Cabinet d’avocats franco-belge, moderne et humain,
au service de la création et de l’innovation

9 pôles d’activités dédiés au
droit de la création et de l’innovation

Nos activités scientifiques & académiques

Faisons connaissance !

Un procès en vue ?
Lisez le guide destiné à mieux vous préparer

Le portail du droit des technologies, depuis 1997
Powered by

Un site pour tout savoir sur le RGPD
Powered by

Google abuse de sa position dominante : 2,42 milliards €

Publié le par - 5017 vues

Google a bel et bien abusé de sa situation dominante en tant que moteur de recherches, afin de favoriser son propre comparateur de prix au détriment des comparateurs concurrents. Le tribunal confirme pour l’essentiel la décision de la Commission et maintient l’amende inchangée : 2,42 milliards d’euros.

La décision est importante car il y a d’autres « services maison » proposés par Google qui sont systématiquement mis en avant par le moteur de recherche au détriment des services concurrents. Cette décision pourrait donc faire des petits et atteindre Google dans l’un de ses axes stratégiques : élargir au maximum la gamme de services en profitant de l’hégémonie du moteur de recherche.

La décision pourrait aussi faire réfléchir un autre grand acteur, dont le comportement n’est pas sans rappeler celui de Google. On songe évidemment à Amazon et sa place de marché éponyme.

Par décision du 27 juin 2017, la Commission a constaté que, dans treize pays de l’Espace économique européen (EEE), Google avait abusé de sa position dominante détenue sur le marché de la recherche générale sur Internet en favorisant son propre comparateur de produits, un service de recherche spécialisée, par rapport aux comparateurs de produits concurrents. D’une part, la Commission a considéré que les résultats d’une recherche de produits lancée à partir du moteur de recherche générale de Google étaient positionnés et présentés de manière plus attractive lorsqu’il s’agissait des propres résultats du comparateur de produits de Google que lorsqu’il s’agissait des résultats issus des comparateurs de produits concurrents. D’autre part, ces derniers, qui apparaissaient comme de simples résultats génériques (présentés sous forme de liens bleus), étaient, par ce fait, contrairement aux résultats du comparateur de produits de Google, susceptibles d’être rétrogradés par des algorithmes d’ajustement dans les pages de résultats générales de Google.

Pour cette infraction, la Commission a infligé à Google une sanction pécuniaire d’un montant de 2 424 495 000 euros, dont 523 518 000 euros solidairement avec Alphabet, sa société mère.

Google et Alphabet ont introduit un recours contre la décision de la Commission devant le Tribunal de l’Union européenne.

Par son arrêt de ce jour, le Tribunal rejette pour l’essentiel le recours des deux sociétés et confirme l’amende infligée par la Commission.

Le Tribunal reconnaît le caractère anticoncurrentiel de la pratique litigieuse

Tout d’abord, le Tribunal considère que la seule position dominante d’une entreprise, fût-elle de l’ampleur de celle de Google, n’implique aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée, même si elle projette de s’étendre sur un marché voisin. Toutefois, le Tribunal constate que, en favorisant son propre comparateur de produits sur ses pages de résultats générales par le biais d’une présentation et d’un positionnement privilégiés, tout en reléguant, dans ces pages, les résultats des comparateurs concurrents, par le biais d’algorithmes de classement, Google s’est écartée de la concurrence par les mérites. En effet, en raison de trois circonstances particulières, à savoir, i) l’importance du trafic généré par le moteur de recherche générale de Google pour les comparateurs de produits, ii) le comportement des utilisateurs qui se focalisent en général sur les premiers résultats ainsi que iii) la proportion importante et le caractère non effectivement remplaçable du trafic « détourné » dans le trafic des comparateurs de produits, la pratique litigieuse était de nature à conduire à un affaiblissement de la concurrence sur le marché.

Le Tribunal note également que, compte tenu de la vocation universelle du moteur de recherche générale de Google, qui est conçu pour indexer des résultats comprenant tous les contenus possibles, la promotion sur les pages de résultats de Google d’un seul type de résultat spécialisé, à savoir les siens, revêt une certaine forme d’anormalité. En effet, un moteur de recherche générale est une infrastructure, en principe, ouverte, dont la raison d’être et la valeur résident dans sa capacité à être ouvert aux résultats venant de l’extérieur, à savoir de sources tierces, et à afficher ces sources lesquelles l’enrichissent et le crédibilisent.

