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Le licenciement par courrier électronique est-il pour demain ?

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Le Conseil National du Travail a rendu un avis mitigé sur le projet du gouvernement de modifier certains articles de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail, dans le but de faire évoluer le contrat de travail vers un environnement de plus en plus électronique. Les nouvelles technologies s’immiscent dans les…

Le Conseil National du Travail a rendu un avis mitigé sur le projet du gouvernement de modifier certains articles de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail, dans le but de faire évoluer le contrat de travail vers un environnement de plus en plus électronique.

Les nouvelles technologies s’immiscent dans les relations de travail. Le constat n’est pas nouveau. On connaissait déjà les hésitations de la jurisprudence croissante en matière de surveillance des employés sur les lieux de travail au moyen des outils informatiques. Dorénavant, les relations de travail elles-mêmes pourraient bel et bien s’effectuer par le biais des nouvelles technologies, et ainsi bouleverser quelque peu le formalisme bien établi de certains principes applicables en droit social.

Le gouvernement avait envisagé, en 2006, de modifier certains articles de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail, par le biais d’une loi programme portant des dispositions diverses (promulguée entretemps le 27 décembre 2006).

Le Conseil national du Travail a été consulté à ce sujet afin de donner son avis sur un avant-projet de loi portant réglementation du contrat de travail électronique. En outre, le Conseil national du Travail a également examiné un texte concernant le droit social et l’utilisation de moyens électroniques et une note au sujet d’un cadre juridique pour tiers de confiance, contrats de travail électroniques et notifications électroniques en matière de droit du travail. Le but était de formuler des suggestions en ce qui concerne les aspects à aborder et l’ordre de priorité dans lequel ces points devraient être traités.

C’est ainsi que le Conseil national du Travail a rendu un avis n°1.569 concernant le cadre juridique pour la conclusion de contrats de travail électroniques et l’utilisation de notifications électroniques en droit du travail. Reprenons et commentons ici les grandes idées dégagées dans ce texte.

Les Constats du Conseil national du Travail

En premier lieu, le Conseil constate qu’outre la signature, l’écrit et la notification, le droit du travail connaît encore bien d’autres prescriptions de forme, comme la lettre recommandée à la poste, l’exploit d’huissier de justice, la signature au plus tard au moment où le travailleur commence à travailler, la notification dans une période déterminée, l’enregistrement, etc…

A juste titre, le Conseil rappelle que les formalités prescrites peuvent poursuivre des objectifs différents, et ainsi concerner la preuve, la validité d’un acte, ou encore sa publicité et son contrôle. Nul doute qu’une réforme éventuelle des formes prescrites en droit du travail devra tenir compte des divers objectifs poursuivis par la législation en vue notamment de protéger les travailleurs. Ainsi, l’obligation d’un écrit pour certains contrats (contrat étudiant, contrat de travail à temps partiel, intérimaire, ou encore le contrat de travail à durée déterminée) ou pour certaines clauses (comme la clause d’essai et la clause de non-concurrence) ont pour objet de protéger la partie la plus faible. Il s’agira de faire en sorte que transposer ces obligations de forme dans le monde électronique n’enlèvera rien à leur efficacité à protéger les travailleurs. L’exercice pourra néanmoins se révéler délicat.

En outre, le Conseil du Travail rappelle l’existence d’un cadre déjà en vigueur et relatif à la signature électronique, à la notification électronique et aux contrats électroniques.

Sur la question particulière des contrats électroniques, le Conseil souligne que le champ d’application de la loi du 11 mars 2003 sur le commerce électronique est controversé.

Pour rappel, la loi du 11 mars 2003 pose en son article 16 une « disposition transversale », laquelle prévoit que toute exigence légale ou règlementaire de forme relative au processus contractuel est réputée satisfaite à l’égard d’un contrat par voie électronique lorsque les qualités fonctionnelles de cette exigence sont préservées. Le champ d’application de ce principe est discuté.

Selon certains, ce texte ne s’appliquerait qu’aux services de la société de l’information. Or, le considérant 18 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique exclut explicitement la relation contractuelle entre un employé et son employeur de cette notion.

Pour d’autres, la loi sur le commerce électronique s’appliquerait à tous les contrats, excepté les contrats visés par l’article 17 de la loi, qui exclut certaines catégories de contrats du champ d’application de la loi. Les contrats qui relèvent du droit du travail n’ont pas été exclus par cet article et, partant, devraient être soumis aux dispositions de la loi du 11 mars 2003.

Le Conseil souligne également que la même incertitude existe à l’égard du champ d’application de l’article 2281 du Code civil, lequel permet de procéder à des notifications électroniques dans les cas où une notification doit avoir lieu par écrit pour pouvoir être invoquée par celui qui l’a faite. Certains auteurs considèrent que cet article s’applique uniquement au Code civil, alors que d’autres considèrent qu’il constitue le droit commun et s’applique donc également aux relations de travail.

