Cabinet d’avocats franco-belge, moderne et humain,
au service de la création et de l’innovation

9 pôles d’activités dédiés au
droit de la création et de l’innovation

Nos activités scientifiques & académiques

Faisons connaissance !

Un procès en vue ?
Lisez le guide destiné à mieux vous préparer

Le portail du droit des technologies, depuis 1997
Powered by

Un site pour tout savoir sur le RGPD
Powered by

La Française des Jeux ne pourra plus vendre aux mineurs. Quoique …

Publié le par - 6200 vues

Les jeux de loterie autorisés, et les jeux de pronostics sportifs autorisés, sont désormais interdits aux mineurs. Le gouvernement répare ainsi une anomalie historique puisque cette interdiction existe de longue date pour les casinos et le PMU, mais pas pour les loteries et pronostics sportifs hors PMU.

Le cadre juridique antérieur

La loi du 21 mai 1836 pose un principe d’interdiction des loteries.

Toutefois, l’article 136 de la loi de finances du 31 mai 1933 a autorisé le gouvernement à mettre en place des loteries en principe prohibées.

Le gouvernement agit dans ce cadre par des décrets.

C’est ainsi que l’organisation et l’exploitation des jeux de loterie sont confiées à la FDJ par le décret n° 97-783 du 31 juillet 1997 relatif à l’organisation et à l’exploitation des jeux de loterie.

Ce décret a lui-même été modifié par le décret n° 2006-174 du 17 février 2006 relatif à l’organisation et à l’exploitation des jeux de loterie.

Le décret de 1978 modifié par celui de 2006 demande à la Française des Jeux (FDJ) de proposer au public une offre de jeux de loterie qui respecte plusieurs objectifs, dont celui de « veiller à ne pas inciter les mineurs de moins de 16 ans à jouer ».

Le nouveau cadre juridique

Le gouvernement a été critiqué pour son choix malheureux, car la précision ajoutée en 2006 a créé une confusion quant à savoir si oui ou non un mineur âgé de 16 à 18 ans peut jouer.

Indépendamment de cela, on sait que l’exécutif bruxellois analyse la légalité du monopole de la FDJ au regard de l’arrêt Gambelli rendu par la CJCE, qui énonce en substance que « Une réglementation nationale qui interdit – sous peine de sanctions pénales – l’exercice d’activités de collecte, d’acceptation, d’enregistrement et de transmission de propositions de paris, notamment sur les événements sportifs, en l’absence de concession ou d’autorisation délivrée par l’État membre concerné, constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services prévues respectivement aux articles 43 CE et 49 CE ».

La CJCE a ajouté qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une telle réglementation, au regard de ses modalités concrètes d’application, répond véritablement aux objectifs susceptibles de la justifier et si les restrictions qu’elle impose n’apparaissent pas disproportionnées au regard de ces objectifs.

En d’autres termes : le monopole habituellement présenté comme un moyen de protéger les joueurs poursuit-il réellement cet objectif, ou au contraire est-ce un alibi invoqué dans le but de conserver pour soi le magot que représente ce secteur d’activité ?

C’est dans ce cadre que la France tente depuis quelques mois de présenter un caractère plus cohérent de sa politique de jeu : montrer que le jeu est canalisé pour éviter la critique faite par la CJCE à d’autres Etats.

Les décrets du 7 mai 2007 constituent une pièce maitresse de ce « jeu de la séduction ».

Au lieu de demander à la FDJ de « veiller à ne pas inciter les mineurs de moins de 16 ans à jouer », il pose désormais, en lieu et place de cet alinéa, que « Les jeux de loterie ne peuvent être vendus aux mineurs, même émancipés ».

Il faut rappeler à ce stade que les textes qui ont organisé les activités des casinos et du PMU prévoient de longue date l’interdiction de jeu pour les mineurs. La FDJ bénéficiait ainsi d’un silence aussi particulier que mystérieux et dérangeant. Une anomalie historique en quelque sorte.

Le gouvernement a donc réparé cette erreur par deux décrets du 7 mai 2007 (le premier relatif à l’organisation et à l’exploitation des jeux de loterie, et le second relatif à l’organisation et à l’exploitation des jeux de pronostics sportifs).

Critique du nouveau cadre juridique

Si le gouvernement s’en était tenu à l’interdiction, il n’aurait été critiquable que pour son épouvantable lenteur : cette mesure était attendue depuis des décennies. En outre, adopter cette mesure dans le contexte Gambelli fait sourire.

Par contre, le gouvernement est autrement plus critiquable lorsqu’après avoir créé l’interdiction, il offre une porte de sortie illégale à la FDJ.

Le décret de 2007 stipule en effet que « « Nul ne peut être tenu pour responsable du non-respect de la disposition précédente s’il a été induit en erreur sur l’âge du ou des mineurs concernés ».

Sur l’internet, il suffirait par exemple d’un simple bandeau d’entrée « J’ai plus de 18 ans » pour être exonéré alors que l’on sait combien ces bandeaux sont sans effet sur un mineur qui souhaite entrer sur un site.

En présentiel, il suffirait de dire qu’on a été induit en erreur par l’apparence du mineur, pour être exonéré. Le buraliste pourrait aussi mettre un avertissement dans le lieu de vente et considérer, à l’instar du bandeau d’entrée sur le site web, que le mineur qui achète malgré cela l’a induit en erreur.

On voit mal comment tolérer cette exonération pure et simple de responsabilité lorsqu’on la confronte avec le principe général de responsabilité pour faute reconnu au niveau constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel a énoncé pour principe que toute victime d’une faute a droit à réparation. Il est interdit de créer un régime soustrayant à toute forme de réparation le dommage résultant d’une faute civile imputable à toute personne morale de droit privé. Le principe général de responsabilité pour faute est fondé sur l’article 4 de la Déclaration de 1789.

L’autre fondement constitutionnel du principe de responsabilité est l’égalité. Non seulement les victimes d’un acte fautif doivent bénéficier d’un traitement identique (droit à réparation) mais encore certains auteurs d’actes dommageables ne doivent pas bénéficier d’un traitement plus favorable injustifié.

Par ailleurs, en matière contractuelle, la jurisprudence a estimé que les clauses limitant ou exonérant la responsabilité d’une partie sont sans effet en cas de faute intentionnelle ou de faute lourde. Ces arrêts ont pour fondement les articles 1134, 1131 et 1150 du Code civil. Dans le même esprit, ces clauses exonératoires de responsabilité sont nulles en matière de contrat de consommation sur le fondement de l’article R. 132-1 du Code de la consommation.

Comment le gouvernement peut-il oublier un principe aussi fondamental ?

Cette initiative, aussi tardive que maladroite sur le plan juridique, pourrait bien se retourner contre la France. L’exécutif bruxellois n’est pas dupe : créer une interdiction assortie d’une clause d’exonération aussi large et de toute évidence illégale, montre que le but est de créer une virginité de façade qui n’abuse personne. L’erreur est humaine, mais persévérer .

Plus d’infos ?

En prenant connaissances des décrets, disponibles sur notre site (décret "loteries" et décret "pronostics").

Droit & Technologies

Soyez le premier au courant !

Inscrivez-vous à notre lettre d’informations

close

En poursuivant votre navigation sur notre site, vous acceptez l’utilisation de cookies afin de nous permettre d’améliorer votre expérience utilisateur. En savoir plus

OK