Ensuite, le Tribunal estime que la présente affaire porte sur les conditions de fourniture par Google de son service de recherche générale par le biais de l’accès aux pages de résultats générales par les comparateurs de produits concurrents. Il indique, à cet égard, que la page de résultats générale présente des caractéristiques qui la rapprochent d’une facilité essentielle dans la mesure où il n’existe actuellement aucun substitut réel ou potentiel disponible permettant de la remplacer de façon économiquement viable sur le marché. Toutefois, le Tribunal confirme que toute pratique concernant l’accès à une telle facilité n’implique pas nécessairement d’être appréciée à la lumière des conditions applicables au refus de fourniture énoncées dans l’arrêt Bronner (C-7/97), que Google invoquait au soutien de son argumentation. Dans ce contexte, le Tribunal considère que la pratique litigieuse ne repose pas sur un refus de fourniture mais repose sur une différence de traitement opérée par Google au seul bénéfice de son propre comparateur, si bien que l’arrêt susvisé ne trouve pas application en l’espèce.

Enfin, le Tribunal constate que le traitement différencié appliqué par Google s’opère en fonction de l’origine des résultats, à savoir selon qu’ils proviennent de son propre comparateur ou des comparateurs concurrents. Le Tribunal juge ainsi que, en réalité, Google favorise son propre comparateur par rapport aux comparateurs concurrents et non pas un meilleur résultat qu’un autre. Le Tribunal note, à cet égard, que, même si les résultats des comparateurs concurrents étaient plus pertinents, ils ne pouvaient jamais bénéficier d’un traitement similaire à celui des résultats du comparateur Google en ce qui concerne leur positionnement et leur présentation. Certes, Google a entre-temps permis aux comparateurs de produits concurrents d’augmenter la qualité de l’affichage de leurs résultats en accédant à ses « boxes » moyennant paiement, mais le Tribunal constate qu’un tel service était conditionné à ce que les comparateurs de produits changent leur modèle économique et renoncent à être des concurrents directs de Google pour en devenir des clients.

La Commission a constaté à juste titre des effets préjudiciables à la concurrence

Le Tribunal rejette les arguments invoqués par Google pour contester les passages de la décision attaquée relatifs aux conséquences de la pratique litigieuse sur le trafic. À cet égard, le Tribunal souligne que ces arguments tiennent uniquement compte de l’impact de l’affichage des résultats du comparateur de produits de Google sans prendre en compte celui du mauvais placement des résultats de comparateurs de produits concurrents dans les résultats génériques. Or, la Commission avait mis en cause les effets conjugués de ces deux aspects en s’appuyant sur de nombreux éléments, notamment des données de trafic concrètes et la corrélation entre la visibilité d’un résultat et le trafic vers le site dont émane ce résultat, pour établir le lien entre le comportement de Google et la baisse globale du trafic depuis ses pages de résultats générales vers les comparateurs de produits concurrents et sa hausse significative pour son propre comparateur de produits.

S’agissant des effets de la pratique litigieuse sur la concurrence, le Tribunal rappelle qu’un abus de position dominante existe lorsque l’entreprise dominante, en recourant à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale, fait obstacle au maintien du degré de concurrence ou au développement de celle-ci, et que cela peut être établi par la seule démonstration que son comportement a la capacité de restreindre la concurrence. Ainsi, la Commission, même si elle devait analyser toutes les circonstances pertinentes, y compris les arguments de Google relatifs à l’évolution réelle des marchés, n’était pas tenue d’identifier des effets réels d’éviction des marchés. Dans ce contexte, le Tribunal constate que, en l’espèce, après avoir mesuré les effets réels du comportement en cause sur le trafic des comparateurs de produits issu des pages de résultats générales de Google, la Commission a montré, sur des bases suffisantes, que ce trafic représentait une large part de leur trafic total, que cette part ne pouvait pas être effectivement remplacée par d’autres sources de trafic, comme les publicités (AdWords) ou les applications mobiles, et qu’il en résultait potentiellement la disparition de comparateurs de produits, une baisse de l’innovation sur leur marché et un moindre choix pour les consommateurs, éléments caractéristiques d’un affaiblissement de la concurrence.

