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Streaming : Dailymotion et Myspace sont responsables !

Publié le par - 14436 vues

Au coeur du développement du web communautaire, le streaming est devenu un nouveau mode d’atteinte aux droits d’auteurs. La question de la responsabilité des plateformes offrant à leurs utilisateurs la possibilité de se servir de cette technique se pose. Deux décisions récentes, l’affaire Myspace et l’affaire Dailymotion, apportent des éléments de réponses.

Avec l’augmentation des débits, des techniques inédites d’accès à des contenus sur la toile se sont développées. Tel est le cas du streaming c’est à dire la lecture en ligne d’un contenu vidéo ou audio. Jadis supplanté par l’engouement du téléchargement, le streaming occupe aujourd’hui le devant de la scène, ce processus étant souvent au cœur des sites communautaires du nouveau web. De véritables plateformes de vidéos en ligne sont apparus au premier rang desquels le célèbre Youtube, son équivalent français Dailymotion, mais encore Myspace, Peekvid, Joox.net… Chacune de ces plateformes permet aux utilisateurs de diffuser leurs vidéos sur la toile et à tout internaute de les visionner en ligne. Révolutionnaire, le système ne se cantonne pas à des vidéos amateurs et des milliers d’œuvres protégées par la propriété intellectuelle sont diffusées par ce biais.

Tout comme avec le peer to peer, la question de la responsabilité de ces plateformes se pose : s’agit-il de simple prestataire techniques de l’Internet ? Sont-ils au contraire de véritables éditeurs personnellement responsables du contenu mis en ligne ?

Les condamnations en France de deux sites emblématiques, Dailymotion et Myspace, apportent de premiers éléments de réponse

1 – Une responsabilité en tant qu’éditeur de contenu : l’affaire Myspace

L’éditeur d’un contenu est la personne directement à l’origine de ce contenu, soit qu’elle en est l’auteur, soit qu’elle en ait permit la diffusion.

Une première décision rendue par le juge des référés du TGI de Paris (TGI Paris, Ordonnance de référé du 22 juin 2007, Lafesse c/o Myspace) retient la responsabilité éditoriale du site communautaire Myspace en raison des revenus générés par les publicités sur les pages litigieuses.

Dans cette affaire, le célèbre humoriste Lafesse se plaignait d’une page litigieuse disponible sur le site Myspace et reproduisant sa photo, quelque renseignement et contacts le concernant, enfin 35 sketches diffusés en streaming.

Dans son ordonnance du 22 juin 2007, le juge des référés retient que « s’il est incontestable que la société défenderesse exerce les fonctions techniques d’hébergement, elle ne se limite pas à cette fonction technique ; qu’en effet, imposant une structure de présentation par cadres qu’elle met manifestement à la disposition des hébergés et diffusant à l’occasion de chaque consultation, des publicités dont elle tire manifestement profit, elle a le statut d’éditeur et doit en assumer les responsabilités ». Autrement dit, c’est parce que la société Myspace s’enrichit grâce aux publicités qu’elle diffuse sur chaque page de son site que sa responsabilité éditoriale est engagée, quand bien même elle n’est pas l’auteur de la page litigieuse.

En conséquence Myspace est condamné à verser à M. Lafesse 50 000 € de dommage et intérêt pour son préjudice matériel, 3 000 € pour le préjudice moral et 5 000 € pour le dommage résultant lié à ses droits de la personnalité

2 – Une responsabilité en tant qu’hébergeur de contenus : l’affaire Dailymotion

Dans une seconde affaire (TGI Paris 13 juillet 2007 Christian C, Nord Ouest Production c/o Dailymotion), le TGI de Paris prend le contre-pied de la décision Myspace et rejette expressément l’utilisation du critère des publicités pour retenir une responsabilité éditoriale. Au contraire, le tribunal retient le critère des publicités pour privilégier une responsabilité des hébergeurs de contenus définis par la LCEN (Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique du 21 juin 2004, article 6-1-7). Au sens de la LCEN, l’hébergeur est la personne qui assure le simple stockage de contenus fournis par les utilisateurs de ce service ; sa responsabilité ne peut être engagée que si ayant eu connaissance d’un contenu litigieux via leur service, il n’agit pas promptement pour en empêcher l’accès.

Dans cette affaire, les producteurs du film « Joyeux Noël » poursuivaient la société Dailymotion pour la diffusion non autorisée de ce film sur leur plateforme. En défense, la société Dailymotion invoquait les dispositions de la LCEN qu’elle estimait avoir respecté en retirant immédiatement le contenu litigieux. La décision rendue par le TGI de Paris est surprenante à plus d’un titre :

Premièrement elle considère que la LCEN n’instaure pas une exonération mais une limitation de responsabilité restreinte aux cas ou les prestataires techniques n’ont pas effectivement connaissance du caractère illite d’un contenu. Selon le tribunal, Dailymotion ne pouvait ignorer que le service qu’elle offrait serait utilisé principalement pour diffuser des œuvres protégées par le droit d’auteur et que le succès de l’entreprise supposait nécessairement la diffusion d’œuvres connues du public « afin d’accroître l’audience et les recettes publicitaires ». En conséquence, la société Dailymotion est responsable et ne peut rejeter la faute sur les utilisateurs de son service « dès lors qu’elle leur fourni délibérément les moyens de la commettre ».

Et la décision de conclure que si la LCEN n’impose pas aux prestataires techniques de l’Internet une obligation générale de rechercher des activités illicites, « cette limite ne trouve pas à s’appliquer lorsque lesdites activités sont générées ou induites par le prestataire lui-même ».

3- La sanction d’un modèle économique fondé sur l’atteinte aux droits d’auteurs

Au final, ces deux décisions reviennent à sanctionner un modèle économique s’enrichissant sur les pratiques contrefaisantes d’autrui et à faire peser sur les exploitants de ces sites une véritable obligation de surveillance.

Tour à tour, le critère des publicités a permis l’engagement d’une responsabilité éditoriale ou d’une responsabilité des hébergeurs, occultant curieusement la mise en cause de l’auteur direct des pages litigieuses. Fort probablement, la recherche d’un responsable solvable doit gouverner ce choix des juges. Cependant de sérieux doutes existent quant à l’application faite du critère des publicités : qu’il s’agisse de Myspace ou de Dailymotion, le critère des publicités aboutit à rendre responsable chaque plateforme du contenu de l’ensemble des pages diffusées sur Internet via leur service, quels qu’en soient leurs auteurs réels. Une solution qui dénature complètement la lettre de la LCEN dans l’affaire Dailymotion : l’esprit de la LCEN était d’inciter les prestataires techniques de l’Internet à la plus grade vigilance mais en proscrivant toute surveillance active du réseau de leur part. Le régime de responsabilité instauré visait à restreindre les conditions d’engagement de leur responsabilité et d’éviter des mises en causes intempestives. Force est de constater que les deux décisions précitées anéantissent le régime d’exonération de responsabilité initialement instauré et créent une réelle insécurité pour les prestataires de l’Internet.

Cette dérive est regrettable car contraire à l’esprit de la loi : l’activité de ces plateformes communautaires s’assimile à notre sens plus à un hébergement, l’éditeur demeurant l’auteur réel de chaque page. Dès lors, le critère de publicité ne devrait être utilisé que pour confondre l’hébergeur, qui mit en demeure d’empêcher l’accès à un contenu litigieux, n’obtempère pas et continue à engranger des recettes publicitaires. Dailymotion ayant fait appel de sa condamnation, osons espérer que les seconds juges corrigeront ce faux pas.

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