Le Conseil considère que l’application de cette disposition de manière globale au droit du travail pourrait se révéler dangereuse, et ne résout pas les difficultés qui se posent dans le cas d’autres prescriptions de forme, comme le recommandé à la poste ou les notifications dans une période déterminée, notamment en cas de licenciement pour motif grave. On peut comprendre en effet que l’application de cette disposition en droit du travail amène plusieurs incertitudes, notamment quant à la validité d’un licenciement qui serait notifié par courrier électronique, alors que la loi impose l’usage d’un recommandé ou d’une signification par huissier dans ce cas précis.

Les préoccupations du Conseil

Avant tout, le Conseil se félicité de l’initiative du gouvernement, laquelle apportera un certain nombre d’avantages (réduction des coûts, échange plus rapide de l’information, simplification de l’administration sociale, etc). Toutefois, le Conseil estime que l’utilisation des nouvelles technologies ne peut entraîner pour autant la suppression ou la diminution des protections accordées aux travailleurs dans le cadre de leurs relations de travail. Le Conseil plaide donc pour la préservation d’un juste équilibre entre avancée technologique et droits des travailleurs.

En outre, le Conseil estime qu’il est préférable de privilégier une initiative législative spécifique pour régler l’emploi de communications électroniques dans les relations de travail entre employeurs et travailleurs.

De plus, la préservation du droit de ne pas utiliser les moyens de communication électronique paraît primordiale. En effet, le libre choix permettra de respecter le droit de chacun de rester dans un environnement traditionnel, prenant ainsi en considération les clivages technologiques et les difficultés juridiques et sociales que le passage à des moyens de communications électronique ne manquera pas d’entraîner.

L’utilisation de la carte d’identité électronique, dont tout citoyen devrait disposer d’ici 2009, paraît constituer pour le Conseil la meilleure garantie de répondre aux normes élevées en matière de signature électronique. Le Conseil propose également d’adopter un cadre légal entourant la conservation et l’archivage des documents électroniques échangés dans le cadre du droit du travail. Il est certain que tant pour l’utilisation d’une signature électronique que pour la conservation de documents sous forme électronique, les conditions de sécurité, intégrité, et de lisibilité devront être assurées.

Le Conseil souligne de plus que des exigences supplémentaires viennent souvent s’ajouter aux obligations d’écrit ou de signature en droit du travail. A cet effet, il préconise l’adoption d’un cadre légal adéquat répondant à ces exigences supplémentaires dans l’environnement électronique tout en préservant les garanties offertes dans l’environnement papier.

La position du Conseil sur l’avant-projet de loi

Selon le Conseil, le contenu et le champ d’application de l’avant-projet de loi n’était pas clair. En effet, le texte ne permettait pas de déterminer quelles phases de la relation de travail étaient visées par l’avant-projet de loi : la phase précontractuelle, la conclusion du contrat de travail, la phase de l’exécution du contrat de travail, ou également la phase suivant l’exécution du contrat de travail ? De même, le texte était-il appelé à s’appliquer aux relations collectives de travail ? Suite à une demande de clarification du Conseil, le gouvernement a répondu que le projet de loi ne s’appliquerait pas à la fin du contrat de travail, ni aux relations collectives.

Le Conseil s’est également inquiété de savoir à quelles conditions un employeur pouvait contraindre son employé d’utiliser les moyens de communication électroniques pour les relations de travail. A cet égard, le Conseil se prononce en faveur du principe de réversibilité, selon lequel les parties peuvent à tout moment renoncer à leur choix en faveur de la communication électronique et revenir à un mode de communication sur papier.

Le sort de l’avant-projet

Suite aux nombreuses critiques avancées par le Conseil sur l’avant-projet, l’adoption du texte a été postposée. Ceci explique que les articles examinés par le Conseil sont absents de la loi portant des dispositions diverses finalement adoptée le 27 décembre 2006, dans laquelle lesdits articles devaient être insérés.

Il faut donc parier que le législateur reviendra tôt ou tard sur ce projet, impliquant, on l’aura compris, de nombreux domaines du droit, et plusieurs sérieuses adaptations du système de protection des travailleurs (obligations de forme, d’écrit, de notification, de date certaine, etc..).

On peut aussi remarquer que l’avant-projet de loi laisse entièrement de côté certains aspects de la question, comme l’application aux relations de travail, devenues électroniques, des principes de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel ou encore de la CCT n° 81 relative à la protection de la vie privée des travailleurs à l’égard du contrôle des données de communications électroniques en réseau.

Eluder ces questions dans une éventuelle modification de la loi sur le contrat de travail n’empêchera certainement pas les litiges et problèmes relatifs à la protection de la vie privée de (re)surgir dans les relations de travail entre employés et employeurs.

Plus d’infos ?

En lisant l’avis du Conseil national du Travail.

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