis en place son programme de lutte contre la contrefaçon.

Contrairement au juge américain, les juges français n’ont pas été séduits par les bonnes intentions de eBay. Elles sont insuffisantes. Les juges n’ont pas non plus accordé foi à l’importance des difficultés techniques invoquées par eBay. Au contraire, par trois fois, ils ordonneront à eBay de mettre en place des mesures de filtrage efficaces permettant de faire le tri parmi les annonces.

Qualification de eBay
Les juges ont refusé de reconnaître à eBay le statut d’hébergeur. Ils considèrent que l’activité en ligne à laquelle se livre eBay correspond à du courtage en ligne. Celui-ci est soumis au droit commun de la responsabilité civile.
« Attendu en effet qu’il est manifeste que eBay est un site de courtage et que les sociétés défenderesses ne peuvent bénéficier de la qualité d’intermédiaires techniques au sens de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique car elles déploient une activité commerciale rémunérée sur la vente des produits aux enchères et ne limitent donc pas cette activité à celle d’hébergeur de sites Internet qui permettrait à eBay de bénéficier des dispositions applicables aux seuls hébergeurs…
Attendu qu’il est démontré…que eBay dispose d’un service commercial performant de courtage et constitue un acteur leader du commerce électronique, que ses prestations d’hébergement et de courtage sont indivisibles car eBay n’offre un service de stockage des annonces que dans le seul but d’assurer le courtage, c’est-à-dire l’intermédiation entre les vendeurs et les acheteurs, et de recevoir la commission correspondante,
Attendu en outre que le régime de responsabilité dérogatoire des hébergeurs ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous le contrôle ou l’autorité de l’hébergeur comme c’est le cas en l’espèce, eBay agissant principalement en courtier et offrant un service qui, par sa nature, n’implique pas l’absence de connaissance et de contrôle des informations transmises sur ses sites.
»

Le régime commun est beaucoup moins avantageux pour eBay et les conséquences tombent fermement : eBay est responsable de ne pas avoir veillé à empêcher la commission d’actes illicites via son activité. eBay est donc responsable de l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle des maisons de luxe ainsi que de l’atteinte à leur image.

Passivité de eBay
En effet, nombreux sont les produits contrefaits vendus sur les sites de eBay. eBay savait mais a refusé d’agir avec suffisamment d’efficacité pour enrayer le phénomène de façon substantielle.
« Attendu qu’il apparaît donc que la responsabilité de eBay est d’autant plus importante qu’elle a délibérément refusé de mettre en place les mesures efficaces et appropriées pour lutter contre la prolifération des actes illicites et ce malgré les demandes réitérés des sociétés demanderesses…
Attendu que si des mesures récentes ont été prises par eBay, elles témoignent de sa négligence passée, en l’espèce au cours des années 2001-2006, et donc de la conscience de sa responsabilité pleine et entière.
»

De plus, certains produits des maisons de luxe (tels les parfums) ne sont normalement vendus qu’au travers d’un réseau de distribution exclusif. Toutes les annonces en proposant sont donc à interdire. A défaut, il faut considérer que eBay est responsable de leur présence en ligne et que eBay a commis des fautes d’abstention, de négligence et de parasitisme.

Car, selon les juges, il était réaliste pour eBay de mettre en place une procédure basée sur le prix permettant de faire la distinction entre un produit contrefait et un produit véritable. Egalement, de mettre en place une procédure permettant de vérifier si des vendeurs à grande échelle sont inscrits au registre de commerce.

Conclusion :
La décision américaine est importante parce qu’elle cadre l’implication des acteurs du marché dans la défense de leurs marques. Les décisions françaises sont importantes parce qu’elles établissent avec précision la qualification d’une plateforme Internet telle que eBay.

A partir de faits similaires, la juridiction américaine et la juridiction française sont parvenues à des positions contrastées :

–  Quant à la capacité de eBay à acquérir une connaissance effective d’actes illicites.
–  En ce qui concerne le rôle actif de eBay dans la lutte contre la contrefaçon
–  En ce qui concerne la responsabilité de eBay.

De telle sorte qu’aucun des camps ne peut aujourd’hui crier victoire définitivement. Il faudra, au minimum, attendre les décisions en appel.

Droit & Technologies

Annexes

Tiffany c/ eBay NYC 14July2008

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