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L’obligation d’information du prestataire informatique à l’égard de son client

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Les processus d’informatisation des entreprises deviennent de plus en plus complexes, les solutions disponibles sur le marché se diversifient et le système informatique d’une société constitue bien souvent son organe le plus vital mais aussi son talon d’Achille. Dans ces circonstances, les décideurs procèdent rarement à des achats informatiques sans se faire conseiller par des…

Les processus d’informatisation des entreprises deviennent de plus en plus complexes, les solutions disponibles sur le marché se diversifient et le système informatique d’une société constitue bien souvent son organe le plus vital mais aussi son talon d’Achille. Dans ces circonstances, les décideurs procèdent rarement à des achats informatiques sans se faire conseiller par des professionnels qui les assisteront dans la définition de leurs besoins, dans le choix des solutions qui s’offrent à eux et dans la négociation de la relation contractuelle à établir. Néanmoins, la pratique démontre que ce modus operandi, et les coûts qu’il génère, n’est pas à la portée de tous.

Bon nombre d’entreprises se retrouvent engagées dans des projets informatiques boiteux, à l’issue incertaine et aux contours contractuels flous. En l’absence d’un cadre contractuel clair, les parties ne sont cependant pas dépourvues de recours. En effet, la jurisprudence et la doctrine de ces vingt dernières années ont dégagé un certain nombre d’obligations pesant sur le prestataire informatique (mais également sur son client) dont, notamment, la fameuse, et non des moindres, obligation d’information.

Le contenu de l’obligation d’information

Le devoir d’information (ou encore de « conseil ») du prestataire informatique peut être défini comme étant « l’obligation faite au fournisseur de s’informer des besoins de son client, de l’informer de tout renseignement qui pourrait lui être utile concernant le matériel ou la prestation à livrer (type, caractéristiques, conditions d’utilisation ou d’octroi, adéquation de l’environnement, contenu des contrats envisagés, coûts, garanties), de lui proposer une solution adéquate à ses problèmes qui s’inscrit de manière rationnelle dans son entreprise et de le mettre en garde contre toutes les éventuelles limitations de la solution proposée ».

Cette obligation d’information trouvera à s’appliquer tant pendant la période précontractuelle des négociations et pourparlers que pendant la période d’exécution du contrat proprement dite. Il résulte de cette définition tirée des enseignements de la jurisprudence que l’obligation d’information du prestataire informatique lui impose un triple devoir de renseignement, de mise en garde et de conseil à l’égard de son client.

Le devoir de renseignement – Le prestataire informatique est tenu de renseigner objectivement et complètement son client sur les caractéristiques, conditions d’utilisation, capacités, performances et contraintes des biens informatiques fournis, à la lumière des attentes, besoins et ressources financières du client. Il doit également se renseigner auprès du client pour s’enquérir de ses besoins concrets et, le cas échéant, l’aider à formuler adéquatement ses besoins. On constatera ainsi l’importance que revêt la rédaction d’un cahier des charges.

En l’absence d’un tel document, le prestataire informatique sera bien inspiré de procéder, en collaboration avec le client, à la rédaction de ce cahier des charges. Par ailleurs, même en présence d’un cahier des charges préalablement fourni par le client, le prestataire informatique veillera à obtenir toutes les précisions qu’il jugerait utiles. Enfin, on notera que les renseignements donnés au client par le fournisseur doivent non seulement être exacts mais également compréhensibles pour le client. Il ne suffit donc pas de fournir au client des données purement techniques. Un travail de vulgarisation peut alors s’avérer indispensable.

Le devoir de mise en garde – En vertu de cette obligation, le prestataire informatique est tenu d’attirer l’attention de son client sur les éventuelles erreurs que celui-ci aurait pu commettre ainsi que sur les risques, problèmes, contraintes ou limites que peuvent engendrer les différentes opérations envisagées. Ainsi, une carence du cahier des charges établi par le client devra être signalée.

De même, le client devra être dûment mis en garde tant au niveau des contraintes techniques (période de rodage nécessaire, pourcentage acceptable de bugs, obsolescence de certains matériels, incompatibilité entre des logiciels/matériels existant par rapport à la nouvelle application, difficultés inhérentes au démarrage d’applications informatiques) que des perturbations organisationnelles.

Le devoir de conseil – Il s’agit de l’obligation la plus soutenue de l’obligation d’information du prestataire informatique. Dans son aspect précontractuel, elle lui impose d’orienter les choix de son client, de lui indiquer la voie la plus adéquate. Le prestataire informatique est ainsi tenu de s’impliquer personnellement dans l’analyse des besoins de son client pour lui proposer une solution pertinente, efficace et conforme à ses attentes.

Dans ce cadre, il a été jugé en France qu’il peut être exigé du prestataire qu’il donne au client les indications utiles à la réorganisation de son entreprise en fonction du projet informatique, qu’il suggère une formation spécifique de certains de ses personnels ou l’embauche de certains autres, qu’il propose à l’utilisateur un équipement ou des prestations conformes aux besoins de ce dernier et adapté à sa situation. Par ailleurs, tout comme les deux autres composantes de l’obligation d’information, le devoir de conseil perdure durant l’exécution du contrat.

Quelques autres illustrations – En application de ce qui précède, la jurisprudence belge de ces dernières années a notamment estimé que le fait de s’informer de la qualification du personnel du client avant de conclure le contrat faisait partie de l’obligation d’information générale (ou de conseil) du prestataire informatique. Il ne pouvait donc pas tenter de justifier ses retards par l’inexpérience du personnel du client car cette circonstance devait être connue.