Le Tribunal rejette par ailleurs l’argument de Google d’après lequel la concurrence serait restée vive sur le marché des services de la comparaison de produits en raison de la présence des plates-formes marchandes sur ce marché. Le Tribunal confirme en effet l’analyse de la Commission selon laquelle ces plates-formes ne sont pas sur le même marché. Même si les deux catégories de sites offrent des fonctions de recherche de produits, ce n’est pas dans les mêmes conditions et les utilisateurs, que ce soient les internautes ou les vendeurs sur Internet, ne les utilisent pas dans la même perspective, mais, le cas échéant, à titre complémentaire. Le Tribunal approuve dès lors la Commission selon laquelle la pression concurrentielle des plates- formes marchandes sur Google est faible. Il précise que, même si les plates-formes marchandes avaient été dans le même marché que les comparateurs de produits, l’effet anticoncurrentiel identifié aurait été suffisant pour qualifier d’abusif le comportement de Google car, dans tous les pays concernés, une part non négligeable de ce marché, celle des comparateurs de produits, aurait été affectée. Le Tribunal valide donc l’analyse de la Commission sur le marché de la recherche spécialisée pour la comparaison de produits.

En revanche, le Tribunal estime que la Commission n’a pas établi que le comportement de Google avait eu des effets anticoncurrentiels, même potentiels, sur le marché de la recherche générale et il annule en conséquence le constat d’infraction pour ce seul marché.

Le Tribunal écarte l’existence d’éventuelles justifications objectives au comportement de Google

Pour contester encore le caractère abusif de son comportement, Google a invoqué, d’une part, les caractéristiques prétendument proconcurrentielles de son comportement, en ce sens que celui-ci aurait amélioré la qualité de son service de recherche et compensé l’effet d’éviction lié à la pratique litigieuse et, d’autre part, des contraintes techniques qui auraient empêché Google d’assurer l’égalité de traitement recherchée par la Commission.

Le Tribunal rejette ces arguments. Il juge, d’une part, que, si les algorithmes de classement des résultats génériques ou les critères de positionnement et de présentation des résultats spécialisés pour produits de Google peuvent en tant que tels représenter des améliorations de son service à teneur proconcurrentielle, cette circonstance ne justifie pas la pratique litigieuse, à savoir une inégalité de traitement entre les résultats du comparateur de produits de Google et ceux des comparateurs de produits concurrents. Le Tribunal estime, d’autre part, que Google reste en défaut de démontrer des gains d’efficience liés à cette pratique qui compenseraient ses effets négatifs pour la concurrence.

Le Tribunal, au terme d’une nouvelle appréciation de l’infraction, confirme le montant de la sanction

Enfin, le Tribunal rejette les arguments de Google soutenant qu’aucune sanction ne devait lui être infligée. En particulier, ni le fait que le type de comportement en cause ait été analysé pour la première fois par la Commission au regard des règles de concurrence ni le fait qu’à un stade de la procédure celle-ci ait pu indiquer qu’elle ne pouvait pas imposer certaines modifications de ses pratiques à Google ou qu’elle ait accepté de tenter de résoudre le cas par la voie d’engagements pris par Google n’empêchaient de lui infliger une sanction.

Par ailleurs, après avoir procédé à une appréciation propre des faits en vue de déterminer le niveau de la sanction, le Tribunal constate, d’une part, que l’annulation partielle de la décision attaquée, limitée au marché de la recherche générale, n’a pas d’impact sur le montant de l’amende, dès lors que la Commission, pour déterminer le montant de base de l’amende, n’avait pas pris en considération la valeur des ventes sur ce marché. D’autre part, le Tribunal souligne le caractère particulièrement grave de l’infraction et, s’il tient compte de ce que l’abus n’a pas été démontré sur le marché de la recherche générale, il prend aussi en considération le fait que le comportement en cause a été adopté de manière délibérée et non par négligence. Au terme de son analyse, le Tribunal estime que le montant de la sanction pécuniaire infligée à Google doit être confirmé.

Plus d’infos ?

En lisant la décision, disponible en téléchargement.

Source : communiqué du tribunal

Droit & Technologies

Soyez le premier au courant !

Inscrivez-vous à notre lettre d’informations

close

En poursuivant votre navigation sur notre site, vous acceptez l’utilisation de cookies afin de nous permettre d’améliorer votre expérience utilisateur. En savoir plus

OK