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Prouver le harcèlement grâce à un enregistrement secret ?

Publié le par 7734 vues

Ne peut pas être admis en justice l’enregistrement de l’entretien avec le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) réalisé à l’insu de ses membres dans le contexte d’une enquête pour harcèlement allégué, à plus forte raison lorsque la preuve invoquée a été obtenue par un stratagème.

Les faits

M. X a été embauché par la SAS Nutrition et Santé en tant que responsable commercial de secteur selon un contrat à durée indéterminée datant du 5 janvier 2010.

Suite au licenciement du responsable régional, plusieurs salariés, dont M. X, ont été convoqués à des réunions entre décembre 2016 et février 2017 pour discuter de la nouvelle organisation de la région.

Certains salariés, dont M. X, ont été placés en arrêt de travail à la suite de ces réunions, invoquant un harcèlement moral de la part de la société lors des échanges.

Le CHSCT a été saisi le 7 février 2017 par les salariés, qui ont également informé la médecine et l’inspection du travail.

Le rapport d’enquête du CHSCT datant du 2 juin 2017 ne reconnaît pas le harcèlement moral décrit, mais constate une situation de souffrance au travail, pointant une manipulation importante de la part de l’ancien manager.

Le médecin du travail a déclaré M. X inapte à son poste le 8 octobre 2018, mentionnant qu’aucun reclassement dans un autre emploi n’est possible compte tenu de son état de santé.

L’employeur a proposé des postes de reclassement au sein de l’UES Nutrition & Santé, mais ils ont été refusés par M. X qui est licencié pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement par lettre datée du 20 décembre 2018.

L’affaire se termine en justice.

La thèse principale de M. X ?

Il considère que la rupture de son contrat de travail est nulle en ce qu’avec d’autres salariés il a subi un harcèlement moral par la direction lors de diverses réunions, qui étaient dans les faits des interrogatoires menaçants et intimidants (pressions, chantages, retour sur des primes annoncées) dans le but d’obtenir leurs témoignages afin de soutenir la société dans sa démarche de licencier le responsable régional. Par ailleurs, il remet en cause le sérieux de l’enquête diligentée par le CHSCT et s’interroge sur la lenteur de l’enquête.

La preuve qu’il invoque au soutien de ses allégations ?

La retranscription de l’entretien de M. X avec les membres du CHSCT désignés pour réaliser l’enquête (enregistrement réalisé à l’insu des participants).

La Cour d’appel

La Cour souligne le « débat » qui existe « entre le principe de loyauté de la preuve en matière civile tel qu’il résulte de l’article 9 du code de procédure civile et le caractère indispensable ou non de cette production pour les droits de la partie qui s’en prévaut au regard du droit à un procès équitable ».

Il y a donc lieu pour la cour de se livrer à un contrôle de proportionnalité.

La Cour constate que :

  • Le CHSCT, saisi dans le cadre d’un droit d’alerte pour danger grave et imminent avait diligenté une enquête laquelle a été effective.
  • S’il est invoqué une collusion entre l’employeur et le CHSCT, il apparaît que l’inspecteur du travail et le médecin du travail avaient été associés à la saisine du CHSCT et qu’il est procédé de ce chef par affirmations.
  • Si M. X fait valoir que l’enquête n’a donné lieu qu’à des comptes rendus très incomplets, il n’en demeure pas moins que l’enquête a bien existé.
  • Surtout, la preuve invoquée a été obtenue par un stratagème puisque M. X avait procédé à l’enregistrement à l’insu de tous les autres participants à l’entretien. Il était ainsi le seul à savoir qu’il existerait un enregistrement et pouvait orienter ses propres déclarations en conséquence, ce qui caractérise un stratagème.

Pour la Cour d’appel, « dans de telles conditions, la production de cette pièce ne saurait être considérée comme proportionnée au but poursuivi dans le cadre d’un procès civil où la loyauté de la preuve demeure un principe fondamental » (Cour d’appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 8 avril 2022, n° 20/00042.

La Cour de cassation

La Cour de cassation valide l’arrêt d’appel :

  • Dans un procès civil, « l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats ».
  • Le juge doit, « lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

Appliquant cela en l’espèce, la Cour de cassation considère que « justifie légalement sa décision d’écarter des débats un enregistrement clandestin d’une réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) la cour d’appel qui a, d’une part relevé que le médecin du travail et l’inspecteur du travail avaient été associés à l’enquête menée par le CHSCT et que le constat établi par le CHSCT dans son rapport d’enquête du 2 juin 2017 avait été fait en présence de l’inspecteur du travail et du médecin du travail, d’autre part retenu, après avoir analysé les autres éléments de preuve produits par le salarié, que ces éléments laissaient supposer l’existence d’un harcèlement moral, faisant ainsi ressortir que la production de l’enregistrement clandestin des membres du CHSCT n’était pas indispensable au soutien des demandes du salarié ».

Plus d’infos

L’arrêt de cassation est disponible en annexe.

Droit & Technologies

Annexes

pourvoi_n°22-17.474_17_01_2024

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