De même, en vertu de son obligation d’information, le prestataire informatique doit prévoir l’éventualité d’un développement des besoins du client et ses conséquences contractuelles; il doit proposer une solution qui corresponde aux besoins de son client compte tenu de son infrastructure existante et des potentialités qu’elle offrait encore et il doit conseiller son client sur la compatibilité du système proposé avec le matériel existant.

Le corollaire : l’obligation de collaboration du client

On le constate, l’obligation d’information qui pèse sur le prestataire informatique apparaît bien lourde. Que les professionnels se rassurent néanmoins. S’ils sont tenus d’une telle obligation, le client se doit également de respecter certains devoirs à leur égard. En effet, la jurisprudence a, assez logiquement, considéré que les fournisseurs informatiques ne pouvaient valablement respecter leur obligation d’information à l’égard de leurs clients que pour autant que ces derniers apportent leur nécessaire collaboration au projet.

Ainsi, la jurisprudence impose également dans le chef du client une obligation d’information. Le client doit analyser et exprimer ses besoins. Il doit se renseigner en posant des questions précises à son fournisseur pour exprimer ses besoins et il doit répondre de manière adéquate aux questions qui lui sont posées.

La rédaction d’un cahier des charges peut donc s’avérer également utile sous l’angle des obligations du client. Un tel document ne constitue cependant pas une condition de validité de l’expression de ses besoins par le client.

Il est en effet parfaitement suffisant que le client décrive de manière circonstanciée tous les éléments d’information utiles au prestataire, à charge pour ce dernier de les traduire sous un angle plus technique.

L’intensité variable et les limites de l’obligation d’information

L’obligation d’information qui pèse sur le prestataire informatique n’est pas absolue et certaines limites ont été dégagées. Tout d’abord, sauf clause contractuelle contraire, l’obligation d’information du prestataire informatique constitue une obligation de moyen et non de résultat. Par ailleurs, au titre des limites dégagées, on mentionnera que, dans la phase précontractuelle, l’information à fournir au client doit avoir une influence importante sur le consentement du client.

L’intensité de l’obligation variera aussi en fonction du degré d’implication du prestataire dans le projet informatique. Dans l’hypothèse de la fourniture d’une solution informatique globale ou dans le cadre d’un contrat « clé en main », cette intensité sera nettement accrue. Assez logiquement, le devoir d’information du fournisseur est également limité par l’obligation de collaboration du client qui lui impose de préciser ses besoins et ce qu’il attend du projet.

Enfin, le devoir d’information du prestataire sera modalisé en fonction des compétences propres du client : soit il sera renforcé lorsque le client est considéré comme un profane ou lorsque le prestataire connaît parfaitement les besoins du client, soit il sera diminué lorsque le client est initié à la matière informatique ou s’est fait assister d’un conseil extérieur spécialisé (par exemple pour la rédaction du cahier des charges).

La sanction du non-respect de l’obligation d’information

Ainsi que mentionné ci-avant, le devoir d’information du prestataire informatique constitue à la fois une obligation précontractuelle et contractuelle puisqu’elle trouve aussi à s’appliquer durant l’exécution du contrat. Cependant, le non-respect de cette obligation trouvera le plus souvent son origine lors de phase des négociations mais ne sera invoqué qu’après la conclusion du contrat, lorsque l’exécution de celui-ci pose problème.

Les tribunaux se fondent rarement sur une base purement délictuelle, privilégiant un raisonnement permettant l’application des règles attachées à la non-exécution des obligations contractuelles qui sont plus adaptées au contexte notamment économique du contrat (la mise à néant du contrat ne survenant que dans les cas « extrêmes »). Sur ce dernier point, la jurisprudence et la doctrine françaises sont plus tranchées puisqu’elles considèrent que lorsque le contrat est conclu, la violation durant le stade précontractuel de l’obligation d’information engendre « tout simplement » la responsabilité contractuelle du prestataire informatique.

Un cas d’école : l’arrêt du 6 mai 2003 de la Cour de cassation française

Une mutualité (UGMR) était entrée en contact avec la Sté Promatec afin d’informatiser ses services. La Sté Promatec fournissait à l’UGMR certains progiciels et avait conçu un logiciel spécifique répondant aux besoins de sa cliente. Par contrat de service, la Sté Promatec s’était engagée à adapter le logiciel réalisé en fonction de l’évolution des besoins de l’UGMR.

Non satisfaite du logiciel, l’UGMR avait intenté une action et obtenu des juges de la Cour d’Appel de Lyon, la résolution du contrat de service et la condamnation de son prestataire à des dommages et intérêts.

La société Promatec, qui estimait avoir assuré son obligation de conseil, s’était pourvue en cassation. Par arrêt du 6 mai 2003, la Cour de Cassation confirma la position des juges d’appel.

En l’espèce, selon la Cour, le prestataire informatique n’avait pas assuré son obligation de conseil auprès de sa cliente :  » la Sté Promatec était tenue d’un devoir de conseil, qu’elle se devait notamment, connaissant l’activité de l’UGMR et son environnement particulier, d’envisager les risques de l’absence de définition précise des besoins pour le projet concerné et de s’enquérir des informations nécessaires« .

L’existence d’un service informatique interne chez la cliente ne dispensait pas de l’obligation de conseil du prestataire « dès lors que les informaticiens de l’UGMR ne disposaient pas de toutes les compétences nécessaires, s’agissant de l’installation de logiciels spécifiques« .

Plus d’informations :

Consulter l’arrêt de la Cour de cassation du 6 mai 2003 disponible sur notre site.</

Article paru dans L’Echo du 3 mars 2004

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