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Même M. Sarkozy a droit à sa vie privée. Le TGI le rappelle à qui l’aurait oublié.

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On a beau s’appeler Nicolas Sarkozy et être candidat à la présidence de l’Etat, on a droit à sa vie privée. A ceux qui l’auraient oublié, la décision du 22 septembre 2006 du Tribunal de Grande Instance de Thonon les Bains le rappelle : toute personne bénéficie du droit au respect de la vie privée,…

On a beau s’appeler Nicolas Sarkozy et être candidat à la présidence de l’Etat, on a droit à sa vie privée. A ceux qui l’auraient oublié, la décision du 22 septembre 2006 du Tribunal de Grande Instance de Thonon les Bains le rappelle : toute personne bénéficie du droit au respect de la vie privée, quand bien même la vie de cette personne comporterait une large composante publique.

La décision est intéressante en ce qu’elle fait le départ entre les éléments de la vie privée d’une personnalité politique, protégés par le droit au respect de la vie privée, et ceux qui, comportant certaines conséquences sur les fonctions de cette personne, relèvent à ce titre du droit à l’information du public.

Les faits de la cause n’ont d’autre élément hors du commun que de concerner l’homme politique fort du moment : Nicolas Sarkozy (l’autre est … une femme). Pour le reste, l’histoire est, somme toute, relativement banale. Il en va d’un quotidien suisse, le journal « Le Matin », qui, au cours du mois de Mai 2005, publie une série d’articles et de photographies ayant trait à l’intimité de la vie conjugale de Nicolas Sarkozy, et de son épouse.

C’est sur base de l’article 9 du Code civil français, que Nicolas Sarkozy assigne en conséquence le quotidien suisse, pour violation de son droit à la vie privée.

La tâche du tribunal consistait ensuite dans le fait de déterminer si les éléments de la vie du couple Sarkozy, révélés par « Le Matin », relevaient effectivement du domaine de la vie privée de l’homme politique, ou, à l’inverse, pouvaient faire l’objet d’une divulgation au nom du droit à l’information.

La question se révélait épineuse, car, s’agissant d’une personne publique et a fortiori d’un homme politique, la limite entre vie privée et vie publique intéressant la collectivité, est plus difficile à poser.

Le principe, connu de tous, reste que tout homme, qu’il vive dans le plus parfait anonymat ou sous les feux de la rampe, se voit reconnaître un droit au respect de sa vie privée. Un homme politique dispose de ce droit au même titre que les autres (TGI Paris, Ord. Réf., 14 mai 1985, Giscard d’Estaing c/Editions Michel Lafon). La jurisprudence l’a rappelé à plusieurs reprises, « les nécessités de l’information cèdent en présence de la protection de la vie privée reconnue à toute personne, fût-elle un homme politique en période électorale ! »( TGI Paris, 1e ch., 23 avril 1997, Wetzel c/ FR3 : Legipresse, 1997, n°145, I-123).

Il reste cependant à déterminer ce qu’il faut entendre exactement par la notion de vie privée, et quels sont les éléments de la vie d’un homme public, en l’occurrence d’un homme politique, qui en font partie.

Le sujet est délicat, car les débats politiques auxquels se trouvent constamment mêlés les hommes politiques, intègrent nécessairement certaines questions liées à leur vie privée, à leurs convictions les plus profondes et à leur manière de les vivre (A. BERTRAND, Droit à la vie privée et à l’image, Paris, Litec, 1999, p. 28).

Cet élément important amène la doctrine et la jurisprudence à adopter une position nuancée, consistant à dire que « dans certains cas, notamment lorsque des faits relatifs à la vie des personnes publiques peuvent rejaillir sur leurs fonctions, ne serait-ce que par la mise en cause de leur moralité, le droit à l’information du public se trouve en conflit frontal avec la protection des droits de la personnalité. Il convient alors de déterminer dans quelles conditions, malgré le postulat incontestable de l’interdiction de toute atteinte à la vie privée, la liberté d’information reprend son empire » (R. DUMAS, Les exigences de l’information et la protection de la vie privée : Légipresse, 1995, n°126, II-83).

C’est également une position nuancée qu’adopta le TGI de Thonon les Bains le 22 septembre dernier, en distinguant d’une part les articles annonçant simplement la séparation du couple, et d’autre part, ceux concernant des éléments plus intimes de la vie privée du couple en cause.

Plus précisément, concernant les premiers types d’articles, le tribunal relève que « les intéressés ont eux-mêmes contribué, à travers des entretiens avec des journalistes de la télévision ou de la presse écrite, à porter à la connaissance du public des informations sur leur entente professionnelle renforcée par l’affection qu’ils se portaient mutuellement, de sorte qu’au-delà de leur notoriété personnelle, c’est bien le couple qu’ils formaient qui a revêtu un caractère public (…) ».

Le tribunal continue en considérant que « ce faisant, le demandeur a, lui-même repoussé les limites de la protection légale de l’article 9 du Code civil ».

Il en conclut enfin qu’en utilisant des titres d’articles tels « Nicolas et Cécilia S. rupture dans l’air » ou encore « S. largué par Cécilia », « Le Matin a porté à la connaissance de ses lecteurs un fait déjà révélé constituant un événement d’actualité », et sur lequel il n’était pas illégitime d’informer, compte tenu de la notoriété « voulue » du couple (TGI Thonon les Bains, 22 septembre 2006, Nicolas S. c/ Journal Le Matin).

A propos des autres types d’articles, par contre, le tribunal condamne Le Matin, pour violation du droit au respect de la vie privée de N. Sarkozy, en ayant révélé des faits appartenant à la vie privée du couple Sarkozy, et qui ne sont pas des faits notoires ou anodins diffusés « à l’appui d’un débat d’intérêt général ».

En conclusion, et au-delà du statut particulier du demandeur, la décision commentée fait tout simplement application des principes sous-jacents au respect de la vie privée de toute personne.

Le tribunal, en effet, suit la voie déjà empruntée par la jurisprudence et la doctrine majoritaire, et selon laquelle la diffusion d’éléments relevant de la vie privée d’une personne est légitime lorsque cette diffusion est réalisée dans un but d’information du public.

Rappelons que la solution est similaire concernant le droit à l’image où, là aussi, des exceptions se justifient au nom du droit à l’information du public.

« L’affaire Sarkozy », illustre donc à nouveau cette tension constante qui existe entre le droit à l’information du public et les droits de la personnalité (vie privée ou droit à l’image) reconnus à toute personne. Elle démontre également que cette tension est affaire de cas par cas et de balance d’intérêts en présence.

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